L’authenticité et la quête de sens dans l’œnotourisme partie 2

Marchand de bonheur … et d’authentique ?

Les chercheuses Marocaines F Ezzahra Ouboutaib et S Mekkaoui 8 ont identifié les facteurs qui participent à l’accession du sentiment d’authenticité :

  • -L’origine du produit
  • -Le savoir-faire ancestral
  • -L’amour du métier
  • -La Co-création du réenchantement

Elles sont parvenues à définir ce qui fait la force du terroir avec les trois premiers points qui caractérisent parfaitement le concept d’AOC et d’appellation. La dernière occurrence concerne plutôt les métiers de l’accueil.

Le vin est le lien entre le lieu, le terroir et celui qui le visite, l’œnotouriste. Il propose une atmosphère et supporte une ambiance … L’authenticité actionnée par la dégustation rend réel un sentiment de ce que devrait être le pays. Dans le verre se trouve héritage culturel, paysage, passion qui une fois le breuvage ingéré va transformer le touriste : il fait un peu partie du pays maintenant.

Du dehors il entre symboliquement, il appartient à la destination, c’est un autre « chez soi » : il est dedans. Une vraie potion magique !

Mais les frontières de l’authentique sont très personnelles. La « mise en scène de l’authenticité » selon Mac Cannel implique que « la conscience touristique est motivée par son désir d’expériences authentiques ». Pour Cova et Cova cela entraîne une quête de « singularité » et de « vérité ».

Pour Kim et Jamal, la société moderne avec son usage excessif du marketing et son obsession pour l’économie est devenue « inauthentique et aliénante», cela a induit un « manque » qui doit être « compensé » par une quête d’authenticité.

Une part du désir du vin et du voyage se situe dans le besoin de compensation. Une bouteille contient le savoir-faire du vigneron, le paysage patiemment construit, les légendes du terroir … et le voyage recèle l’idée d’un ailleurs et d’un ressourcement…

R Christin cite Guy Debord (Commentaires sur La société du spectacle Paris Gallimard 1992), « l’image construite et choisie par d’autres est le principal rapport de l’individu au monde qu’auparavant il regardait lui-même »12.

Plus que dans toute consommation, l’expérience du visiteur est une co-construction permanente. Cependant elle dépend de l’attitude sincère ou sur-jouée des hôtes. La relation au terroir passe toujours par une rencontre, un médiateur, un « stimulateur » (energizer en américain) selon R Cross 9.

Dans le cadre de prestations œnotouristiques professionnelles, c’est-à-dire selon les standards internationaux & digitalisés de l’accueil, « l’employé personnalise le service »…il « vend sa personnalité dans le but de vendre » !

Ce « Faux Moi » 10 selon Arlie R Hoschild, à l’instar des hôtesses de l’air qui sourient professionnellement et que tout réceptif a vécu une fois dans sa vie, met à distance les individus. Distance de l’hôte(sse) avec soi-même dans sa fonction et sa personnalité, distance aussi entre l’hôte(sse) et le visiteur, entre le pays visité et le visiteur.

Faut-il du spectaculaire à tout prix ?

Le vin en lui-même est une expérience. Combiné aux arcanes du tourisme, lui aussi source d’expérience, l’œnotourisme est très prometteur en enrichissement personnel.

C’est ici qu’intervient la scénarisation du service touristique autour du vin. Il s’agit de régler le moindre détail, d’assurer le jeu de tous les acteurs et d’harmoniser la prestation. C’est un travail qui doit paraître invisible et fluide aux yeux du visiteur. La vision de cette mise en scène est de préserver tout ce contenu implicite et attendu qu’il y a dans la bouteille de toute altération. C’est de faire plaisir tant au voyageur qui cherche à apprendre, découvrir, partager … qu’à l’hôte qui tient à transformer son effort en valeur (économique, relationnelle, promotionnelle …).

C’est un vrai travail ! C’est le fruit d’une analyse et d’une réflexion en amont pour adapter l’existant selon les contraintes du marché que l’on peut résumer en l’attente du client, la Culture d’origine, du réseau de distribution et du moment de l’expérience.

Le Design d’expérience est un art délicat ! Toute la problématique est de pourvoir formater (soucis d’exploitation quotidiens, adaptation aux conditions locales, standardisation selon les normes de la distribution digitales …) l’offre sans dénaturer ce qui fait le charme de l’œno-destination : ce quelle a de vrai, de sensible, de vivant …

C’est aussi éviter de la surenchère émotionnelle : utiliser l’image du Terroir pour en faire un supermarché du WOW en accumulant les effets visuels, les spots instagramables, scénarisant des activités fortement ancrées dans une ruralité porteuse de tradition …

En ne voulant « pas muséifier les climats de Bourgogne » et en créant « une relation harmonieuse entre ces activités et la protection du site » l’institution Patrimoine mondial de l’Unesco participe à la préservation de l’authenticité heureuse du pays. 

« L’industrie touristique affiche les signes désincarnés et stéréotypés d’une altérité prise en charge par le marketing » 12.

Ainsi, sous prétexte de rendre actif un visiteur, ce type de mise en scène tendrait à le rendre plutôt en attente d’émotions servies sur un plateau, dans une forme de passivité où l’effort viendrait de la structure d’accueil qui appliquerait la bonne vieille recette des 5 S (spectaculaire, sensible, sensoriel, surprise & signifiant).

La quête de sens et l’authenticité risquent d’en prendre un coup. Ou bien faut-il considérer que le visiteur, vient jouer lui aussi, qu’il achète l’idée du vrai sachant qu’on en est loin ? Et si faire quelque chose de non authentique dans un contexte d’authenticité lui suffisait ?

Une « murder partie » dans des caves creusées centenaires, un pique-nique 10 mètres au-dessus du sol dans un chêne vénérable, un « serious-game » dans les vignes pour comprendre les écosystèmes d’un vigneron biodynamique seraient une supercherie de l’œnotourisme ?

Le visiteur désire corriger sa « pseudo-vie » faite de pratiques urbaines hyper disponibles et de la communion artificielle à la société du spectacle. Cela le conduit à « se plonger dans des ambiances inédites et ravissantes » ou sa « participation affective et immédiate » lui permettra un «  vécu dans une vibration inédite » pour lui pense Bruce Bégout.

Standardisation versus authenticité ?

Mais qu’est-ce qui détermine l’authenticité ?

  • -Les caractéristiques propres du produit qui attestent de sa véracité (une visite de vigne avec le vigneron ou une Bouillabaisse maison au restaurant à Marseille)
  • -Le contexte dans lequel se déroule la prestation (une fête vigneronne dans un village ou une rencontre inopinée avec un autochtone)
  • -La certification officielle du produit acheté (vin AOP ou service labellisé Vignobles & Découvertes)
  • -Les recommandations qui ont orienté les choix du consommateur (les conseils d’un ami pour la visite d’un domaine ou un avis TripAdvisor pour la réservation d’une Chambre d’Hôtes)
  • -Les références personnelles : lectures, souvenirs, dégustations, conversation … qui orientent le client vers un processus d’appropriation de l’offre

Le monde se complexifie et il y a une vérité par individu. Comme il y a une expérience par client, y aurait-il une authenticité par visiteur ? 

Sachant que cette notion de conformité (vers la vérité) peut signifier – la recherche d’un monde différent, la perception identitaire d’une population locale, le cliché de traditions, une nouvelle vision de la mondialisation, la visite de lieux ayant préservé leur style de vie ou le fruit d’une expérience – on envisage clairement la complexité du propos.

  • -Les vendanges touristiques, qui sont l’évocation d’un temps fort de l’année vigneronne où le visiteur est mis en action n’a rien à voir avec le travail harassant qui dure une ou deux semaines ni avec le repas collectif qui conclue la récolte.
  • -Les fêtes vigneronnes (Saint Marc à Châteauteuneuf du Pape, Saint Vincent en Bourgogne ou à Saint Croix du Mont par exemple) tentent d’évoquer une tradition qui semble oubliée même par les anciens du terroir.
  • -Un wine tour animé par un talentueux médiateur n’est finalement qu’une tentative d’imitation de la vie d’un sommelier en tournée en jouant la visite de vigne, la dégustation sur cuve, l’analyse sensorielle…

Ces quelques exemples, représentatifs de pratiques professionnelles de qualité pourraient être variablement qualifiés selon l’usager.

Un territoire authentique est jugé comme « inchangé », « dans son jus » voire « rustique ».  Les messages envoyés aux visiteurs sont à double tranchants car cela pourrait aussi se conclure en une expérience négative qui pourrait signifier « refus de changement, d’adaptation et d’évolution »

Avec le désir paradoxal des clients qui cherchent le confort moderne combiné à l’authenticité, plus d’un marketeur, a que quoi devenir schizophrène !

Rodolphe Christin, dans son livre Manuel de l’antitourisme a un nom de chapitre évocateur : « Plaisirs simulé, jouissances programmées : standardisation du monde » 4. Il y analyse la standardisation de la mise en tourisme sous trois aspects

  • -Standardisation des espaces d’accueil
  • -Standardisation de l’accueil dans ses mentalités
  • -Standardisation des pratiques touristiques elles-mêmes

Il parle de management du monde !

  • -Comment rendre les vignobles accessibles en préservant la fraîcheur identitaire des Terroirs ?
  • -Comment construire des relations hôtes / visiteurs sans promesses frelatées par le souci concurrentiel de l’attractivité ?
  • -Comment faire fonctionner une économie sans casser la poule aux œufs d’or de l’intégrité et de la sincérité ?

Pour les acteurs de l’œnotourisme la problématique est complexe : tout se résume entre la gestion d’un écart entre l’idéal (préservation de ce qui est en s’enrichissant) et le réel (risque de surtourisme, de Parkerisation et d’hyper spécialisation laissant les autochtones sur la touche).

La compréhension rapide et flexible d’un nouvel environnement économique sera absolument indispensable à la survie des pros du tourisme nous dit Guillaume Zaffaroni.

Ce co-fondateur de WAG.travel, dont l’objet est d’analyser les flux digitaux, indirectement pose la question d’un nouveau rapport au marché. Les bases d’une politesse post-moderne doivent suivre l’idée d’un respect d’une relation spontanée.

L’authenticité prédictive de l’Intelligence Artificielle n’est pas synonyme d’anonymisation marketing de l’offre. Ici, se situe le grand écart de l’œnotourisme, le dilemme ontologique : les contraintes touristiques de la standardisation versus la vérité du Terroir !

On retrouve des éléments identiques de réflexion au niveau du professionnel de l’accueil avec son travail émotionnel. Le travailleur réceptif doit pour assurer ses fonctions endosser un rôle. Il est sensé représenter la marque du lieu visité, le terroir d’accueil, le pays. Pour Arlie R Hochschild la relation s’établit autour de règles de sentiments constituées selon les organisations et / ou institutions qui  varient selon les cultures de chaque pays 10.

L’hôte peut-il rester lui-même dans ce qu’il est, dans sa culture individuelle et sa personnalité, s’il doit suivre les exigences comportementales demandées par son patron ou les conditions de vente (relation b2b, programme vendu …) ou les demandes plus ou moins explicites des voyageurs (de l’animation pédagogique au semblant de relation amicale, en passant par le spectaculaire) ?

C’est dans la rencontre que se trouve la valeur ajoutée (vente, fidélisation, partage digital, recommandation …)

Sachant que le vin mais aussi le voyage, tirent une bonne partie de leur intérêt de l’aspect social qu’ils apportent (rencontres, valorisation de soi, expression de soit au travers de l’acte de consommation …), la relation humaine visiteur / hôte est de première importance.

La qualité perçue doit être de qualité. Emotionnellement authentique, où les messages commerciaux, institutionnels, non verbaux doivent concorder avec « ce qu’il se passe » pendant ce moment de vérité.

R Christin parle de simulacre « qui prend en charge le remplacement fictionnel du disparu (l’authenticité, la sincérité, l’intact), en substituant à son corps de chair un corpus de signes » 4.

Plus beau que profond ?

Très souvent les clients, même connaisseurs, sortiront de la cave avec le souvenir (et la satisfaction) de l’harmonie de ce qui s’est passé, plutôt que du goût du vin. Et cela d’autant plus que les catégories de visiteurs les plus sensibles au travail émotionnel sont celles (classes moyennes et supérieures) qui consomment le vin.

L’alchimie entre le bon, le beau et le contact constitue les bases émotionnelles. Le médiateur par son comportement tient un rôle de première importance.

 « C’est toute la différence du travail de surface et du travail en profondeur qui touchent différemment. L’un séduit et attire, l’autre interpelle et transforme »10.

Ainsi la recherche du wow et du spectaculaire à tout prix, mènent à un paradoxe qui peut provoquer un décalage entre une symbolique rurale et un utilitarisme affecté.  De pure rencontre terrienne ancrée dans le Terroir au simulacre de la Disneylandisation, c’est le marché qui fait la différence en plaçant où bon lui semble ce qu’il pense être du vrai.

« Lors de mon voyage en Californie pendant l’hiver 1995-96, je fus frappé par l’attention chaleureuse des hôtes dans les wineries de Napa Valley. Les premiers contacts excessivement empathiques et les « take care » de l’adieu étaient particulièrement soignés. En bon français, j’avais trouvé tout cela faux et surjoué … Mais avec le recul, je comprends mieux cette vision quand je prends en compte les approches Culturelles des deux continents : le vin est objet de Culture en France, sujet à hédonisme aux Etats Unis ».

