L’œnotourisme est une activité Culturelle – 2ème partie

7  L’œnotourisme n’est pas une activité touristique comme les autres…

De fait, parce qu’il s’agit d’une activité culturelle, avec ses nuances, ses chapelles, ses niveaux de connaissance … il faut distinguer des variations dans les demandes touristiques. Un winelover de Chicago n’est pas un œnophile de Bruxelles.

Comme il a été dit dans la 1ere partie de cet article, l’échelle de valeur de l’engagement bachique, comme élément identitaire très structurant, peut revêtir de nombreuses interprétations tant pour le consommateur que pour les producteurs.

Cela implique une orientation marketing où il faudra prendre en compte le croisement entre l’offre œno-culturelle plus ou moins standardisée et la demande dans sa culture d’usage (selon les habitudes du client).

Rapporté à un échelon international l’offre oenotouristique Ligérienne, Dalmate ou Californienne seront mises en concurrence face à des œno-curieux provenant de Taïwan, Londres ou Vancouver, on observe aisément la complexité des croisements culturels qui peuvent résulter lors de l’expérience client.

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Plus que jamais, d’un point de vue client, la partie subjective prend une part importante, ce qui signifie que la perception des dimensions culturelles d’une œno-destination arbitrera ses choix.

Une fois ce point corrélé avec la puissance de l’outil digital, les adaptations stratégiques devront sans cesse être combinées aux standards qualitatifs tout en mettant en exergue la particularité de l’offre.

La part patrimoniale du vin, donc sa dimension « spirituelle », constitue le point central du choix initial.

8 Quelle définition pour la Culture ?

De quelle Culture parle t-on ? Celle du vieil Européen face à celle du Nouveau Monde, celle urbaine d’un visiteur de Shanghai face à celle d’un villageois bourguignon ? Celle d’un chef étoilé face à celle d’un buveur de soda ?

Au-delà du produit vin, la Culture c’est aussi la façon d’appréhender notre monde : les coutumes régionales, l’écologie, le vivre ensemble …

Au travers de la dimension « terroir », les choix agrologiques du vigneron ont aussi une valeur culturelle : travailler les vignes en conventionnel, en agriculture raisonnée, en agriculture biologique ou biodynamique ne signifie pas la même chose.

Ainsi on en vient à parler d’engagement local qui peut avoir une résonance globale : la pratique des voyages et des réseaux sociaux permettent à ces problématiques de traverser les frontières. Certains pays ou territoires (on peut les considérer comme des destinations) deviennent leaders et des exemples en ces matières : les visiteurs souvent reflètent l’opinion moyenne de leur pays d’origine et par exemple les promesses des Américains ou des Chinois lors de la COP21 peuvent illustrer l’état d’esprit des touristes venant des ces pays.

En matière de Développement Durable, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), comprenant le consommateur, les conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, la gouvernance régionale et privée, les droits de l’homme  … entre dans cette conception large du point de vue Culturel d’une œnodestination.

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L’exemple, conté par le biologiste George Oxley, du RoundUp utilisé comme désherbant qui n’est possible que s’il existe des plantes génétiquement modifiées, est caractéristique d’une culture de la surproduction et de la surconsommation.

Le discours sur la préservation de la biodiversité, laissant la vie à la multitude de plantes (mais qu’est-ce qu’une mauvaise herbe ?) qui joue l’indispensable rôle de garantir l’équilibre des sols (Ph, vie bactérienne et fongique, insectes et micro-organismes …) concerne aussi bien celui du terroir viticole (support des vins qui ont une identité) que du terroir humain (choix de vie).

La mondialisation de la production viticole (de nombreux visiteurs internationaux considèrent le vin comme étant issu d’un process plutôt industriel qu’artisanal !) rentre donc en opposition avec la spécificité du terroir et son caractère unique.

9 Vers un idéal type de la consommation Culturelle oenotouristique ?

Ainsi, l’universel de l’imaginaire du vin rencontre celui de la globalisation et la PRATIQUE DU VIN qui suppose la beauté des paysage, le partage amical, la parole facilitée, l’harmonie relationnelle, un certain contact avec la nature, l’hédonisme …

La PRATIQUE CULTURELLE des individus (avec leur histoire propre, leur environnement, leur idéologie) peut venir bouleverser la sereine tradition du bien vivre local : aller à la rencontre d’un pays, d’un terroir est aussi un choc des Cultures et peut parfois révéler des situations cocasses ou incongrues.

