Association mets et vins : un idéal franco-français

L’association mets et vins : voila un idéal franco-français ! Nous n’y sommes pour rien, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de parler de ce que nous mangerons au prochain repas ! Pour beaucoup d’étrangers ce savoir-être se situe entre la science et l’art, il devient quasiment une seconde nature chez nous.

 

Bien des amateurs font des incartades par rapport aux couples traditionnel blanc/poisson et rouge/viande,  pour tester des associations plus fines : sur le gras d’un Grenache blanc, une sauce crèmée à l’estragon. Ou sur l’élégante rusticité d’un Mourvèdre, des champignons sauvages et un fond de veau pour l’autre …

Réussir une association met et vin est un grand plaisir, qui reste très difficile à partager quand l'interlocuteur n'est pas à table !
Réussir une association met et vin est un grand plaisir, qui reste très difficile à partager quand l’interlocuteur n’est pas à table !

Il est plaisant de partager les éléments de sa culture. En cave, lors d’une dégustation avec des français, cela devient la manière la plus convaincante de boucler une séance en évoquant quelque repas familiaux fait ou à venir. Cela deviendra exotique, étrange, abscons, incongru selon que vous soyez un novice du far-ouest, un Brésilien en goguette ou un Pékinois en pèlerinage en Europe.

 

Chacun de ces visiteurs a son propre imaginaire du vin, sa propre manière de le consommer : souvent aux Etats-Unis le vin se boit à l’apéro, au Brésil il est objet de prestige, en Chine un moyen de se détendre…

L’hôte, dans sa bonne volonté, aura plaisir à démontrer les champs des possibles gastronomiques alors que patiemment les visiteurs attendront la fin de la démonstration.

Manger à plusieurs (le même plat) est une activité très Européenne, plus particulièrement Méditerranéenne. Passer du temps à table est difficile à concevoir pour la plupart des cultures. Tous ces gens ne sont pas insensibles à notre art de vivre, loin de là, mais cela sort de leurs habitudes.

 

La gastronomie n’est pas considérée de la même manière selon votre origine et votre culture !

N’oublions jamais les motivations qui poussent les touristes, qui ont parfois fait des milliers de km pour découvrir nos vignobles. La gastronomie pour le plus grand nombre se passe dans une assiette, ce n’est surtout pas un objet de spéculation. On doit mentionner les accords mets et vins, simplement, presqu’anecdotiquement, comme pour prouver le potentiel du vin, inciter au rêve ou plus pragmatiquement montrer à votre auditoire votre degré de connaissance dans cette matière.

 

Il ne sert à rien de fatiguer les visiteurs avec un idéal qui nous sied si ce dernier n’est pas capable de l’entendre : autant en rester aux basiques « blanc/poisson », « rouge/viande » – nous aurons tout le loisir de développer si le visiteur/client vient à poser une question.
Généralement, le vin est vu comme un objet de plaisir immédiat – rarement comme un « produit culturel », gardons nous de déborder.

Cependant, le paradoxe du succès des vins français réside dans ce que l’on nomme l’art de vivre : c’est bien ! Suggérons le plutôt que d’assommer les gens avec !

Une question de modèle

Depuis le grand élan de la mondialisation du vin dans les année 80, on parle souvent de styles de vin, de courants de production… une forme de compétition entre Vin de l’ancien monde contre celui du nouveau monde, qui semble t-il est encore à l’avantage de l’Europe ! Ce débat fait toujours rage et je pense qu’il est encore loin d’être clôt.

 

Si l’on observait ces deux mondes du vin sous l’angle de l’art d’accueillir dans un établissement viticole, le paradigme s’inverserait : le modèle est à chercher hors d’Europe.

Le nouveau monde s’applique à faire les meilleurs vins possibles, et il progresse sans cesse. En revanche l’art de développer des services autour du métier initial de vigneron atteint des sommets qu’en France nous devons observer attentivement !

 

L’accueil devient une stratégie d’entreprise

Il ne s’agit pas seulement d’investissements et d’échelles budgétaires, un bon opérateur œnotouristique n’est pas systématiquement celui qui va développer un programme de plusieurs centaines de milliers d’euro pour installer un restaurant ou un hébergement.
Nous parlons plutôt de posture : mettre en place une stratégie d’entreprise englobant l’accueil dans son ADN.

Faire du domaine un centre de vie, un espace ouvert (selon les possibilités de chaque cave) donnant l’opportunité à tout visiteur de s’approprier le rêve que le vin procure, la mémoire de la ruralité, le romantisme des paysages, la nature au travers des saisons, la technicité, les plaisirs de la gastronomie…

Réaliser un accueil de qualité reste le métier principal de l'Oenotourisme !
Réaliser un accueil de qualité reste le métier principal de l’Oenotourisme !

La cave peut devenir un support pour développer toute une collection de services, génératrice de revenus directs, indépendamment de la vente des vins, qui sera amplifiée bien sûr par la fréquentation.

Être un bon vigneron n’empêche pas d’être un bon entrepreneur, les exemples et les success stories sont nombreux. Emile Guigal, Louis Latour…sont devenus de véritables légendes qui ont été fortement valorisées.

 

Inclure le tourisme dans le champ des activités d’une cave n’est pas vendre son âme au diable, et cela n’empêche surtout pas de produire des vins encore plus fins, au contraire !