L’œnotourisme est en tension entre le rêve du visiteur, la promesse marketing du secteur d’activité et les valeurs du terroir. Cette triangulation qui semble facile sur le papier, ne trouve pas systématiquement des réponses convenables selon les points de vue.

L’antagonisme est parfois important : métier chronophage, l’accueil implique à l’occasion des adaptations qui éloignent l’offre de l’essence même du vin et du pays visité.

Où se trouvent la passion, la convivialité, la détente, la perception d’une identité, le partage de valeurs … lorsque que le temps est compté, qu’un décor prétend reproduire un univers bachique, quand les installations sont conçues comme des « duty free » d’aéroport, quand des événements expriment plus le fruit d’une vision marketing qu’une démarche populaire, quand la population locale n’est pas au diapason d’une évolution territoriale dont l’économie est la seule vision ?

L’on comprend que la profession viticole « fasse de la résistance » et qu’elle ne désire pas se mentir à elle-même.

Dans ces conditions, « le système commercial s’approprie l’échange de dons privés en matière d’émotion » ou la « chaleur spontanée devient un argument de vente »10.

L’abyme entre une vie vigneronne rythmée par le cycle de la vigne a du mal à coïncider avec les exigences d’industrialisation d’un marketing touristique.

Une relation « qui ne fait pas semblant » ?

La cohérence entre la demande et la prestation est alors la source d’une sincérité réalisable. Elle dépend du contexte, du « timing » et du tempo des émotions, elle dépend aussi du médiateur avec son savoir et son humeur, qui par son pouvoir d’influence, changera la perception du sentiment d’authenticité.

Mais tout réside à la fin dans les compétences relationnelles mises en place. Le vin c’est la rencontre, l’une de ses valeurs fondamentales. Il appartient alors à l’entreprise œnotouristique de « coordonner ses émotions, de gérer les exaltations artificielles, de dissimuler fatigue et irritation … pour rentrer dans des normes relationnelles ».10

La relation interpersonnelle est le point central de l’accueil œnotouristique, c’est « un vecteur de vérité, c’est là aussi que se jouent les dissonances émotives.

Dans le cadre d’une relation commerciale, il n’est plus déshonorable de simuler » 10, de faire comme si l’on traitait les visiteurs comme des amis ou de la famille … La vérité médiatisée par l’émotion va dépendre d’une certaine forme d’illusion résultant de la mise en scène.

Donc, feindre la sincérité de l’accueil généreux et spontané pour … peut-être performer et obtenir l’authenticité au bout du compte ?

L’empathie des hôtes qui répond à une idéalisation de la sociabilité, est orchestrée par l’entreprise, valorisée et mise en vente. Il s’agit d’un pacte implicite qui se traduit selon Hochschild par le visage : « la machine expressive »10.  Accepter cet engagement du jeu du je, de l’instrumentalisation, de l’amitié mise en scène, est la condition pour la réussite d’un business efficace.

Est professionnel en matière de réceptif œnotouristique, celui qui accepte la règle du jeu de la standardisation … Ce qui pourrait être perçu par certain comme un abandon d’une perte de sincérité, d’intégrité, d’authenticité !

conclusion : Le vrai est dans la rencontre

L’authenticité serait alors d’être vraiment en relation avec le pays visité, avec le terroir et les gens ? Un winetour vendu sur Viator provoquerait-il du désenchantement, instrumentalisant les acteurs car finalement on aboutirait selon Harmut Rosa à une « relation sans relations »2 ?

Et elle serait une part importante de cette expérience résonante qui transforme le visiteur et le pays découvert (aux yeux du visiteur) puisqu’elle serait le fruit de faits non prévisibles, indisponibles selon les termes du sociologue. Même si, dans le cadre d’une mise en scène, où l’ingénierie sociale qui est un « ensemble de techniques modifiant les comportements des individus », institue des rôles et des règles et dépendent des institutions et des Cultures. Arlie R Hochschild 10

Eva Illouz considère « l’authenticité émotionnelle comme un dispositif social, une chaîne de rituels et d’objets, déployés dans un espace accueillant : l’authenticité comme une performance »3. Concept qui prend une valeur particulière quand on sait que le cerveau à une « disposition à faire preuve d’émotion sociale » 11.

Je laisse conclure le philosophe américain Charles Taylor qui interprète « la validité de l’authenticité quand elle est incluse dans un cadre collectif alors qu’elle ne l’est plus quand les objectifs sont centrés sur le moi ».

Voilà toute la différence entre un buveur d’étiquette ou de « 100 points Parker » en transe parce qu’il entre en résonance avec la communauté des amateurs de vin et un auteur de selfie qui visite cette même propriété parkerisée pour partager sur les réseaux.

Anamnèse* : L’anamnèse découvre des « archétypes » qui n’appartiennent plus à l’individualité du patient, mais à l’inconscient collectif

1 Pine & Gilmore: Authenticity, what consumers really want ? – Boston – Harvard Business School Press

2 Harmut Rosa : Rendre le monde indisponible – Paris, La Découverte

3 Eva Illouz : Les marchandises émotionnelles – Paris, Premier Parallèle

4 Rodolphe Christin : Le Manuel de l’Anti-Tourisme – Editions Ecosociété

5 Luc Boltanski et Arnaux  Esquerre : Enrichissement. Une critique de la marchandise‪ – Paris, Gallimard

6 Roger Nifle  http://journal.coherences.com/article77.html

7 René Girard : Paris Mensonge romantique et vérité romanesque

8 F Ezzahra Ouboutaib et S Mekkaoui https://revues.imist.ma/index.php/PNMReview/article/view/16050/8940

9 R Cross, W Baker & A Parker What creates energy in organizations Slow Management Review 2003

10 Arlie Russell Hochschild : Le prix des sentiments – Paris, La Découverte

11 Antonio R Damazio : Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions – Odile Jacob Poches Sciences

12 Rodolphe Christin : La vraie vie est ailleurs – Collection Ecosociété

13 Bruce Bégout : Le concept d’ambiance – L’ordre philosophique – Seuil

L’authenticité et la quête de sens dans l’œnotourisme partie 1

« J’ai besoin d’air, j’ai besoin d’espace pour que ma pensée se cristallise. Je ne m’intéresse plus qu’à ce qui est vrai, sincère, pur, large, en un seul mot, l’authentique, et je suis venu ici pour cultiver l’authentique ». Jean de Florette de Marcel Pagnol

Véritable filon marketing, le thème de l’authenticité est un sujet assez complexe à traiter. Il reflète un désir spontané de la part des consommateurs. Ce besoin est amplifié par un monde dominé par l’économie et la finance, subjugué par la communication dont on sait qu’elle est de moins en moins vraie.

Parallèlement, les clients changent : ils sont de plus en plus blasés, impatients, instables et en même temps cherchent à s’impliquer, s’identifier et s’exprimer dans l’acte d’achat. On peut y voir les effets de la digitalisation du monde.

Pine & Gilmore 1 affirment que « le marketing a fait de l’authenticité une qualité du produit avant d’en faire une qualité de l’entreprise elle-même », ils précisent d’ailleurs que « ce n’est pas une simple image attachée à l’objet mais une plus value économique » ! 

Vin & tourisme pour leurs dimensions sociales, sensorielles et expérentielles, hédoniques et psychologiques sont intimement en relation avec les définitions de l’authenticité. Les valeurs relatives à cet univers œnotouristique véhiculent la perpétuation de savoir-faire, d’identités, de pratiques et surtout motivent un discours qui invite les visiteurs à passer à l’acte : voyager.

Cultiver de l’authentique

  • -Est-ce que les vins de Liber Pater dans le Bordelais ou ceux du domaine Henry en Languedoc, vinifiés avec les cépages pré-phylloxériques, sont plus authentiques que ceux de leurs voisins vignerons ?
  • -Est-ce que des vendanges à l’ancienne, qui prétendent être authentique, le sont-elle réellement ?
  • -Pourquoi les visiteurs sont-ils à la recherche de services ou d’activités authentiques ?

L’ingénierie touristique vise à développer l’attractivité d’une destination pour en faire ressortir de la valeur : on utilise une expression à cet effet « la mise en tourisme » de …

Le Golfe du Lion a été mis en tourisme avec le plan Racine, la Culture a été mise en tourisme avec l’ouverture et la mise en scène d’espaces patrimoniaux et urbains, les vieux métiers, les paysages jusqu’à la vigne qui s’est institutionnellement structurée avec Vignobles & Découvertes dès le 3 mars 2009.

La Lavande, totem provençal, n’a été cultivée qu’au tout début du 20ème siècle, il ne s’agit pas d’une tradition multiséculaire, même si depuis des lustres sa récolte sauvage était traditionnelle. Un ancrage aussi ténu justifie pourtant une communication et surtout répond à une soif de la part des visiteurs de s’accrocher à une idéalisation. Cette plante aux nombreuses vertus s’en est vu adjoindre une nouvelle, en réifiant l’art de vivre provençal.

Cette transformation de gisements d’activités (paysages, activités Culturelles, savoir-faire, patrimoines immatériels et gustatifs, activités physiques, artistiques ou intellectuelles …) procède toujours de la « mise en valeur » du potentiel pour améliorer l’attractivité, pour différencier la destination, pour rendre séduisante une offre parfois un peu terne.

La marchandisation du tourisme

Il s’agit donc de valoriser. Une action d’ingénierie touristique consiste alors à transformer un potentiel d’attraction en valeur, monétaire de préférence !

Valoriser sous cet angle reviendrait à « rendre disponible » 2 ce qui est en gisement. C’est-à-dire, au vu d’un mode de consommation, détecter et extraire un contenu marchandisable.

« L’expérience technologique … met le monde en spectacle … l’individu devient un simple spectateur qui n’a qu’à manipuler des boutons » nous dit Rodolphe Christin dans son La vraie vie est ailleurs. Le consommateur en vient a désirer des images construites par d’autres que lui, ce qui simplifie son approche du monde, à la stéréotyper.

La marchandisation affecte les destinations, les vignobles, les appellations … Voyager dans le Pénédès n’a pas le même impact émotionnel que de visiter le vignoble de Mosel : le contenu, les valeurs, la signification de ces dernières … tout cela, même si les gestes sont sensiblement équivalents, procure des résultats très différents.

Ce contenu d’expériences, qui est au centre de la sphère de la consommation, selon Eva Illouz 3 a pour effet « de libérer le moi de l’individu, d’en affirmer son authenticité, de l’épanouir émotionnellement ».

Au 21ème siècle, à l’ère du post-modernisme, l’individu s’exprime par la consommation. De ce point de vue, E Illouz distingue l’authenticité objective, qui résulte des propriétés intrinsèques propres aux objets et une authenticité subjective, résultant des perceptions et de l’expérience du consommateur.

Ainsi les paysages ligériens, doux et parsemés de Châteaux offrent un potentiel de contenu caractéristique, reconnaissable et particulier qui se positionne différemment de l’offre de la vallée du Douro, façonné de terrasses, à l’imaginaire et à la Culture singuliers.

Objectivement les opportunités d’expériences seront différentes même si les programmes se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

L’authenticité subjective est liée au degré de désirabilité du client : elle dépend du Moi Personnel et du Moi Désiré (Mattan Shachak 3). Elle est le fruit d’une projection, d’une Culture, d’un niveau de connaissance, d’accumulation de faits durant le voyage … A ce titre, l’authenticité est dépendante de la Culture du visiteur comme point de référence.

Message Instagram 9 ans après le service œnotouristique

J‘ai le souvenir de stagiaires œnotouristiques qui avaient été très déçus par la visite d’un grand château Bordelais. Bien que la prestation fut parfaite (qualité des informations, disponibilité du guide, organisation réceptive), les élèves avaient trouvé le service trop « froid » trop « lisse » … à des lieux de leurs représentations du vin. L’aspect authentique de la vie Bordelaise était masqué par une mise en scène trop présente sûrement conçue pour d’autres cibles clients.

J’ai eu l’occasion de guider des groupes de visiteurs internationaux sur des types de prestations identiques. Leurs éléments de qualification du sentiment d’authenticité très différents, étaient basés sur le fait de pouvoir toucher ce qui fait la France en vivant enfin ce qu’ils avaient projeté initialement : les sons, les odeurs, l’ambiance …

Par ces exemples on comprend que les critères du sentiment d’authenticité dépendent des attentes initiales. Avec le premier cas, le voyage motivé par l’étude, avait pour cadre la projection d’un futur professionnel idéalisé. Dans le second, le désir était fondé sur le dépaysement, la consommation d’expérience, le partage avec le groupe, le tout contribuant à la construction d’un soi nouveau.

L’expérience authentique de soi

Dans une perspective post-moderniste, globale et digitalisée, où l’autopromotion tient pour règle de vie, « l’authenticité s’impose comme une exigence sociale ». On comprend de fait l’émergence des coachs personnels, du « Quantified Self » ou du soin de l’image de soi. Poster un selfie ou être actif sur Instagram est une stratégie de Personal Branding.

Et le vin dans tout ça ? On sait que le vin va bien à Instagram. Les valeurs du vin et son appropriation (élitisme, hédonisme, art de vivre…) peuvent être très photogéniques. En cela voyager est également très tendance au 21ème siècle. Ca se like très bien !

Par ces actions on se distingue, on se rend indispensable par le pouvoir d’influence, par ce discours personnel fondé sur l’émotion vécue et sincère : « c’est l’authenticité émotionnelle plus que l’authenticité factuelle qui est source d’autorité 3.

