Diagnostic
Le Languedoc Roussillon souffre d’une image qui n’est pas assez forte pour attirer un tourisme de luxe à forte valeur ajoutée. Atout France* dans son document qualifie le Languedoc de région perçue encore comme un peu « brute » aussi bien sur le plan touristique que viticole ».
Les vins du Languedoc Roussillon – qui qualitativement appartiennent au cercle des grands – n’ont toujours pas conquis la renommée qu’ils méritent : ce sont plus des vins de curieux que de consommateurs traditionnels.
L’œnotourisme peut cependant participer à l’évolution qualitative du tourisme.
Les produits d’œnotourisme correspondent à la clientèle csp + susceptible de consommer plus et sur des niveaux de gamme supérieurs.
Le patrimoine et l’histoire viticole très riche ne sont pas tellement valorisés. Le Languedoc Roussillon possède pourtant l’une des histoires les plus riches de France avec la découverte de la Pasteurisation dans la région de Mauguio, l’apparition du phylloxera dans le Gard, identifié par le professeur montpellierain Jules Planchon, la visite du futur président américain Jefferson, l’Eldorado du vin fin 19ème entre Pézenas et Carcassonne, la découverte de la macération carbonique par Flanzy à Narbonne, les événements de 1907 qui induisent le principe d’appellation moderne et du service de répression des fraudes, la coopération viticole…
L’un des volets les plus remarquables est l’existence d’une architecture viticole spécifique, principalement construite avant 1914 ou entre les deux guerres : des chais et entrepôts, des grands châteaux.

Cette richesse reste trop souvent en friche. Témoignage à la fois culturel et intellectuel, et donc difficile à exploiter sans prendre son temps (pas assez spectaculaire), elle nécessite une valorisation par une médiation spécifique – livre, guide touristique, visite des lieux, organisation du discours…
En comparant avec les 2 autres grandes régions voisines : Provence et Aquitaine
La Provence bénéficie d’une très forte notoriété touristique et deux très grands crus attractifs, principalement à l’international : Bandol et surtout Châteauneuf du Pape.
L’Aquitaine – qui a une énorme notoriété viticole, a compris très tôt l’intérêt de la valorisation architecturale et patrimoniale en valorisant St Emilion (UNESCO) ou les grands châteaux du Médoc…
Objectif : vers une clientèle internationale
Pour attirer une clientèle œnotouristique à fort pouvoir d’achat de comportement « luxe » :
- il faut des grands vins « célèbres » qui ne correspondent pas uniquement à la catégorie vin de garage (micro cuvée fabuleuse mais malheureusement très rare et onéreuse).
- il faut un environnement entretenu et valorisé, « riche », l’impression de pauvreté repousse. Les villages Languedociens ont le même potentiel patrimonial et climatologique que les villages provençaux, mais ils souffrent de ce type de préjugé.
- il faut une région active, le monde attire le monde, avec des services de niveau international : hôtellerie / restauration, prestations touristiques et des animations, sentiment de sécurité, d’harmonie esthétique globale, une logique de service à standard international (ne pas attendre pour se faire servir, langues parlées, manger à toute heure, propreté…)
En Languedoc Roussillon, seule la ville de Montpellier commence à avoir ce statut attractif dans les standards internationaux.
La difficulté réside dans le fait que les vignobles qualitatifs sont loin des centres urbains, où la ruralité – ancrée dans sa propre sociologie – a du mal à proposer des services correspondants au standard international. Nous observons également une rupture territoriale entre les vignobles d’arrière-pays plus porteurs d’image qualitative et les autres plus proches du littoral à la notoriété moins reconnue.
Nous manquons d’ambition également, notamment en termes tarifaires. Les prix des vins sont adaptés au marché national, pour de nombreux visiteurs non Européens, un vin correct commence à 20€, le vigneron doit pouvoir proposer une gamme comportant des vins allant jusqu’à 100€. Dans la psychologie de la clientèle, le prix est toujours un reflet de la qualité.
Cela pose des problèmes en terme de gestion du temps : être obligé de consacrer une journée à rouler pour découvrir une cave un peu trop « rustique » fait perdre l’avantage du désir de découverte. Le ratio désir satisfait / moyen en temps / argent / confort n’est pas favorable.
Cela pose des problèmes en terme de gestion de savoir-faire : il faut des intervenants (hôtesses, guides, agents de comptoir, agences de voyages, réseau de caves, restaurants, hébergements) d’une compétence élevée en terme de langue, de comportement et de professionnalisme.
La spécialisation des zones
Actuellement les vignobles proches de Montpellier correspondent potentiellement à un développement de standard international : Pic Saint Loup et Grès de Montpellier (moins d’une heure de trajet en voiture). Le client part de grands centres urbains pour des séjours allant de 2 à 5 jours, le budget temps est capital pour calibrer l’offre.
La zone Piscénoise, avec son potentiel patrimonial, ses riches terroirs, la densité des domaines viticoles, ses axes de communication aisés et surtout les initiatives locales privées (Abbaye de Valmagne, les domaines Paul Mas …), constitue un deuxième centre à fort potentiel d’œnotourisme haut de gamme.

