Les paysages viticoles : un capital Culturel !

Le vigneron est un artiste, et pas seulement parce qu’il produit des flacons délicieux ! C’est lui, et ses prédécesseurs, qui ont sculpté, façonné, organisé les valons reculés en vagues de végétations. Imaginez la vallée du Rhône nord sans leur patient et minutieux travail.
Le syndrome du Tour de France

Nous l’oublions souvent, mais les visiteurs, encore plus ceux qui viennent de loin, sont amoureux de nos paysages. Le Tour de France, troisième événement sportif le plus médiatisé, attire parce que la France est belle : les villages reculés, les champs de tournesols, les routes alignées de platanes tout cela alimente la machine à rêver qu’est le tourisme.

« Sightseeing » ce mot anglais qui signifie tourisme et excursion contient la définition de la motivation client : Sight se traduit par vue et Seeing par voir – tout un programme !

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Bien entendu le rapport au monde est avant tout visuel. Les paroles viennent ensuite. Dans notre cas, les œnodestinations françaises ont un très fort pouvoir de séduction. C’est tout le charme de l’agritourisme également !

Ne gâchons pas notre potentiel qualitatif en oubliant de le valoriser, sous prétexte de temps perdu. Cela est encore plus vrai depuis que le post-modernisme vit sous le joug du smartphone, qui photographie, partage et mémorise.

Les gens du pays

Les vignobles, beaux et paisibles, contiennent l’énigme des Terroirs, le secrets des gens du pays. On a vite fait le lien avec la qualité des vins … et par synesthésie les beaux paysages font saliver, ils suggèrent la qualité des crus.

Souvent, la réputation précède l’idée réelle de l’expérience. On parle d’image d’un territoire, d’une marque … Avec le digital l’image est partout maintenant. Bordeaux et Bourgogne sont devenus tellement célèbres qu’il faut presque vérifier l’aspect de leurs vignobles, cela doit expliquer les flux naturels de visiteurs, et qui ne sont pas toujours winelovers. Ils doivent « taster » à quoi ressemblent ces noms ?

Un voyage finalement, n’est franchement abouti que si l’on a pu « prendre langue » avec les autochtones, de regarder, se sourire, entendre des intonations … C’est peut être la raison du succès des marchés dit « Provençaux », du shopping ou de la visite de cave. La rencontre c’est rendre vrai le voyage !

Peu de Gall : Pied de Coq : système de drainage pour éviter l'érosion des pluies violentes

Peu de Gall = Pied de Coq : système de drainage pour éviter l’érosion causées par les pluies violentes

Mais les visiteurs œnophiles sont citadins, le vide des campagnes les effraie. Cette appréhension légitime ne peut être calmée que par les rencontres. Parler et faire ensemble est le meilleur antidote contre l’ennui. La découverte des vignobles reste l’argument principal qui permet de transgresser cette peur initiale dans les espaces reculés. Un peu comme le pharmacon des Grecs anciens, le tourisme du vin attire et inquiète.

Alors, déguster devient le prétexte pour toucher les gens du pays ! Mais la magie du vin est telle que très vite, du consommateur au producteur la relation devient amicale, de moi à toi. C’est là aussi que le vin est bon ! Et l’on s’en va satisfait d’une dégustation qui ne laisse pas que le goût du vin, mais le souvenir d’un sourire, d’une expression ou d’un accent.

Les paysages ? Mais c’est un livre d’histoire !

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L’interprétation des paysages constitue le secret d’une mise en scène réussie. Cela aide à capter l’atmosphère : le visiteur est en quête d’intime. Pour lui tous les monts se ressemblent, les vallées sont anonymes, le temps est invisible, il n’en voit pas les traces.

Depuis peu, les prestataires touristiques ne cessent d’utiliser le mot « expérience« , comme s’il suffisait de le dire pour que la consommation de la prestation en soit une ! Cette expérience n’en devient une que si les conditions pour déclencher une émotion sont réunies !

L’impact sensitif des harmonies de formes et de couleurs, primaire et intime peut s’amplifier grâce aux échanges. L’intervention d’un intermédiaire est souvent indispensable. Comme je l’ai souvent dit, le vin est du domaine de l’humain, de la rencontre, de l’échange !

Le médiateur (vigneron, guide œnotouristique, passant, habitant, paysan, le digital …) est là pour aider le regard à décrypter (les masses et les textures, les formes et les reliefs, les nuances et les détails). Un fin connaisseur du pays (les Guides de Pays par exemple) peut expliquer en quoi un axe routier fut choisi à un autre, pourquoi telle essence d’arbre fut plantée, pourquoi une agriculture a remplacé une autre ?

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Cette vie humaine a laissé des traces … et nous aimons tous à jouer aux enquêteurs, mi-ethnologue mi-géographe sur les pas des ancêtres.

Découvrir les dessous du Terroir

Le visiteur moderne désire … Il aspire à l’insolite, l’unique, l’authentique. Et même s’il sait qu’il se raconte une histoire, conscient que d’autres feront la même chose … Qu’au moins sa propre pratique du lieu soit exceptionnelle … Parce qu’il le vaut bien !

Les prestataires œnotouristiques doivent donner au voyageur les moyens de satisfaire sa curiosité. Le visiteur repartira avec une idée du pays, celle qu’il se sera construite. Il aura participé, grâce à l’intervention de l’hôte, à (re) écrire l’histoire du lieu. Une de plus ! Mais c’est la sienne, celle qui compte.

Et le vin dans tous ça ? … Il devient la mémoire liquide, le témoin de son passage, la prolongation d’une émotion qui a été un voyage. Et le storytelling qu’on a donné à entendre au visiteur, en deviendra un nouveau, celui qu’il s’est approprié, où il peindra ses valons, ses rangées de ceps, ses cailloux et ses argiles …

Comment valoriser ce qui nous entoure, donc ?

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  1. Tout d’abord, prendre son temps ! Les vignes mettent des décennies à croître, un grand vin parfois demande des heures à s’exprimer : vitesse et œnotourisme ne sont pas synonymes.
  2. Etre prêt à tout moment de recevoir quelqu’un : avoir imaginé une mise en scène (itinéraire, histoire, point de vue …) est la deuxième tâche à entreprendre.
  3. Enfin, être humain : cette forme de professionnalisme qui écoute, échange, partage et s’intéresse.

L’exemple de l’association Haie Vive Alsace qui cherche à replanter les haies, à rétablir les paysages d’avant le remembrement, son savoir-expliquer peut aider à visualiser les champs du possible pour les prestataires œnotouristiques sensibles aux paysages.

Avec tout ce qu’il a vu, senti, entendu, touché, goûté notre voyageur appartient maintenant au pays … Il part enchanté, comme par magie, grace au beau et au vrai.
Il est transformé, et se proclame dès lors nouveau membre du terroir : un ambassadeur ! Et c’est si vrai qu’il en a le goût qui lui vient à la bouche quand il y pense.