Toute l’industrie touristique et le monde du vin dans une moindre mesure basent leur force de conviction sur le rêve et la promesse : Hartum Rosa 2 explique que « la logique de la marchandisation capitaliste et du consumérisme se fonde sur le fait de répondre à la soif de résonance sous forme de promesse de disponibilité et d’orienter le désir qui guide l’action vers l’objet »

Il fait une différence entre appropriation et assimilation. Pour lui, l’appropriation résulte de la pratique d’un programme fonctionnel (interprétation paysagère, dégustation commentée, cooking class) sans entrer en résonance avec le pays ou le vin.

La résonance est l’accès à l’assimilation, c’est-à-dire ressentir pour de vrai ce qui n’est pas automatiquement prévisible et vendable, c’est enfin accéder au rêve parce qu’il devient réalité, c’est de mettre une sensation sur un concept que l’on a découvert sur un site ou une brochure …

C’est ce désir transformé en promesse qui tient dans l’énergie vitale de l’authenticité subjective !

A chaque désir correspond une offre. Ce matériau touristique, la plupart du temps tangible et sensible, a la particularité de s’immatérialiser par la magie de la distribution et de devenir un objet de consommation « froid », qui transforme le désir de vivre quelque chose en objet commercial.

Le rêve d’un style de vie, l’intuition d’une saveur, la projection d’une expérience … une fois couchée sur le papier glacé des antiques catalogues ou des sites internet, deviennent des offres anonymisées dans un process automatique de vente.

Du tourisme élitiste fin XIXème, en passant par les congés payés et la massification de la consommation touristique, le contenu a muté, passant de l’inédit, l’unique et inattendu d’antan à la promesse, la garantie, et la compensation commerciale contemporaine. « La prise de risque du voyageur  a disparu » 4 et a laissé la place au touriste acheteur d’un contenu essentiellement fonctionnel.

Mais en passant à l’échelon digital, la massification est également devenue une opportunité de personnalisation, transformant du coup le légitime désir d’inédit en industrialisation des désirs du futur visiteur.

L’idéal et l’immatériel

Il est des secteurs plus ou moins standardisables. Tous ceux relatifs au sentiment d’appartenance, au goût, à la manière d’être, à la Culture du lieu sont moins propres à entrer dans les cases du marketing touristique.

Ces univers de « résistance » à l’industrialisation des services deviennent de ce fait encore plus attractifs simplement par le fait qu’ils sont rares et difficiles d’accès. Leurs côtes augmentent, comme en parlent Luc Boltanski et Arnaux  Esquerre 5 avec leur développement sur la théorie de la Valeur de l’ancien.

«L’attractivité des modes de vie » du Luberon trouve son expression dans une pseudo restitution du bâtit en « pierre sèche ». Territoire colonisé dans les années 60, le parisien récemment provençal a projeté son attachement au pays en grattant les enduis pour retrouver l’idée d’un authentique idéalisé.

Contresens colossal quand on sait qu’au siècle précédant, le paysan enduisait le mas à la chaux pour se protéger des intempéries mais aussi ostentatoirement pour prouver qu’il en avait les moyens.

« L’identité communautaire est le témoignage d’une vocation culturelle et de tous ses caractères au travers des modes d’existence projetés dans le futur et nourrie d’une anamnèse* reconstruite pour une authenticité choisie, révélée » pense Roger Nifle 5.

Et comme avec l’exemple de la French Riviera à la fin XIXème, dévolue aux Princes Russes et Lords Anglais, la convoitise de la masse a amené à copier « l’élite ». D’un Maupassant qui écrit « Sur l’eau » à « Tendre est la nuit » de Scott Fitgerald, l’utopie de la destination a été suffisamment puissante pour installer la « Jet Set » chère à Moravia dans une mémoire collective génératrice par la suite de flux touristiques.

On passe d’une pratique intime au mythe puis l’on glisse vers l’exploitation de ce gisement vers le développement de toutes les variantes consommatoires de la destination grâce à la force magique de la narration.

Tous les lieux / services encore vierges risquent de suivre le même chemin. Ainsi Haut-Brion et Romanée-Conti ont été totemisé, ouvrant la voie à tous les Pendfold Grange ou Mondavi de la planète.

Le combat des anciens et des modernes

Le vin également, fait communauté autour d’un imaginaire largement mondialisé, basé sur une tradition, une origine, une certification … une authenticité.

Ainsi s’est construite la filière œnotouristique, tout du moins en Europe.  Le phantasme du voyage viticole s’est établi autour d’une quête de nature et de ruralité, d’ancrage et d’héritage culturel, d’éveil des sens et d’apprentissage.

Tout cela a évolué entre deux références dominantes : le château prestigieux et le vigneron artisan. En caricaturant on pourrait parler des modèles Bordelais et Bourguignon. Le premier développant un discours basé sur la réputation, l’histoire et l’architecture ; le second parlant plutôt d’individu, de terroir et d’intimité.

Aucun n’est pire ou meilleur que l’autre : ce sont des visions du monde complémentaires.

Les valeurs du vin ont ceci de puissant qu’elles sont universelles, héritées d’un temps ancien et surtout intuitives. C’est un assemblage de Culture, de partage, d’émotion et d’expression. Cette complexité de l’imaginaire du vin complète heureusement celle du tourisme qui propose dépaysement, détente, apprentissage et émerveillement.

Le fond de commerce de l’œnotourisme est très riche d’une promesse qui fait sens dans un monde post moderne perturbé par une mondialisation angoissante, une emprise des médias sur nos cerveaux et des préoccupations écologiques sans cesse croissantes.

Les amateurs de vins naturels ou de crus prestigieux, les acheteurs de canettes ou de vins en amphore, les buveurs occasionnels ou les winegeeks se retrouvent tous dans la massive congrégation des perpétuateurs d’une relation au monde qui pourrait se revendiquer de la tradition et de l’authenticité.

Un antidote aux angoissantes pensées post moderne

Le 21ème  siècle est né avec la « sensation d’un monde chaotique, périlleux et incontrôlable »2, il change l’œnotouriste.

La course à la performance et « les promesses d’une modernité plus efficace, plus rapide, plus créative génèrent une peur non pas d’avoir plus mais d’avoir moins »2 (Nous sommes tous en concurrence avec autrui).

Ainsi l’accès au monde augmente en quantité (mobilité, information, communication…) mais diminue en diversité et perd en qualité du fait de sa technicité et de son institutionnalisation despotique.

Etre plus riche (argent, contacts sociaux, accès aux informations …) est-il synonyme de plus de bonheur ?

L’être post-moderne est désabusé : un individu aux passions froides et aux joies tristes. La sensation de futilité liée à l’absence de relations avec ce qui nous entoure entraîne vers un état de dépression qui selon Hartmut Rosa serait la peur fondamentale contemporaine.

Il a de plus en plus conscience de l’absurdité du monde et se retrouve tiraillé

  • -entre son besoin d’évasion et de changement
  • -sa conscience responsable de destructeur

La perte de contrôle des buts & des moyens mènent à l’aliénation comme le disait Karl Marx. Max Weber  pensait que la perte de contact et d’échange avec le monde entraîne le désenchantement. En réponse, nos contemporains sont en quête de sens, de pure & d’authentique comme solutions à cette perception du néant.

On voit bien les arguments de l’œnotourisme dans une telle situation.

Le vin et la visite des vignobles comme médecin du mal du siècle. Antidépresseur sociétal et universel ? Pourquoi pas ? En tout cas, il constitue l’une des solutions à ce monde en risque de déshumanisation, en pleine rupture historique avec le rural et frustré de relations humaines franches et bienveillantes.

Avec l’œnotourisme, on est en train de réinventer le Pharmacon et le Symposion de l’Athène antique. Remède et poison, le vin est sujet et objet de plaisir. On en parle, il fait parler … Il soigne corps et esprit. Intuitivement on a retrouvé son pouvoir charmant/charmeur : il fait sens, et cela doublement.

  • -Il signifie, c’est-à-dire qu’il permet de retracer le fils conducteur du terroir, de la filiation patrimoniale de générations de paysans et de traditions rurales. Il prend le débutant par la main pour étudier la géographie, la climatologie, la géologie. Il aide à comprendre l’héritage gourmet, le savoir-être culinaire dans une commensalité perdue par l’usage du Mac Do en face de l’écran. Il participe à la construction d’un nouveau langage et d’une expression plus fine. Il renforce l’expérience et la connaissance du buveur en le rapprochant de son alter ego et en lui permettant de se situer dans une société sans cesse plus mouvante…
  • -Il est sensoriel, parce qu’avant d’être cérébral, le vin est intuitif. Il parle au regard, à l’odorat, au goût et à l’émotion. Il émeut par la beauté des paysages et de ses architectures. Il fascine pour sa rareté, son prestige ou par la simple camaraderie qu’il procure. Il est mémoire et sentiment, il est fierté et humilité. Il trouble par son ivresse aussi …

Grâce à cela le vin devient l’une des définitions de l’authentique, qu’il tend à personnifier. Le vin c’est la vérité comme le disait le poète Alcée.

Il n’est pas surprenant que globalement le monde s’entiche d’œnotourisme.

Mais qu’est-ce que l’authenticité ?

On définit l’authenticité ainsi : « ce qui est vrai, pur … exprime avec sincérité et engagement ce qu’il est profondément »

Le mot « authentique » du tourisme résonne aux mots « pur » ou « naturel » du vin. Une enquête sur Think with Google prouve l’intérêt pour le sujet et révèle qu’en « 2016, les requêtes voyage avec le mot authentique ont progressé de 66,6%. De 22% avec le mot  insolite »

On connait bien les succès des vins naturels qui supposent une réappropriation par les vignerons du lien à la terre, au produit et à la vie.

Rien de surprenant que cette recherche séduise une population plutôt jeune et urbaine, coupée de la ruralité : au-delà du vin lui-même, les consommateurs l’absorbent par analogie cette Arcadie qui fait encore rêver.

Il s’agit de trouver une définition pour ce concept sybillin d’authenticité touristique et d’essayer d’y voir plus clair. Les chercheurs Xie et Wall le qualifient « d’actif intangible et de jugement de valeur ». Mais l’authenticité est un concept à géométrie variable selon l’individu ou l’institution qui intervient dans la chaîne de valeur.

Entre objectivité (SIQO Signes d’Identification de Qualité et d’Origine) et subjectivité, l’œnotouriste navigue entre son rêve de voyage, les moyens mis pour le réaliser et le contexte dans lequel il va se dérouler : Tout va dépendre de la perception du voyageur et de ses interactions avec les acteurs de l’œnotourisme.

Les médiateurs, travailleurs émotionnels sont de véritables passeurs, des transmetteurs de savoirs et de passion. René Girard 7, a théorisé le désir triangulaire : le discours et le regard de l’intermédiaire sur le produit, va interférer sur la manière dont il sera apprécié par le client.

Depuis la digitalisation du monde, on parle d’Influenceurs et de followers : un nouveau modèle de promotion/communication particulièrement bien assimilé par les secteurs du voyage et du vin. Ainsi apparaissent de nouveaux outils comme Influbook qui est un réseau professionnel ouvert pour les influenceurs à bâtir leur réputation sociale.

1 Pine & Gilmore: Authenticity, what consumers really want ? – Boston – Harvard Business School Press

2 Harmut Rosa : Rendre le monde indisponible – Paris, La Découverte

3 Eva Illouz : Les marchandises émotionnelles – Paris, Premier Parallèle

4 Rodolphe Christin : Le Manuel de l’Anti-Tourisme – Editions Ecosociété

5 Luc Boltanski et Arnaux  Esquerre : Enrichissement. Une critique de la marchandise‪ – Paris, Gallimard

6 Roger Nifle  http://journal.coherences.com/article77.html

7 René Girard Paris Mensonge romantique et vérité romanesque

8 F Ezzahra Ouboutaib et S Mekkaoui https://revues.imist.ma/index.php/PNMReview/article/view/16050/8940

9 R Cross, W Baker & A Parker What creates energy in organizations Slow Management Review 2003

10 Arlie Russell Hochschild : Le prix des sentiments – Paris, La Découverte

11 Antonio R Damazio Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions – Odile Jacob Poches Sciences

Webséminaire à Epernay : Penser la relation client !

Le 25 juin 2020, j’ai eu le plaisir d’intervenir sur une thématique qui me tient à cœur : la relation client.

La web conférence a été organisée par ŒnotourismeLab et Epernay Agglo.

Organisé par l’ADT de la Marne et soutenu par la Communauté d’Agglomération d’Epernay

Roxane de Varine (en haut à gauche), vice-présidente de la Communauté d’Agglomération d’Epernay, Laura Bonnet d’ŒnotourismeLab (au centre à droite) et Philippe Harant (en haut à droite) ont présenté et encadré la séance.

Pour illustrer mon intervention

  • Mahrane Maigret de Yoga & Wine l’art de vivre (au centre au gauche)
  • Mélanie Ceysson le Duc des Vignobles Bonfils  (au centre)
  • Corinne Capitaine du Château Maucaillou (au centre en haut)
Cliquez pour lire la vidéo

Œnotourisme : Comment rebondir après le confinement Covid19 ?

La crise du Covid19 est un choc pour tous, individus et entreprises. Le confinement nous a privé d’activités  économiques et de rencontres humaines. Commencé le 17 mars 2020 à 12h … cela fait 8 semaines et 56 jours d’enfermement.
L’impact est dur pour les entreprises œnotouristiques. Le début de saison a été totalement ruiné, le cœur de saison est à repenser, la fin ce celle-ci nous laisse encore dans l’expectative.
Le déconfinement arrive … Il faut penser rapidement la nouvelle donne et réagir promptement à cette situation inédite.