L’ouest Languedocien reste encore à valoriser, l’exemple du Château des Carasses constitue le premier pas d’un maillage en cours de constitution.
Selon ces constatations (l’homme a horreur du vide), les autres terroirs Languedociens ne possèdent pas actuellement de leviers suffisamment forts pour attirer ce public.
Des hôtels 5* et des restaurants Michelin 2* et 3* peuvent être un moyen de fixer cette clientèle (extra-européenne) à la condition, qu’en parallèle une offre de services (accueil de qualité dans les caves, chauffeurs-guide, villages attractifs, agences réceptives spécialisées, animations / événements … ) soit facilement disponible. Le réseau des chambres d’hôte de charme, plus richement développé sur ces territoires, peuvent représenter un point de départ pour amorcer un virage qualitatif en profondeur.
Un profil avide d’expérience mais exigeant
Les amateurs de vins outre-atlantique, à fort potentiel économique, sont de très bons prescripteurs dans leur pays d’origine (une constante de l’histoire : on imite les « riches »). Ils constituent un réservoir de clientèle potentielle, amoureux de la Culture Européenne et saturé de Provence et de Toscane. Ils savent que le Languedoc est comme un paradis pour wine lovers mais cette destination – d’un point de vue œnotouristique – leur apparaît complexe de prime abord.

Cependant il faut pouvoir répondre à la demande sans cesse croissante de plus d’ancrage, de bien être et de sécurité. La demande de services TIC (technologie de l’information et de la communication) est à prendre en compte, sujet particulièrement délicat dans les zones rurales concernées. Cette clientèle – habituée chez elle à un niveau de service autrement élevé – apprécie la notion de « sur mesure », les agences réceptives peuvent apporter cette dimension avec en complément la sécurisation mentale du risque nul. C’est une catégorie de visiteur qui sait apprécier le supplément d’âme délivré lors des services et elle très sensible à la valeur émotionnelle des prestations.
Nos territoires doivent pouvoir évoluer d’une clientèle Française, avec seulement 34% d’étrangers, essentiellement Européens (42,7% PACA)*, vers une clientèle mondiale, qui voit la France comme un modèle viticole et de qualité de vie.
Une nouvelle donne
Enfin, le Languedoc Roussillon est un trait d’union entre l’ouest avec Barcelone, centre très attractif touristiquement, non loin du vignoble de Priorat (qui devient l’un des grands noms des vins mondiaux) et le Bordelais, lieu historique de l’œnotourisme en France ; et l’est, la Provence et Châteauneuf du Pape qui jouissent d’une très forte estime internationale.
L’économie subit une crise profonde. Une étude de la DGCIS** apporte une analyse documentée des glissements comportementaux face à la consommation. La quête d’une clientèle étrangère donne l’avantage de répartir les risques en travaillant avec des visiteurs qui ne connaissent pas la crise.
Tous ces facteurs constituent une formidable opportunité pour orienter le marketing territorial du Languedoc vers une démarche œnotouristique haut de gamme.
* source Atout France : « L’oenotourisme, une valeur sûr à exploiter »
** Direction Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services « Nouvelles perceptions de la valeur des offres touristiques – 2010 »