Rien ne sert de communiquer, il faut servir à point !

Depuis l’avènement des réseaux sociaux on voit déferler partout une incroyable émergence de nouvelles activités, mais sont-elles toujours aussi pertinentes qu’elle le prétendent ?

Communico ergo sum ! Je communique donc je suis – la recette semble facile. Savoir accueillir est un service en soi, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas l’apanage français !
La puissance croissante des moyens de communication disponibles n’améliorera pas un service d’accueil défaillant.

 

L’accueil, l’accueil, l’accueil !

L’accueil EST un métier ! Comme Monsieur Jourdain, nous le pratiquons tous sans le savoir. Cette faiblesse nationale (observons notre comportement au volant, pour en déduire le niveau moyen de savoir-vivre en France) ne concerne pas uniquement le monde du vin.
Le sourire, la patience, l’empathie, la disponibilité sont des qualités humaines dont nous disposons tous. Bien accueillir est quelque chose de possible, encore faut-il le vouloir.
Viennent ensuite les compétences plus techniques comme la maîtrise d’une langue, les connaissances oenologiques et/ou agricoles, commerciales … que l’on peut acquérir au fil de l’eau.

L'Oenotourisme, avant d'être une route des vins, c'est surtout l'art de bien accueillir.
L’Oenotourisme, avant d’être une route des vins, c’est surtout l’art de bien accueillir.

Bien accueillir, c’est aussi disposer d’une signalétique efficace, de moyens d’accès pratiques, de confort et d’esthétique. Paradoxalement, ces dernières catégories « matérielles » sont assez bien développées en France.

Souvent, à la suite de visites de caves dans des domaines prestigieux, les clients m’ont fait remarquer la disproportion entre l’investissement technique (beauté des constructions, salle de dégustation confortable, jardin aménagé et parking bien adapté….) et le ridicule de l’accueil (secrétaire peu disponible, anglais inexistant, échantillons de dégustation versés à l’économie, sourire crispé …).

 

L’oenotourisme est un secteur d’activité en soi !

Le monde du vin, s’il désire investir celui du tourisme, doit professionnaliser l’accueil, cela induit des logiques comportementales orientées vers le service, monde opposé à celui du vin qui privilégie l’approche « produit ».

Mais les enjeux, tant en terme de chiffre d’affaire que d’image tournent autour de cette capacité à accueillir.

Plus que la qualité du vin, la qualité de l’accueil va déterminer le succès d’une entreprise œnotouristique, encore plus depuis que les réseaux sociaux comme Trip Advisor ou Foursquare donnent la liberté aux visiteurs d’évaluer la prestation.

Le moyen-âge est fini, nous en sommes au 2.0. Tout nous est permis, mais la contre partie est qu’il nous sera peu pardonné. Pour soigner notre e réputation, commençons par valoriser notre savoir-être !

Le vin, c’est la rencontre !

Notre époque est celle des citadins interconnectés. Les modes de vie se dématérialisent de plus en plus. La « vie augmentée » proposée par le Réseau nous prive des rapports humains essentiels, du dialogue direct, de la rencontre…

 

Le vin, par sa symbolique millénaire, représente ce lien nécessaire au développement des relations, et il est reconnu que les consommateurs de vin apprécie cet élément comme liant social.

Pas de réunion amicale sans vin : le vin est un facilitateur social !
Pas de réunion amicale sans vin : le vin est un facilitateur social !

L’engouement mondial – encore récent – pour le tourisme du vin peut s’expliquer en partie par cette fonction compensatoire de convivialité.

Par ailleurs, majoritairement, le voyage viticole suggère la découverte de territoires non-urbains, un retour aux racines primordiales, une ré-appropriation de valeurs enfouies et devenues inconscientes, et un ré-apprentissage du sensible (texture du sol, senteurs ambiantes, paysages construits par les vignerons, paysages naturels…).

 

Découvrir = rencontrer

Voyager c’est aller à la rencontre, provoquer une part d’inconnu et d’impromptu. Cet esprit d’aventure (même si les clients d’agences de voyages réclament en priorité la sécurité !) est une composante essentielle de la rencontre.

Ce sentiment d’ouverture à l’autre, que l’on déploie à l’occasion de voyages, se voit amplifié par cet esprit du vin qui favorise les échanges, les émotions gustatives, les surprises en tout genres (découvrir une tradition locale du pays visité, partager un service avec un autre voyageur d’une autre nationalité, vivre d’autres rythmes propres au pays, à la prestation, au domaine…).

 

Le vin est un exercice tant intellectuel qu’émotionnel : déguster, c’est exprimer verbalement des perceptions sensibles, voilà toute la difficulté. Cette pratique, quand elle est partagée, trouve une autre dimension, plus ludique et conviviale, un nouvel apprentissage, l’exotisme de la visite, la culture du goût…et provoque plaisir et satisfaction.

Pour tous les intervenants du tourisme du vin, cette dimension humaine de la rencontre est l’axe central de ce nouveau métier : il s’agit du pivot moteur de l’œnotourisme. Le vin est l’une des grandes représentations de l’Homme.

Ignorer cette dimension, c’est méconnaitre l’âme de ce métier en développement.