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Proximité

Le local est une tendance depuis un certain temps. L’itinérance douce est un thème à la mode, la micro-aventure ou le « staycation » sont de nouvelles visions à exploiter. La crise du Covid 19 et ses conséquences ne feront qu’amplifier cette orientation.

 

Cela à pour corollaire de recentrer l’activité sur des cibles locales. On ne parle pas de la même façon à quelqu’un qui à fait 10 000, 500  ou 50 km … Il ne s’agit plus d’adapter les contenus en fonction d’attentes basées sur l’exotisme et la rupture du cycle annuel.

Ici le discours régional reprend toute sa force : des histoires qui se racontent dans l’idée d’une appartenance commune et d’un sentiment partagé.

Agilité

Ce concept marketing s’impose : Pour sauver ce qui reste du potentiel d’activité il faudra être capable de se réinventer !

 

Les contraintes légales qu’assignent gouvernement, préfectures et mairies seront l’une des clefs d’analyse. Impossible donc d’édicter un système généralisable à toutes les destinations, à toutes les structures touristiques, à tous les vignobles.

Les informations nous arrivent au compte-goutte et sont susceptibles d’être transformées à tout moment, ce qui rend l’approche tactique encore plus délicate.

 

Exit le tourisme d’affaire, exit les visites en anglais, en allemand ou en chinois, fini les mariages et évènements qui attirent des foules ; les partenariats avec les agences de voyages sont en suspens …

Il est l’heure d’introduire de la souplesse, de la flexibilité, de l’adaptation !

Créativité

« Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense ! » disait Baudelaire. Prenons la crise du Covid 19  comme une opportunité pour évoluer car il sera nécessaire de se reconstruire !

 

Trois axes prioritaires se dessinent

1 -Comprendre et observer attentivement les demandes générées par deux mois de frustrations sociales, d’évasion, de nature

 

2 -Etre capable de trouver en soi les ressources pour réinterpréter un contenu immuable et les transformer en expériences bénéfiques pour tous

 

3 -Orienter sa capacité à accueillir dans une vision durable économiquement mais aussi se situant au niveau de la relation client

La certitude c’est qu’il sera nécessaire de redéfinir une offre adaptée aux nouvelles conditions légales, psychologiques & géographiques imposées par cette crise du Corona Virus.

 

Le client aura changé, il nous entraînera vers un usage nouveau des vignobles et des espaces touristiques.

 Terroir / Territoire

Il a été défini le 28 avril la condition d’ouvrir l’offre de déplacement dans un rayon de 100 kilomètres autour de son domicile. Cette décision aura un impact très variable selon la localisation de l’œno-destination comme la Champagne, zone continentale, ou le Pic Saint Loup situé à proximité de la mer.

 

Le bassin de population, l’attractivité en terme d’offre de nature, la proximité des grands centres, l’accessibilité vont réduire ou amplifier le potentiel de séduction des acteurs œnotouristiques.

« Travailler avec » sera l’un des points gagnants à la problématique post-covid 19 : avec des partenaires, avec des institutions, avec des sites naturels, avec le client lui-même.

 

A chaque Terroir / Territoire sa solution, le succès pourra venir de la capacité à travailler en harmonie sur les échelons entreprise & destination, et cela rapidement après le déconfinement.

Environnement

Un aspect positif de la limitation de déplacement est le renforcement des notions de micro-territoire. Cette logique pourra consolider les liens économiques des Terroirs, installer plus l’œnotourisme dans le tissu local et permettre aux gens du pays de s’approprier mieux encore leur territoire : les logiques du RSE sont valorisées.

 

On sentait depuis longtemps poindre une demande intégrant des notions plus écologiques & sociétales dans le comportement des consommateurs Français.

 

Cette crise permet aux entreprises œnotouristiques de rebondir en prouvant leur engagement : les contraintes légales & sanitaires d’une part et la demande de l’autre, convergent : voilà une autre chance à saisir !

 

Profitons donc de cette crise, en utilisant la tactique P.A.C.T.E, pour se préparer au changement en profondeur que cette crise a peut-être d’annonciateur : une transformation du modèle économique touristique – #partezenfrance #voyagerlocal

 

L’œnotourisme durable : une réponse viable pour la génération Y

Le monde change : une part importante de l’opinion publique est de plus éco-sensible. Le marché du tourisme réagit déjà activement … Une tendance nouvelle le « staycation » pourrait se comprendre comme une des réponses possibles à l’angoisse climatique croissante.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’éthique : fatalement les discours idéologiques reviennent … ou du moins ce qui essaient de donner du sens !
Fin de l’œnotourisme élitiste et intimidant

La génération Y, de 18 à 35 ans, les « millenials » représentent la première génération qui aura connu une révolution digitale, à la différence des générations précédentes. Ils constitueront bientôt 75% de la population active en Europe, ce sont donc eux qui auront le pouvoir financier et de consommation dans les vingt-cinq prochaines années.

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Militantisme autochtone dans la région du Salagou dans l’Hérault

Cette génération est la plus grosse consommatrice de tourisme : les millenials représentent déjà 40% du marché du tourisme en Europe et 50% du marché mondial du tourisme de luxe. Ils sont donc plus attachés à vivre des expériences de tourisme uniques, authentiques que de posséder des biens, à l’inverse de la génération de leurs parents et de leurs grands-parents.

Cette génération s’inscrit dans l’immédiateté, l’universalisme des possibles, la fluidité, le partage et les recommandations (Etude Atout France : Image et attractivité internationales de la France pour les 18-35 ans, 2019).

Est-ce que l’œnotourisme à la française, proposant une visite souvent élitiste des caves suivie d’une dégustation correspond-t-il encore aux attentes des « digital natives » ? Est-ce l’œnotourisme durable sera capable de répondre à leurs besoins dans les années à venir ?

1 – La quête de sens & vivre le moment présent :

Les millenials et le tourisme

Il faut tout d’abord étudier les valeurs des millenials pour voir comment celles-ci se répercutent sur leur comportement d’achat, et notamment sur leur consommation en matière de tourisme.

La liberté et l’indépendance sont essentielles pour cette génération. Ils souhaitent s’affranchir des règles, des habitudes et de la routine. Ils vivent au jour le jour sans penser au lendemain et souhaitent vivre pleinement le moment présent.

D’autre part, cette génération a une soif de découvertes, de rencontres et d’expériences inédites, avec un réel désir de vivre l’exception. La philosophie « YOLO », « you only live once » correspond très bien à leurs intérêts.

L’authenticité est également un critère fondamental chez eux. Le voyage doit être un moyen d’étonnement, de découverte de l’âme d’un pays. Ils privilégient donc les moments de rencontres et de partages avec les locaux. Ils sont aussi très friands de ce qui est unique, typique de la destination. Ils choisissent en priorité des pays qui sont très différents des leurs et sont prêts à débourser un budget substantiel pour réaliser leur rêve.

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Leur développement personnel ainsi que la notion d’éthique sont également très importants pour eux.

Exit le voyage organisé, de masse. Les destinations connues sont toujours prisées, mais ils changent leur propre mise en scène de leur rêve. Ils entrent en interaction sur leur terrain de jeu favori (la destination) comme sur leur plateforme de gaming : ils auto-personnalisent leur voyage et en deviennent le héro.

Ils fuient l’artificiel. Le voyage doit être pour eux, individuel et flexible, et se construit à partir de AirBnB, Expedia, Skyscanner, Booking.com et Kayak.

Lors de leur séjour, ils restent hyper-connectés à leur famille et à leurs amis, leurs collègues par l’intermédiaire de plateformes telles que Facebook, Instagram, Whatsapp. Arrivés à destination, ils vont continuer à surfer sur le net pour organiser des éléments de leur séjour, comme réserver un restaurant, une activité sportive ou culturelle, une visite de domaine viticole.

Les réseaux sociaux influent beaucoup sur la façon dont les milléniaux perçoivent le monde et la manière dont ils se perçoivent eux-mêmes. Avoir un lieu de visite « instagrammable » est très important pour eux. De plus, de retour dans leur pays, ils resteront connectés aux amis qu’ils se sont faits aux quatre coins du monde.

Les millenials et le vin

L’étude IFOP/Vin et Société réalisée en 2016, décrypte les relations entre les millénials français et le vin. 7 français sur 10 (de 18 à 30 ans) déclarent boire du vin.  Cette enquête montre que seulement 34% de cette génération s’intéresse au vin, parmi eux, 28% pour les 18-20 ans à 39% pour les 25-30 ans. On observe cette tendance dans tous les pays occidentaux. La pratique du vin augmente avec l’âge.

Elle est très influencée par la transmission et le mimétisme : ceux qui s’intéressent au vin ont été initiés à cette boisson par leur famille et leurs proches. (63% des jeunes pensent d’ailleurs que le vin s’apprend en famille et 40% d’eux se tournent vers leur famille pour parfaire leurs connaissances en vin.)

Autre élément important de cette étude, les jeunes consomment le vin traditionnellement lors des repas.

Par contre, ils sont très friands de discours authentique et de storytelling. Ils souhaitent également de l’incarnation, les grands châteaux étant pour eux, un endroit « mystérieux », élitiste qui ne leur donnent pas forcément envie. Ils souhaitent plutôt comprendre la vie du vigneron.

Ils voudraient également connaître la philosophie d’un domaine et pouvoir se l’approprier. Expliquer la raison pour laquelle ils ont choisi ce vin en l’offrant à leurs amis est très important pour eux. Ils souhaitent tout savoir sur l’élaboration du vin mais en même temps, s’attendent à un côté magique. Il faut donc adopter une posture « d’enchanteur » afin de leur proposer une histoire enchanteresse. Finalement, ne pas oublier que cette génération de « digital natives » est portée par les images, la culture graphique. Ils s’intéressent particulièrement aux bouteilles «  designées » et aux étiquettes audacieuses à l’exemple des vins naturels.

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Intitulé de table ronde sur le « Vin Durable » à l’ISVV Bordeaux

Les millénials et l’œnotourisme  

Une étude réalisée en Australie et en Nouvelle-Zélande en 2011 a étudié leurs attentes en matière d’œnotourisme. Elle a révélé les éléments phares suivants. Tout d’abord, cette génération valorise l’expérience au caveau bien plus que la dégustation et l’achat de vins.

Cette expérience se doit d’être ludique, détendue, et surtout pas intimidante. On se rend au domaine pour passer un agréable moment de détente, en groupes, entre collègues ou amis. La génération X a une vision plus académique de l’œnotourisme : l’aspect dégustation et la connaissance du vin est leur principal point d’intérêt.

La génération Y attache une importance élevée au décor et à l’atmosphère.  Sensibles à une belle architecture, l’aspect froid et conventionnel les rebutera. Logiquement, ils apprécient particulièrement une mise en scène où les hôtes les mettent à l’aise de façon détendue et informelle, avec des visites personnalisées ou engageantes. Pour les intéresser, il faut leur proposer une découverte ludique du patrimoine, de l’histoire, de la dégustation…

Comme observé dans la première partie, ils désirent des expériences originales qu’ils pourront relayer sur les réseaux sociaux.

2 – Le consommateur paradoxal : éco-citoyen et impatient !

« 75% des clients souhaitent que la future destination de leurs vacances ne soit pas un lieu de surtourisme » selon Raffour.

Les touristes désirent l’impossible, comme avoir une bonne place proche de la mer début août, pour bronzer sans être entassés. Du côté œnotourisme, le visiteur désire être attendu et en même temps avoir la liberté de ne pas réserver.

C’est le modèle de Camaïeu ou de Zara qui laisse le client entrer dix fois sans acheter, revenir et consommer, puis revenir une nouvelle fois pour échanger son achat. Le client est flatté dans ses caprices, car on lui propose sans cesse, un service de plus en plus flexible. L’œnotouriste aimerait pouvoir se comporter de la sorte dans la cave.

D’où toute la difficulté en France, pays du Terroir, de standardiser l’unique, de mettre en marché de l’intime et de l’authentique. La schizophrénie du client impose la prise en charge d’une offre toujours plus personnalisée. En revanche, cela donne également l’opportunité de valoriser l’offre essentiellement par la rencontre, le présentiel. C’est la valeur ajoutée de la mise en tourisme du terroir.

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L’éco-citoyenneté

L’éco-sensibilité progresse tous les jours … Nous sommes en permanence alertés par les accidents climatiques, les phénomènes nouveaux qui perturbent un idéal de consommation.  Le succès du bio s’explique par l’appropriation des valeurs symboliques du produit et suppose des pratiques vertueuses de celui qui l’achète.

Ainsi sur les 12 critères du Baromètre Raffour Interactif qui déterminent le choix d’une destination, le respect de l’environnement a fortement progressé. (-1 la sécurité : 91%, -2 le sur-tourisme : 75%, -3 les aléas climatiques : 42%, -4 le respect de l’environnement sur place : 41%, -5 les droits de l’homme : 22% et -6, le trajet pour s’y rendre : 9%).

Le 21ème siècle est né avec la notion d’éthique de vie ancrée dans les esprits ! Tous les secteurs de l’économie (l’industrie du textile et le mouvement de boycott du black Friday par exemple) sont concernés. La question du durable est désormais au cœur des préoccupations du voyageur. L’œnotourisme n’échappe pas à cette prise de conscience.

Nous sommes devenus des éco-citoyens qui consommons du tourisme : cela implique la compréhension des droits et des devoirs vis-à-vis d’un territoire ! Ce concept qui est devenu une réalité, dirige maintenant nos pas d’œnophiles aventuriers.

Les digital natives sont aussi les premiers à être victimes d’éco-anxiété et cela à l’échelon global. L’éco-sensibilité va marquer de plus en plus les comportements des consommateurs qui désirent s’exprimer au travers d’actions proposées par les metteurs en marchés.

Le business du bonheur et l’UX (User Experience) 

Objet culturel par excellence avec les paysages et les terroirs, l’œnotourisme doit se mettre en scène pour accueillir des œno-curieux plus que d’authentiques connaisseurs.

Les jeunes touristes ont besoin de clés d’accès et de moyens d’interprétation. Les goûts, les significations qui faisaient encore sens, il y a quelques décennies, doivent être maintenant éclairés.

  • L’un des effets de l’économie digitale est l’accélération de la rupture ville / campagne. Bien que le vin devienne un prétexte pour aborder les espaces ruraux, ces derniers paraissent inquiétants car supposés vides, le visiteur a besoin d’une médiation.

  • Une autre de ces conséquences est la place prise par l’image : l’aspect facile de l’usage du smartphone combiné à la ludification de l’économie.

Les services proposés, physiques, digitaux et multi-sensoriels doivent maintenant être conçus à l’aune de l’expérience client. Il s’agit de piloter les sentiments et les émotions des clients, au bénéfice de l’entreprise.

Rodolphe Christin, dans son Manuel de l’anti-tourisme, relativise les succès de l’industrie touristique et mesure son impact sur le bon état de la planète. Il précise que « si le voyage est philosophie, le tourisme est économie…le premier explore, le deuxième exploite ». En partant de ce point de vue et en admettant une nécessaire adaptation aux contraintes écologiques, une réflexion collective ainsi qu’individuelle (le professionnel et le voyageur) s’impose.

Le RSE – Responsabilité Sociétale des Entreprises

L’évolution du marché vers du plus propre, du plus vrai, du plus économique pour la planète va devenir une véritable Ressource Sensible et Economique pour les entreprises !

A niveau de service et qualité égaux, le consommateur choisira l’offre qui saura le séduire et surtout le rassurer dans sa démarche écologique.

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Domaine Cabasse – AOP Séguret

Le durable pour un vigneron va bien au-delà de la limitation de l’usage d’intrans, du labour au cheval ou l’installation d’hôtels à insectes. Le « green washing » existe également dans l’offre œnotouristique ! Le durable va au-delà de la production agricole : elle se situe dans la relation avec son personnel, les interactions avec la population locale, les prestataires, les administrations …. Les Vignerons de Buzet constituent un bel exemple de volontarisme tant agricole, humain que sociétal.

C’est ainsi que l’on peut penser à une définition d’un œnotourisme plus respectueux et plus sobre pour notre planète sans plan B.

3-L’Œnotourisme Durable

Comment devons-nous parler de l’œnotourisme durable ? Doit-il être Responsable ? Equitable ? Solidaire ?

La RSE, le HVE (Haute Valeur Environnementale), les labels bio ne sont que des symptômes d’une préoccupation globale. Le monde viticole, champion de l’agriculture bio, montre la voie.

Les enjeux futurs de l’œnotourisme seront déterminés par les stratégies agro-écologiques. L’offre œnotouristique, qui est déjà en phase concurrentielle, devra intégrer un discours sincère qui garantira aux winelovers des pratiques respectueuses de l’environnement : l’idée de fond est de ne pas piller les ressources et de garantir aux générations futures leur accès !

La production touristique, très complexe à appréhender car faite d’une multitude d’acteurs interdépendants, doit se transformer en écosystème plus vertueux.

Les métiers du tourisme devront imiter leurs collègues du monde viticole et suivre les préceptes HVE, en proposant des garanties environnementales pour les populations autochtones tout en utilisant des transports écologiques, des hébergements à énergie positive…

– Déjà quelques agences de voyages se sont lancées dans cette niche, à l’instar de « Double Sens » dirigée par Aurélien Seux & Antoine Richard.

– « Elexi », ce transporteur VTC dans le Bordelais utilise des véhicules électriques et offre un circuit viticole qui ne s’arrête que chez des vignerons bio, comme Château la Dauphine à Fronsac.  Dans cette logique, le jeune patron Alexandre Aubertin s’attache à tenir aussi une politique salariale responsable.

– Dans le digital, « explorama » dont le créateur est diplômé en biologie, donne les moyens aux acteurs et en particulier aux vignerons de valoriser leurs contenus écologiques et vertueux en les aidant à se mettre en scène.

– Jérôme Maillot, vigneron du domaine des Temps des Rêveurs en Provence, a pris le parti du collectif et participatif. Vigneron naturel dans les vignes, il l’est également dans son approche relationnelle et commerciale. Il fait régulièrement appel à des woofers qui viennent travailler en échange du gîte et du couvert : un échange basé sur la rencontre, l’apprentissage, le travail en commun et le partage d’expériences.

Rappelons, cependant, que digitalisation n’est pas synonyme de vertu écologique ! Des serveurs comme OVH ou Infomaniak sont capables de proposer une électricité basée sur une énergie renouvelable, mais celle-ci à un coût qu’il faut pouvoir valoriser.

Cette question de l’œnotourisme durable va de pair avec la tendance à la consommation des Terroirs qui se base sur une immersion complète en répondant à une quête d’authenticité intransigeante. Ce modèle doit trouver son format, mais il est significatif d’une évolution possible d’un marché qui sera de plus en plus regardant sur les mises en scène factices et des effets recherchés à outrance (l’effet WAOUH). L’une des caractéristiques de la digitalisation du tourisme est la massification de la personnalisation, qui correspond totalement aux attentes de la génération Y.

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Recevoir toujours plus sans casser la poule aux œufs d’or :

La gestion réussie d’une offre œnotouristique durable ne réside pas uniquement dans sa fonction agricole. La dimension humaine est au moins aussi importante !

Dans notre domaine, l’inquiétude des populations locales au sujet du sur-tourisme – thématique très sensible – reflète bien une réalité des vignobles de cette région. Certains terroirs bordelais frisent la saturation.

Pour reprendre le mot de Rodolphe Christin*, le « simulacre » met en danger l’accueil authentique. Cette hospitalité, à la limite du factice, est basée sur une idée de performance,  du sur-joué, nécessaire pour la mise en place de l’UX. Le risque est de dénaturer l’essence de la relation au vin, au pays visité, à la relation humaine.

  • Comment faire pour répondre « industriellement » et massivement à une recherche de spontanéité, de typicité et de vérité ?

  • Comment mettre en scène un terroir (le goût du local) au diapason d’une demande au goût standardisé qui a été nourrie au Red Bull ou au Coca-Cola ?

Nous retrouvons toute l’ambiguïté des injonctions paradoxales d’un marché contradictoire en quête d’opposés !

Faut-il aller vers une charte de l’œnotourisme durable ?

Que signifie l’adjectif « durable » quand il est accolé à œnotourisme ?

A coup sûr, les notions de pureté du vin et de sa démarche de production, du respect de certaines traditions et d’un ancrage légitime dans le territoire, d’un discours sincère et d’une relation client authentique, de valeurs en phase avec des objectifs responsables et sociétaux … la liste n’est exhaustive mais permet d’appréhender le spectre du concept.

  • Cette vision durable s’entrevoie dans une dimension plus douce de la consommation. Le consommateur durable s’exprime au travers d’achats signifiants, dans une pratique engagée, en visitant vignobles et terroir en cohérence avec qui l’on est et ce que l’on pense. Durable raisonne avec slow tourisme.
  • Se déplacer prends alors un sens nouveau et revient dans le corps de l’expérience. L’acte de voyager signifiant construire, plutôt que consommer passivement, comme un touriste acheteur d’un contenu froidement fonctionnel : une pérégrination autorisant une certaine dimension d’incertitude, une idée de proximité et d’itinérance primant sur la promesse d’un plaisir packagé. Le durable serait-il synonyme de voyageur ?
  • Le comment voyager est la question centrale. La mobilité quasi synonyme de voiture suggère alors une économie de gaz carbonique consommé. La solution reviendrait à combiner le train et un service VTC ou un transport en commun. C’est aussi l’usage de véhicules électriques ou plus encore, partir à deux roues en suivant des offres qu’un « My Trip Tailor » propose avec un déplacement à la carte, géolocalisé et personnalisable.
De l’éco-sensibilité à l’œnotourisme durable
L’évolution globale de la demande vers un comportement plus responsable, écologique, sobre et bienveillant avec les modes de vie locaux, évolue parallèlement avec l’émergence d’un sentiment collectif particulièrement sensible pour la Génération Y.
Cette dernière, branchée digital, est née avec de nouveaux concept tels que l’écocitoyenneté, l’anthropocène, le fly-shaming. Elle est gourmande d’éthique et de spiritualité, exigeante en partage et en expérience.
Les modalités de découverte dans un futur proche convergeront sûrement en une approche des espaces ruraux, symboles d’une arcadie mythique, où les valeurs d’une nouvelle convivialité seront toujours pratiquées autour d’un vin de plus en plus méconnu.
Arbre de vie et arbre de connaissance, ce lien culturel fort fera encore sens, pour peu qu’un effort de mise en scène sincère reliant l’humain à la terre, le business au sociétal soit mis en place. Dans cette vision, l’œnotourisme durable peut être vu comme une chance nouvelle pour redynamiser un modèle économique et réinterpréter une pratique hédonique bimillénaire.
…« Aux arbres citoyens ! » (Régis Debray)

Rodolphe Christin* : Le Manuel de l’Anti-Tourisme – Editions Ecocsociété

J’ai écrit cet article en collaboration de Laurence Cogan, Professeur d’œnotourisme chez School of Wine & Spirits Business de Dijon qui a été en charge de la première partie. Marc Jonas

Faut-il un classement œnotouristique ?

L’œnotourisme commence à prendre de la maturité. Depuis une dizaine d’année, les acteurs progressivement se connaissent, se professionnalisent, se spécialisent …
Les destinations voisines améliorent leurs services également et insensiblement l’œnotourisme entre dans un marché de plus en plus concurrentiel. Il faut clarifier les offres. La digitalisation de l’économie, les contraintes de mise en marché du tourisme obligent à penser la standardisation.
Pour nécessaire qu’elle soit, la standardisation ne signifie pas l’oubli des valeurs que constituent terroirs & marques mais suppose une mise en forme qui entre dans certains prérequis.

 

La nécessaire structuration de l’offre

A l’échelon de l’offre globale d’un territoire, la France, il faut « mettre de l’ordre » dans la profusion foisonnante et hétéroclite d’un pays aux terroirs hétérogènes tant en matière vinicole que pour l’art de vivre ou les paysages.

 

Nous le savons, l’imaginaire attribue au Bordelais l’aspect « bourgeois » des châteaux prestigieux ; la Bourgogne est le pays des clos, des « vignerons paysans » et des « villages cliché » ; le Languedoc, la rusticité, aux vignes dispersées dans une nature solaire …

 

Il est vrai que l’offre des Grands Crus Bordelais aux marques luxueuses avec leur Château qui « deviennent la vitrine des ambitions du propriétaire » ne ressemble en rien aux pépites bio Occitanes, peu connues mais remarquables qui reflètent l’envie de prouver la richesse d’un terroir en pleine révolution.

 

On pourra continuer ainsi en parlant de la Provence et de ses rosés, les deux Rhône si différents et complémentaires, des secrets des Alpes, de la Bourgognes qui s’étend du Beaujolais à Auxerre, de Champagne pour ne pas dire des champagnes, du Jura si personnel au pays du Riesling en Alsace, de la richesse du Sud-Ouest et de cette vallée de la Loire si changeante au long de ses 1006 km.

 

  • Comment faire pour classer toute cette variété ? Tous ces vins aux identités si particulières ? Tous ces paysages ? Toutes ces histoires ?
  • Car tous ces domaines et châteaux n’ont que pour points communs que de faire du vin … et du tourisme !

 

  • Faut-il partir d’une évaluation du vin ? du paysage ? des traditions & art de vivre ? du patrimoine bâti ? du patrimoine immatériel ? du savoir-faire d’accueil ? des services au domaine ? … Quels sont les bonnes clés d’entrées ?

louvre

Cela pose la question à nouveau de la définition de l’œnotourisme qui on le sait bien est polymorphe … Il me semble qu’il y a un œnotourisme par vigneron ! Et même sans vigneron : Pour preuve cette initiative Parisienne aux Caves du Louvre

 

Un classement des expériences œnotouristiques

Les Trophées de l‘Œnotourisme organisés par Terre de Vins distinguent 9 types d’offres pour déterminer des caractéristiques d’accueil dans le vignoble :

Catégorie Architecture & paysages

Catégorie Art & culture

Catégorie Initiatives créatives & originalités 

Catégorie Œnotourisme d’affaires & événements privés 

Catégorie Pédagogie & valorisation de l’environnement 

Catégorie Restauration dans le Vignoble

Catégorie Séjour à la propriété 

Catégorie Valorisation des appellations & institutions

Catégorie Le vignoble en famille 

Ce travail a pour avantage de valoriser les efforts d’amélioration et de mise en tourisme des vignerons. Cela met en lumière le large spectre d’activités possibles et les ouvertures commerciales relatives à l’accueil à la propriété.

 

Ici, Terre de Vins se fait l’écho de la 1ère des 20 mesures pour développer l’œnotourisme en France, qu’Atout France propose avec « le lancement d’une démarche d’expérimentation autour d’un classement des expériences œnotouristiques ».

 

L’initiative dirigée par Hervé Novelli a le grand mérite de donner le La – et de travailler tous ensemble, petits & grands – pour installer une offre France cohérente.

terredevins

Les paradoxes du tourisme du vin

La difficulté de la mise en marché de l’œnotourisme tient aux particularités des valeurs du vin, qui actionnent le désir de découverte chez le visiteur : C’est l’imaginaire du vin qui en fait sa force d’attraction !

Entre Art de Vivre et Prestige, entre offre Culturelle et activité de nature, entre service personnalisé et consommation de masse : il est plutôt ardu de trouver une harmonie qui puisse permettre d’évaluer l’ensemble de l’offre.

 

Car le point commun à toutes ces complexités reste le client ! Il est de plus en plus au centre, il revendique sa position centrale. C’est lui, par ses perceptions, qui va mettre la grande propriété légendaire sur le même pied d’égalité que le petit vigneron artisan : son expérience !

 

Bien sûr il a besoin d’être informé, rassuré et de visualiser rapidement les typologies de services disponibles sur le marché. Il faut donc lui fournir de quoi rationnellement établir son choix selon les critères qui lui sont propres. L’aspect fonctionnel est la partie visible de ce qui va être une promesse de voyage réussi.

 

Et pour que le rêve deviennent réalité, pour que le plaisir projeté se transforme en plaisir effectif, cette promesse doit être tenue.

D’un classement qui parle d’une offre à une réalité professionnelle qui concerne la demande, l’écart est abyssal.

 

Car on le sent bien, la tentative de Terre de Vins d’organiser la complexité est de l’ordre de la gageure.  Et sans remettre en cause le sérieux ni les bonnes intentions du magazine  « le grand jury a fait preuve d’une combinaison d’exigence et d’écoute afin de prendre la mesure de la diversité des offres et des candidats » … toute la problématique réside dans « la mesure de la diversité » et de l’authenticité !

 

Et l’authenticité dans tout ça ?

Et cette authenticité devient de plus en plus une valeur demandée par le visiteur. Comment l’évaluer et la situer dans une grille d’appréciation ?

Elle peut être considérée comme la quête d’un autre monde – la perception identitaire de la vie locale – le fait des traditions – ce qui serait l’antithèse de la mondialisation – l’accès à des lieux  dont la manière de vivre reste intacte ou qui rime aussi avec la valeur ajoutée et la qualité d’une expérience ?

Nous le voyons, la définition de l’authentique est très personnelle, et est fortement reliée au rêve initial.

 

La psychologie positive installe le bien-être subjectif comme élément principal d’analyse des individus. La quête existentielle est maintenant propulsée par une nouvelle économie du bonheur. Cette institutionnalisation du bonheur, à laquelle l’œnotourisme doit répondre, sera évaluée par le « psytoyen »* selon trois critères de que sont

  • -la rationalité émotionnelle
  • -l’authenticité
  • -la capacité d’épanouissement du consommateur.

 

 

Le lien qualitatif qui va réaliser la promesse se trouve essentiellement dans les connexions humaines qui seront établies lors du séjour.

Le travail expérentiel, de valorisation de l’offre et de la mise en action du visiteur pour générer une mémoire positive, est l’axe principal du produit œnotouristique. Et cela ne peut s’évaluer sous forme de programme réglementaire.

 

Et l’on comprend tout le succès de site d’avis comme TripAdvisor, Yelp, Google My Business ou même Expedia. Sans digresser sur la démarche de l’e-reputation et du marketing de la recommandation, on doit bien reconnaître l’importance des « retours client » comme élément qualifiant les offres.

 

Mon expérience terrain de guide viticole le prouve : « J’ai longtemps travaillé avec une agence réceptive, pour qui une prestation de qualité, depuis la toute puissance de TripAdvisor, est une prestation sans retours négatifs ».

 

Le quoi ou le Comment ?

D’où le dilemme qu’ont ce types d’agences à travailler plus ou moins sur les aspects fonctionnels et symboliques d’une prestation. Encore une fois de plus l’éternelle problématique du tiraillement entre le quoi et le comment ?

 

Dans un monde qui massivement s’oriente vers l’émotion, l’instinct, l’intuitif et amplifié par l’IT (Technologie Intelligente) la pensée Offre voit ses limites : le prouve cette étude réalisée par Adobe & l’Université de Londres** qui explique  que « l’importance accordée à l’expérience de la part du client est telle que plus d’un consommateur sur deux (51%) se dit prêt à acheter un bien ou un service auprès d’une marque inconnue s’il est séduit par l’expérience proposée. »

 

On comprend très bien que le comment va dominer le quoi !

 

Le marketing de la Demande s’impose, parce que le Désir client prime … Nous sommes saturés de propositions commerciales, de messages tentateurs … le business du futur sera celui de se faire choisir.

 

En détournant le concept d’Eva Illouz qui parle de marchandise émotionnelle***, j’ai bien envie de conclure cet article en parlant d’œno-destinations émotionnelles, qui grandissent dans le classement intime du voyageur.

 

 

… Trois mois après la parution de cet article, on voit bien en lisant cette note de Vitisphère toute la complexité d’une classification … et si trop de règles pourraient être préjudiciables au développement du business ?

*  Mattan Shachak – Echanger les sentiments : de la marchandisation des émotions en psychothérapie – Premier Parallèle Editions p 297

** Tom n°6 Etude réalisée par Adobe & l’Université de Londres P 87

** Eva Illouz : Les marchandises émotionnelles – Premier Parallèle Editions

Conférence « Valeur du vin » à l’Université de la Vigne et du Vin 2017

Le 10 novembre 2017 j’ai eu l’honneur d’ouvrir la journée de conférences organisée par l’Université de la Vigne et du Vin à Ferrals dans les Corbières.
Une journée riche d’échanges et de rencontres avec une liste d’intervenants de grande qualité

 

Société et valeur en mutation

Vous pouvez découvrir mon intervention en cliquant sur la photo – Remerciements au dessinateur François Maret

Programme :

Société & Valeur en mutation par Marc Jonas

La valeur des sens par Gil Moreau

La valeur unique du vin par Jean Jacques Boutaud

Tendances de consommation dans la gd anglaise par Peter Darbyshire

Les particularités du vin toujours en question par Nadine Franjus-Adenis

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Chronique franco-occitane par Alan Roch

La valeur du discours par Hervé Hannin

La valeur dans l’histoire par Gilbert Larguier

La valeur du plaisir par Alain Gatheron

La valeur de l’AOC par Marc Parcé

La valeur du Collectif par Magali Vergnes

 

L’humain est la valeur de l’œno-destination !

 

Qu’il soit Lillois, de Manhattan ou de Hong Hong le touriste est un individu comme tout un chacun. Au delà de la simple consommation de services, le moteur du voyage réside principalement dans l’exotisme et la rupture. Les rencontres participent de cette quête de changement.

La relation humaine est au centre de toutes activités touristiques !

On pourrait imaginer un futur composé de robots intelligents et d’activités augmentés … mais je doute que ces outils, qui améliorent les prestations, constituent la valeur propre du voyage œnotourisque.

 

Le monde industrialisé puis digitalisé a oublié le besoin instinctif que représentent les valeurs humaines. Celles-ci sont des règles, une morale ou une idéologie partagées par une communauté ou groupement de personnes.

La région Haut de France, développe une stratégie basée sur l’humain : « Nous avons une volonté de développer le tourisme et pour cela, nous voulons mettre en avant les valeurs humaines de la région »

 

Mon expérience de guide me l’a souvent montré, lors d’une visite de ville (guide conférencier) ou d’un winetour (guide viticole), la relation guide / visiteur est neutre, distanciée, voire froide aux débuts de la prestation. Le client reste en attente … il évolue insensiblement dans l’histoire qui se déroule, il va devenir prêt à participer et à découvrir activement. Au fur et à mesure du développement de la prestation, de nombreuses interactions se tissent : le guide avec le groupe, le guide avec le client (et la réciproque), le client avec le client, le client avec l’objet visité …

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Comment évaluer la relation humaine ?

Ces relations sont basées sur les trois moteurs émotionnels que sont le plaisir, la colère et la peur. S’il fallait réduire ces perceptions à des chiffres sur une échelle d’évaluation de la prestation, on noterait le plaisir sur 10, la peur et la colère sur 0, ce qui constituerai un idéal qualitatif.

 

Ces échelles théoriques doivent être modulées par les propres valeurs du visiteurs : le niveau d’attirance, le besoin de sécurité, le niveau de tolérance (irritation) … tout cela dépend de chaque client (personnalité, culture, âge …). Cette même personne peut varier considérablement au flux de la journée.

 

Pour parler de qualité dans la médiation, il faut convenir d’une norme qui satisferait la moyenne, un minimum qualitatif (c’est le cas maintenant avec la stratégie du low cost) acceptable que l’on pourrait résumer à ces chiffes : Plaisir = 5 Peur = 3 Colère = 3

 

Avec la digitalisation du tourisme, l’apparition de systèmes d’évaluation constituent le coeur d’activité de certains sites d’avis ou de réservation. Ces outils comparatifs sur Booking ou WineAdvisor, reflètent cette réalité normée.

Dès lors, la qualité se traduit négativement ! Plus par absence de défauts que par les bénéfices propres du service. Penser l’industrie touristique à grande échelle, suppose alors de penser la standardisation d’un minimum qualitatif. Nous parlons du groupe, de la masse, de millions de consommateurs, de milliers de metteurs en marché, d’innombrables prestataires.

 

Mais au bout de cette longue chaîne, à la fin, il s’agit toujours de relation interpersonnelle. Même lors de visites de groupes, chaque individu pense que le guide s’adresse à lui.

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Dans cette même proportion, on retrouve les effets de la relation numérique qui initialement faisait du ONE to ALL et qui actuellement fonctionne sur le mode du ONE to ONE. Le croisement de personnalisation de l’offre et du Big Data constitue le centre de la préoccupation des « résa on-line » mais l’objectif final reste, au bout du compte, que deux individus se parlent !

La dernière révolution se situte dans la massification du pouvoir de personnalisation des messages.

« Il se passe donc quelque chose ! » et c’est ce quelque chose  qui « vaut le voyage » !

C’est ce qu’il faut appréhender et comprendre.

L’attractivité est aussi dans la magie de la relation, c’est ce qu’il faudrait pouvoir mesurer et analyser pour en déduire des avantages, les valoriser et les reproduire à volonté. Ces sensations clients valent leur pesant d’or, les effets sont de l’ordre de la reconnaissance due à la compréhension, le sourire provoqué par le bien être … le secret réside beaucoup dans la qualité de la relation client … qui reste l’axe majeur du marketing expérentiel.

 

La pratique du vin fait partie de ces activités dont l’émotion est au centre des perceptions. Le médiateur (l’agent d’accueil, l’hôtesse, l’animateur, le guide, le sommelier, le chauffeur … ) toute personne qui est en contact avec le visiteur doit être conscient de la rupture spatio-temporelle et surtout culturelle, il doit être capable de « traduire » le territoire, de le rendre intelligible et surtout sensible, il doit ressentir et pressentir la demande indiciblement exprimée, il doit gommer les défauts et corriger les défaillances propres aux activités basées sur les relations humaines.

 

Comme dans l’entreprise, où la force de cette dernière sont les employés comme le dit Steve Jobs dans cette phrase devenue célèbre :

gens-intellignetsles territoires, les paysages, les appellations, les destinations révèlent un patrimoine qui témoigne d’une Culture. Ce bien collectif est véhiculé par les gens du pays. Ils sont la force vive la moins valorisée de ces espaces touristiques, ils font vivre le pays en le construisant, en le mettant en marche, en le cultivant, en l’entretenant …

 

Ce lien Culturel des appellations (à lire mes articles L’œnotourisme est une activité Culturelle 1 & 2) et de leur population est évident en France, ça l’est partout sur terre … comme les rizières du Yuanyang en Chine ou de Jatiluwih à Bali.

 

Développer l’accueil dans les vignobles c’est faire du développement durable !

Paysages et populations sont intimement liés. Les premiers sont évidemment valorisés par l’industrie touristique, les secondes le sont beaucoup moins. La rencontre des « locaux » par les visiteur est une demande qui semble émerger, avec un besoin expérentiel authentique et non de seconde main.

Les visiteurs veulent devenir acteurs de leur voyage, c’est particulièrement réalisable en matière œnotouristique. Le vin, la boisson du partage ne peut que favoriser l’expérience client !

 

Dans le modèle du développement durable : social x économique x écologique, la composante œnotouristique humaine intervient sur l’ancrage de la population en pérennisant et en développant une dynamique économique dans des zones rurales, menacées par l’exode.

 

Cela participe à la lutte contre l’expansion du béton dans les endroits proches de centres urbains et des littoraux, cela permet l’entretien des paysages, et s’il s’agit d’une exploitation viticole bio, de permettre le maintient de l’équilibre naturel des écosystèmes… Les nouvelles valeurs utilisées que sont le débat, le partage, la participation, la responsabilité RSE ( exemple BLB Vignobles ) renforcent les caractéristiques équitables, vivables et viables chères à l’écodéveloppement…  Cela peut devenir en outre un des éléments de l’attractivité du territoire.

La vallée de Gadalupe Mexique Basse Californie
La vallée de Gadalupe Mexique Basse Californie
Connaître les valeurs du terroir et savoir les cultiver

Les valeurs d’un territoire c’est finalement l’une des sources de séduction, c’est ce qui va convaincre le visiteur pour orienter son choix.

C’est ce que le visiteur ressent et recherche sans qu’il ne formule particulièrement cette demande ! Ainsi la courtoisie, l’élégance, la convivialité, la solidarité, la galanterie, la curiosité, le plaisir, le respect, la sympathie etc sont autant de valeurs que chaque habitant transmet, comme des porteurs sains : ce qui composera les idées toutes faîtes parfois que tel pays est charmeur et désordonné, tel autre est propre et rationnel, le suivant bruyant et plein de vie …

 

Quand les choix de gouvernance locale se superposent à l’art de vivre, comme la ville de Barjac 100% bio, les valeurs de la population croisent celles des professionnels, c’est tout un territoire par ses choix politiques qui participe à changer le profil d’une destination et d’en faire évoluer son pouvoir d’attraction.

 

Des relations inter-culturelles

Elles font la richesse du tourisme et de l’œnotourisme. Le visiteur comme l’hôte sont des individus avec leur propre système de références. Nous sommes tous riches d’une histoire et d’une vision, nous ressentons par le corps (le physique), par ce qui nous semble juste (le social), par ce qui nous émeut (le psychologique) et par nos croyances (le spirituel).

 

Ces multiples paramètres culturels et holistiques font la richesses des rencontres, c’est l’une des grandes sources de l’expérience client, c’est ce qui fait que parfois le travail devient plaisir ou inversement qu’une visite soit décevante. Le winelover en causant avec un habitant du pays, ne « passe plus pour » il le devient : il cesse d’être un touriste, il se transforme en un égal.

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Ne passez plus pour un touriste – OT d’Arles

Le professionnel, en matière de réceptif touristique, est celui qui en maîtrisant son domaine d’expertise, parvient à répondre positivement aux demandes (parfois excessives ou répétitives du client) en contrôlant certaines de ses propres réticences et humeurs.

Il est parfois fatiguant d’entendre sermonner un anglo-saxon sur la mauvaise manière qu’ont les français de fumer ou de qualifier péremptoirement qu’un bon vin est « watery ». Si nous percevons de tels sentiments à leurs égards nul doute que les visiteurs puissent en ressentir à notre sujet.

 
Les 6 raisons de considérer le touriste tel un client comme tout le monde

Il véhicule sa propre Culture

Il suit ses rêves

Il a ses humeurs et une personnalité propre

Il pense mais est capable d’émotion

Il cherche à comprendre et à découvrir

Il est en quête d’émotion et de partage

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Le collaboratif : ou apprendre à travailler ensemble !

L’être humain a besoin d’échanger, de rencontrer, de s’aimer, de se raconter, de se sentir appartenant à un groupe … je vois le vin comme l’allégorie de cette nécessité. La subite explosion des usages de FaceBook et autres Tweeter n’est que le signe digital de l’aspect grégaire de l’homme.

 

On parle de 4.0 … mais quels sont les territoires et destinations qui ont su parfaitement intégrer dans ses usages quotidiens les réseaux sociaux ? Pour finir, ils ne sont que la continuité du besoin d’échanger ! Mais quelle structure territoriale a vraiment travaillé à l’intégration de ces outils qui sont encore souvent l’apanage des start-uppers ?

 

Le management reste malheureusement encore trop vertical, avec des gens qui savent, d’autres qui opèrent … la base, celle qui a vraiment le contact client, n’a pas souvent voix au chapitre … à quoi bon passer à l’internet des objets quand celui des humains ne fonctionne pas vraiment ?

 

Le temps est venu de libérer les territoires, de faire travailler les acteurs locaux, de leur donner accès aux décisions stratégiques pour qu’ils deviennent co-responsables de leur œno-destination : en utilisant la technique de la bienveillance et en travaillant au changement du modèle culturel qui va vers une vision partagée de l’offre territoriale.

Une réflexion doit alors se porter sur les acteurs, leur organisation et leurs relations avec le territoire. Une prise de conscience tant individuelle que collective va ouvrir sur des innovations d’ordre managérial, technique, organisationnel, commercial, cognitif etc.

 

Ainsi à Colmar, 35 agriculteurs achètent un supermarché pour vendre leurs produits. Un succès collaboratif qui se base sur la distribution en circuit court, en apportant du sens et en revalorisant les métiers agricoles, où la distribution se ré-humanise en donnant une valeur autre qu’économique aux produits qui ont une histoire et une traçabilité.

 

Le design d’expérience : un nouvel outil pour les territoires viticoles

Le vrai winelover se reconnait non pas par sa connaissance du vin mais par la nécessité qu’il a de comprendre le terroir. Son aspiration à devenir familier avec le pays, à vivre avec les autochtones en ingérant la potion qui magiquement permet d’acquérir la nouvelle citoyenneté de « terroirien ».

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La digitalisation de l’œnotourisme va de plus en plus impliquer le client, il va co-créer, depuis la prise de contact on-line jusqu’à la diffusion sociale de sa pratique expérentielle. La vision de l’entreprise doit aider le client œnophile à identifier l’offre selon des valeurs communes … l’humain bien que digitalisé reste au centre de la relation client !

La mise en scène des espaces touristiques et la prise en compte de la pensée client permettent d’anticiper l’expérience des visiteurs. C’est en pensant à la valeur humaine que contient l’offre, que la valeur d’échange et la valeur d’usage se différencient : par l’expérience unique vécue par le visiteur, la valeur ressentie et réelle sera inestimable et deviendra très compétitive. Travailler sur l’humain c’est valoriser l’offre !

 

Mais concluons avec J Giono et une citation trouvée dans son recueil « La chasse au bonheur »* : « … car c’est tout un pays qui, par sa qualité, attire et retient. Il n’a plus qu’à se laisser vivre. S’il est assez intelligent pour garder intact son patrimoine de beauté. Car cette beauté ne tient qu’à un fil. Rien de plus facile à détruire qu’une harmonie, il suffit d’une fausse note »…

 

*Jean Giono – La chasse au bonheur – page 87 – Editions Gallimard collection Folio

Pour découvrir ma conférence sur « Société & valeur en mutation » à l’Université de la Vigne et du Vin 2017

Œnotourisme en quête de portraits : 10 personas

Pour vendre, il n’y a qu’une seule stratégie qui marche : identifier précisément la cible, et lui adresser une offre sur mesure … Il n’y a que deux sortes de produits : celui qui se défini par le prix, anonyme et reproductible et le produit qui raconte une histoire et qui est porteur de valeurs : il est unique.

 

Persona : définition

« Un persona est un personnage imaginaire représentant un groupe ou segment, cible … d’une activité marketing prise dans sa globalité ».  Ils aident à visualiser les comportements des visiteurs et à ajuster les actions de communication mais aussi d’adapter l’accueil selon leurs origines …

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J’identifie 8 personas pour le marché œnotouristique…la liste est loin d’être exhaustive.

Ma démarche n’est pas celle d’une approche sociologique, elle résulte de ma longue expérience de winetour guide et de croisement d’informations variées (conversation avec des agents de voyages, lectures, veille marketing…)

 

 

a7b94164763de2a820409970de6408d2[1]Samantha : graphiste New York 34 ans

Un univers sensoriel – un prétexte pour voyager – un style de vie

Elles se considère wineloveuse, boire du vin c’est un plaisir mais c’est aussi une manière d’exister. Elle pratique régulièrement dans des wine bars, prend des cours d’œnologie, partage des moments de convivialité avec des amis qui sont un peu comme elle.

« Addicte » aux voyages, visiter un vignoble est un réflexe, même si ce n’est pas l’unique objectif du déplacement. L’expérience est placée au même niveau que l’apprentissage. Elle est très ouverte aux différents types de vins et est consommatrice de services digitaux.

Elle peut louer un véhicule dans l’œno-destination mais aussi réserver en « last minute » un service de minibus ou une visite de cave animée. Cependant le shoping est aussi une activité en soi pour elle, une cave qui proposera un large choix de souvenirs sera une bonne opportunité pour « craquer » sur quelques gadgets. Rompue à l’usage des réseaux sociaux, elle a besoin du WiFi pour voyager. Elle écrira d’ailleurs toutes ses remarques sur TripAdvisor ou WineAdvisor.

 

persona2John : Cardiologue Denver 58 ans

Un standing social – une passion sincère – un collectionneur d’étiquette

John est un vrai amateur de vin, gourmand, curieux d’apprendre et envieux de collectionner les expériences de grandes bouteilles. Chez lui, grâce à son budget il achète les cols les plus rares. Il appartient à un club (se fait livrer des bouteilles depuis des wineries Californiennes). Il consomme régulièrement mais plus le WE.

Il voyage peu : il suit les préconisations de sa femme sauf en matière de visite de vignoble : il sait ce qu’il veut. Les magasines spécialisés l’influencent beaucoup et les 90 points Parker sont pour lui une référence. Il réserve ses vacances par l’intermédiaire d’une agence de voyages spécialisée winetour.

Il dort dans des 4 étoiles et utilise des services privatisés, il aime avoir une extrême personnalisation de ses activités…la qualité des services a beaucoup d’importance à ses yeux, proportionnellement à la rareté de son temps libre…Il achète des vins chers et demande à se les faire expédier à domicile, service tout à fait normal aux USA.

 

persona3Michelle : sans profession Singapour 45 ans

Le symbole du luxe – un idéal occidental – un rêve exotique

De mère chinoise et de père malais, Michelle parle plusieurs langues (Anglais, Mandarin, Malais) et se considère plus occidentale qu’orientale. Elle collectionne les sacs à main (Vuitton, Prada, Hermès …) et fréquente la bonne société de son pays. Son mari l’emmène dans des restaurants raffinés où elle à eu l’occasion de déguster se qu’il ce fait de meilleur (et de plus cher) en matière viticole.

C’est une globe trotteuse qui passe son temps entre l’Australie, le Japon et la Chine. L’Europe est extrêmement exotique pour elle et elle n’a visité que Paris en France. Elle a déjà fait un winetour dans la région de Barolo avant d’aller dans un palace à Cinque Terre.

Les réservations se font par l’intermédiaire d’une agence émettrice spécialisée dans la clientèle luxe et loue les services de chauffeur / guide. Les caves visitées sont préférentiellement des grands noms, des vedettes du monde du vin : les icônes. Le prestige et la notoriété des vins sont aussi importants que leurs qualités, qu’elle est à même d’apprécier. Elle est connectée en permanence et passe une partie de son voyage à parler au téléphone.

 

fdc092f15b45f3803d47976b6f27dd69[1]Chan : Responsable informatique Hongkong 33 ans

Une manière de se différencier – un goût pour l’ailleurs – un groupe d’amis

Le vin devient une mode dans cette ville monde qui ne dort jamais … c’est un symbole de raffinement et de savoir vivre ! il pratique plus le vin pour ce qu’il représente que pour ce que c’est réellement. Le vin est très fanstasmé mais c’est un réel sujet d’intérêt. Il a déjà goûté une Romanée Conti ou un Pétrus qu’il a acheté et partagé avec 4 autres amis. Il ne connait que l’appellation de Bordeaux en France et n’est pas bien sûr de situer cette région.

Il voyage régulièrement et les winetours ne sont pas prioritaires. Très geek, il peut faire une réservation depuis son smartphone juste au moment du décollage dans l’avion en j-3 avant la prestation.

Son budget temps est très précieux mais il peut consacrer une journée dans les vignes (sur un temps total de 7 jours dans le pays) s’il trouve une prestation qui lui plaise. Il est très curieux de comprendre cette énigme culturelle du Terroir : il cherche à comprendre.

 

persona4Lin : jeune femme fin d’étude universitaire Wuhan (800km ouest Shanghai) 21 ans

Découvrir le monde – se cultiver – expérimenter un autre art de vivre

La France et l’Europe représente une certaine forme d’idéal esthétique. Entre la mode et l’occidentalisme, une idée floue d’un certain art de vivre et le rêve sur papier glacé, Lin désire faire son grand voyage initiatique de fin d’étude pour se lancer dans la vie active. Elle ne connaît rien du vin ! tant, qu’elle se pose la question que sont ces « petits arbres » plantés très régulièrement dans les champs ? Pour elle le vin est l’un des grands symboles de la Culture française et il lui semble indispensable pour « comprendre » les français de visiter une cave !

Ses connaissances du vin son très rudimentaires, à peine sait-elle que cela se fait avec du raisin. Pour elle le Beaujolais est très tannique, ses goûts vont vers le blanc et le rosé.

Elle est obligée de faire attention, son budget est restreint cependant elle a réservé une chambre au Négresco pour suivre le rêve Romantique de la France. Elle hésite même à craquer pour une table étoilée. Cependant elle visite la France en 5 jours, utilise beaucoup internet pour ses réservations et choisit des hébergements low cost.

 

40283a6f019043f7c9684da0056b0dc3[1]Bryan : retraité Melbourne 68 ans

Un consommateur occasionnel de vin – un amateur de convivialité – les racines Européennes

Bryan a visité l’Europe à trois reprises, mais c’est la première fois qu’il reste deux semaines entière en France, jusque là il a passé entre six et huit semaines à sillonner toute l’Europe. C’est par l’Angleterre qu’il appréhende notre continent, c’est par ce pays qu’il commence et termine son voyage. Il connait la France en regardant assidûment le Tour de France, c’est l’une des raisons pour laquelle il consacre autant de temps pour ce voyage.

Il a déjà fait plusieurs winetours dans son pays à Barasossa Valley et à Margaret River. Habitué au standard d’accueil anglo-saxons, il un peu surpris par la « rudesse » du premier contact en France. Amateur de bière, la logique de terroir lui est totalement inconnue, très fier des GSM australien, il est cependant impressionné par la notoriété des vins français, ce qui l’incite à prendre un winetour en vente à la place.

Bryan est un vrai globe-trotter, il aime chercher les bons plans, parfois hors des sentiers battus et hors saison. Il réserve on-line et est gros utilisateur de TripAdvisor et de Viator.

 

persona5Jean Paul : cadre administratif Paris 42 ans

Un consommateur du dimanche – un rituel familial – incursions en province

Jean Paul visite la région régulièrement, il y possède une petite maison secondaire. Comme beaucoup de français il aime le vin, connais vaguement la notion de terroir sans réellement s’intéresser au sujet. A force il découvre les appellations proches de son lieu de villégiature et a fini par se passionner tant et si bien qu’il sympathise avec quelques vignerons du coin, il guide ses amis de passage et est fier d’être un ambassadeur de l’appellation de retour à la maison.

Les grandes bouteilles le font rêver mais n’est pas capable de casser sa tirelire pour acheter un de ces grands crus si réputés.

Il n’a jamais pensé réserver une prestation œnotouristique ni acheter un service par l’intermédiaire d’une agence réceptive locale. Son approche du tourisme du vin reste très intuitive et autodidacte. Pour lui le goût de terroir est dans l’accent des producteurs

 

8d7ec64698455c9f8284f703e9fa3f28[1]Anne Marie : profession libérale Nantes 39 ans

Autodidacte du vin – la famille et les enfants – un moyen d’évasion

Anne Marie a toujours aimé voyager, et curieusement même si elle a découvert le vin en famille c’est lors d’un séjour en Californie qu’elle est devenue œnophile. Son job et sa famille l’empêchent de plonger dans sa nouvelle passion mais elle bosse assidûment à la maison en achetant des livres et en consultant les sites spécialisés.

Gourmande, elle cuisine le plus souvent possible et s’amuse à trouver les meilleurs accords mets/vins. Dans sa passion, elle a entraîné son mari qui partage ses agapes.

Dès lors, elle va choisir ses lieux de séjours touristiques en relation avec un vignoble tant en Italie qu’en France. Elle fait feu de tout bois et peut réserver on-line ou partir à l’aventure pour visiter une cave à la débottée. Cependant elle est très limitée par ses 2 enfants pré ado et ne peut laisser libre cours à son envie de parcourir les vignes à son aise : un prestataire qui lui proposera un service œnologique tout en la « libérant » des petits aura sa préférence.

 

persona1Louise : Doctorante sciences sociales à Toulouse 26 ans

Membre d’un club d’œnologie – le fun, le décomplexé – voyages familiaux

Fille de bonne famille, Louise a toujours vu sur la table, un cru vénérable avec les gigots hebdomadaires. Jeune enfant, elle trempait son doigt dans le verre de son père … et dès qu’elle a vu un « club œno » elle n’a pas hésité à s’y inscrire.

Ses études l’empêchent de trop voyager mais elle ne rechigne pas à faire une petite virée entre filles dans les Corbières pour vivre et rire. Elles partent en itinérance sans trop réfléchir, s’arrêtent dans un domaine, se renseignent à l’office de tourisme, prennent des informations dans leur gîte mais les commentaires des réseaux sociaux sont sa première source d’information.

Parangon de la Y génération elle poste des images de ses aventures vineuses sur FaceBook et Instagram, elle  met des films sur Youtube et regarde Twil, Géovina ou Vivino pour faire ses choix.

Elle aime apprendre mais c’est la convivialité du vin (les apéros surtout) qui motive son intérêt pour le vin.

hugoHugo : Mécanicien poids lourd, Bruxelles 25 ans

« se met » au vin progressivement – culture de papa – entre ringard et fascination.                             Hugo aime la bière c’est atavique. Le vin c’est trop sérieux, c’est trop compliqué. L’idée de terroir est très abstraite, attendre un vin pour qu’il se fasse lui est incompréhensible, d’ailleurs il bloque sur les tannins qu’il trouve amers et râpeux

Pourtant il se souvient d’avoir eu quelques émotions avec de vieilles bouteilles lors d’un réveillon…Pour lui le vin c’est la fête, simple, fluide, fruité … à l’image des rosés qu’il a partagé avec ses amis sur la Côte d’Azur l’été dernier. Il achète occasionnellement quelques bouteilles en promotion au supermarché Delhaize du coin.

Voyager dans un vignoble ne lui viendrait pas à l’idée, mais il garde un excellent souvenir de la petite fête promotionnelle organisée par le syndicat de cru pendant ses vacances. Il s’est laissé entraîner au salon des vins de Bruxelles et a confirmé son appétence pour les rosés. C’est d’ailleurs sur son SmartPhone qu’il a découvert cet événement et qu’il s’y est inscrit.

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Extrait d’une infographie Atout France

Les personas c’est bien ! Mais souvenons-nous que nous sommes tous uniques !

 

L’être humain est complexe, et mettre le visiteur dans une case peut sembler factice, nous pouvons être parfois plusieurs personnages au cours d’une journée. Un expert, grand connaisseur à bien le droit aussi d’être un épicurien … et de « débrancher de temps en temps !

Penser persona oblige l’entreprise à recentrer l’offre sur le client et qui implique une analyse plus fine du positionnement, des stratégies nécessaires pour atteindre chaque cible et les adaptations à réaliser pour séduire chaque catégorie de client.

C’est finalement venir à professionnaliser l’accueil en « réduisant les incertitudes », en se donnant toutes les chances de réussir pour laisser se développer la relation humaine qui au bout du compte est la raison d’être de l’œnotourisme où l’expérience client avec le plaisir, la convivialité, les échanges … constituent le secret le d’accueil œnotouristique réussit.

 

 

Il faut remettre le client au milieu du processus

Nous vivons dans un monde « marketing »  depuis plus de soixante ans. Cette dimension marketing prend en compte l’aspect demande, à-priori, et de nombreuses études sur les désirs et comportements de consommation voient le jours.

Cependant, à observer la réalité du terrain on peut avoir l’impression que le client finalement passe « derrière » !

 

Cette remarque globale n’est pas spécifique au tourisme ou à l’œnotourisme, elle englobe l’ensemble de la sphère tertiaire nationale. Il suffit de revenir d’un pays étranger pour observer l’impatience des vendeuses, la disponibilité des hôtes, la médiocre qualité d’écoute de nombreux professionnels, l’attention et empathie portées aux clients. La France ne brille pas de ce côté là.

 

L’accélération des progrès techniques favorise l’accès aux moyens de comparaison, et le visiteur peut aisément relativiser les offres locales avec d’autres (régionales ou même étrangères). Les réseaux sociaux génériques et spécialisés (Facebook, TripAdvisor, …) sont des armes à double tranchant.

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La notion de qualité va, de plus en plus, s’orienter sur le ressenti déclenché par la prestation plutôt que sa qualité intrinsèque, la notion de « marketing émotionnel » prend plus d’importance et il est fort à parier que les avantages concurrentiels se situeront encore plus à cet échelon.

 

Il faut remettre le client au milieu du processus

 

L’œnotourisme comme « nouvelle activité » ayant un fort pouvoir d’attractivité sur les clientèles étrangères n’échappe pas à cette remarque, d’autant plus qu’un bon nombre de ces visiteurs proviennent de régions qui peuvent nous servir de modèle (Californie, Australie … ). Profitons de cette période de développement pour installer d’emblée les bonnes pratiques et de poser les standards réellement au niveau international.

 

L’hyper connectivité favorise un changement de comportement vers une demande « tout-azimut » qu’il faut pouvoir gérer avec diplomatie. Il est à remarquer que nous sommes tous à même école (tous les pays viticoles vivent sous les mêmes règles mondialisées maintenant) et que ces contraintes ne sont pas particulièrement un désavantage propre à la France.

 

Et surtout, il faut considérer l’évolution vers des achats de « dernière minute », amplifiés par la connectivité croissante auquel il faudra s’adapter par un assouplissement des aspects réglementaires mais essentiellement par une plasticité des attitudes professionnelles.

 

Les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) se placent au centre du débat, les comportements changent très vite, tant de la part des visiteurs que des professionnels du tourisme (agences de voyages, institutionnels …) : les agents d’accueil et d’animation, au sens large, doivent intégrer cette donnée considérable.

 

Etre repérable aisément lors de la préparation du voyage devient l’enjeu prioritaire (page-ranking, géo-localisation … ). La conséquence de ces développements « technico-comportemantaux » obligent le professionnel final, fournisseur de services (caves pour une visite dégustation, excursionnistes, guide-accompagnateurs, musées, hébergements … ) d’évoluer vers une logique de suivi et de fidélisation des visiteurs (réseaux sociaux, e-mailing) pour conserver ou améliorer son avantage concurrentiel et e-réputation.

 

Conseil oenotourisme à l'écran
Le contrôle de sa visibilité on-line est l’une des clés du succès

La progression vers le tout marketing, les styles de vie urbain et les évolutions comportementales et psychologiques globales orientent la demande vers la notion de « sur mesure ». Cela entraîne à considérer chaque visiteur comme unique et la personnalisation du service tend à devenir un pré-requis.

L’œnotourisme, qui est une niche du tourisme, a ses propres niches (amateurs confirmés en quête de vin d’auteurs, œno-curieux à la recherche d’apprentissage ludique, simples visiteurs qui viennent goûter la France …) et cela avec des origines et des cultures très variées : les combinaisons sont nombreuses.

 

Ainsi pour offrir un service de qualité il faut pouvoir qualifier la demande, c’est à dire identifier le profil du visiteur. Démarche qui peut s’avérer très difficile tant le processus décisionnel et de réservation est parfois complexe. Une manière de pouvoir contourner cette difficulté est le professionnalisme et / ou l’expérience.

La formation est la clé du succès et cela à toutes les étapes de la chaîne oenotouristique.

 

 

Les visiteurs sont à la recherche de sens.

La simple consommation n’est plus l’unique moteur de la demande !

L’industrie touristique est une très grosse « machine », invisible pourtant pour le consommateur en vacance. Il n’a pas conscience des analyses marketing et des campagnes de communication des institutions, des efforts promotionnels des agences de voyages, des aménagements spécifiques des territoires.

Tout est fait pour « les » touristes en général, mais on à tendance à oublier « le » visiteur qui pousse la porte pour profiter de son voyage.

Il est là pour enrichir sa vie, accumuler des expériences qui peuvent le transformer en profondeurs.

 

 

Pour obtenir ce pourquoi il est venu, il ne veut pas automatiquement la même chose que ce qu’un autre est venu chercher. Ainsi, l’accueil doit s’améliorer dans les secteurs touristiques durs (hôtellerie, restauration, information, transport) mais aussi dans tous les secteurs connexes (domaines et châteaux – musées – cafés – magasins etc ) en orientant les services vers plus de personnalisation et en donnant l’impression que le visiteur est attendu.

Des solutions simples sont à disposition :

– favoriser le partage en général (la rencontre, la conversation, l’échange d’adresses et de photos … ).

– proposer un réseau local (les micro-réseaux) de services complémentaires (diversification des activités) dans une logique spontanée.

Le visiteur est sensible aux attentions et apprécie la sensation de « facile » fournie par notre aide. Il s’en souviendra !

 

 

Bien considérer le touriste est aussi bien plus qu’un sourire

 

Plus qu’un enjeux individuel de l’agent d’accueil, il s’agit aussi d’un comportement collectif.  Il faut pouvoir penser large, penser « international » en s’efforçant de proposer des horaires et jours d’ouverture (normaux pour un Nippon ou un Américain) avec des magasins et caves ouverts le dimanche, après 19h en ville. Là aussi la concurrence internationale fait rage est les dimanche déserts sont cruels pour un Pékinois en promenade : que faire ?

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Plus simplement il faut pouvoir informer systématiquement le visiteur / client des conditions et tarifs en Français-Anglais de façon accessible et lisible (carte des restaurants, à l’entrée des caveaux, wine-list … ).

Internet a changé le monde, nous l’avons déjà dit : pouvoir répondre aux demandes d’information (quelle qu’elle soit ! ) dans la 1/2 journée devient un signe de courtoisie autant qu’une arme de compétitivité : internet et le smartphone (plus à l’étranger qu’en Europe) donne l’opportunité d’accélérer le transfert d’information. Ne pas répondre dans la journée devient geste d’impolitesse ou d’archaïsme.

 

 

Proposer un service professionnel et porter attention au client ne signifie pas agir avec une sollicitude rampante ou une froideur rigide devant celui-ci, il s’agit simplement d’être là au bon moment et de répondre correctement à la demande tout en ayant la possibilité d’anticiper les possibles requêtes.

 

L’accueil est un enjeu stratégique !

L’enjeu en France ne se situe pas dans la qualité de ses paysages ou de sa culture, pas non plus, dans son savoir-faire en marketing touristique ou la qualité de ses vins ; l’enjeu est dans l’accueil dans sa grande acception.

La mise en place de bonnes pratiques concernant le client et sa demande vont définir des atouts concurrentiels majeurs qui pourront mettre les vignobles français dans les premières places des destinations oenotouristiques