Le rêve d’un voyage viticole contient donc les mythes fondateurs, l’idéal Virgilien, le mimétisme des classes dominantes … et cela fonctionne comme une trame qui constitue le désir intime des œnotouristes mais qui n’est pas toujours explicité. C’est aussi le cœur de la promesse agritouristique.

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Certes, il vaut mieux montrer un vigneron en cotte dans une cave voûtée dénichant un flacon à l’étiquette mangée par l’humidité qu’un hôte aux gestes standardisés dans un lieu anonyme tenant une bouteille au design marketé : ce fantasme reste une vérité !

Nous sommes dans la caricature … mais le succès de l’accueil dépend grandement du désir du client et de la subtile combinaison du talent de l’équipe réceptive.

Le rêve d’une terre promise où coulent à flot lait, vin et miel se retrouve dans le projet d’œnotourisme, on pourrait y voir là la raison pour laquelle le taux de fréquentation s’accroît singulièrement à la période des vendanges.

10 A la croisée des Cultures

Mais si le visiteur a choisi une certaine œno-destination, ce n’est pas tant pour ses vins que l’offre globale qu’elle propose. En matière d’œno-destination, la concurrence entre Pinot ou Cabernet-Sauvignon pourrait se concevoir ainsi : Oregon versus Bourgogne, Napa Valley versus le Médoc …

Pour un amateur Australien ou Chinois, quels seront les éléments décisifs qui feront pencher la balance favorablement vers la destination France ou la destination USA ?

Ainsi les prestataires doivent être capables, sans dénaturer la qualité du service, de comprendre l’attente de quête de Mythe : il faut pouvoir intégrer cette donnée de nature quasi indicible afin de mettre à disposition du visiteur une opportunité expérientielle de niveau très qualitatif.

On pourrait résumer en affirmant qu’en France (et en Europe), la consommation de vin est liée à des dimensions hédonistes qui incluent l’histoire, les paysages, la gastronomie et le partage. C’est un usage qui a de la profondeur, de la densité, de l’identité.

A l’inverse, le nouveau monde consomme le vin comme un alcool. La Culture du vin progresse mais le chemin est long pour voir se généraliser une approche « traditionnelle». Le plaisir de consommer est immédiat, sans mettre le vin en perspective avec un quelconque patrimoine en général. C’est pratiquement plus un élément de distinction sociale et d’affirmation d’un certain niveau de développement culturel (lié à un sentiment de sophistication).

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Ainsi sur Instagram, il est fréquent de trouver des posts où un grand vin est accompagné d’une … pizza : cela témoigne d’une confusion des genres, d’un réel plaisir du vin et de la bonne chaire (une bonne pizza c’est quand même excellent !) confronté à une impéritie gastronomique.

Les vignerons français ont du mal à s’adapter à cette approche « sans âme », purement consommatrice, sans lien avec un certain héritage ou une manière « d’être en vin ».

C’est aussi ce qui attire les authentiques winelovers du nouveau monde, c’est ce qui fait la différence positive de nos vins de terroir de ceux du nouveau monde. Par l’approche Terroir et avec ce supplément d’âme qui fait que nos vins sont un peu plus que simplement bons, les œnotouristes accèdent au rêve : un plaisir autre que gustatif.

En suivant la démonstration de Natacha Polony ** « l’alimentation (et donc le vin) s’ouvre sur des questions politiques, pour des raisons de contrôle social et consummériste, le sucré est mis en avant … » l’on comprend que les pratiques alimentaires & la valeurs des saveurs sont des marqueurs culturels manifestes !

11 La conformité de l’offre

Voyager suppose une rencontre entre au moins deux origines, deux cultures, deux « arts de vivre » : celui de l’hôte et celui du visiteur. L’accueil au sens large sous entend un certain sens de l’empathie, de la connaissance minimale de la Culture des visiteurs, de disponibilité, de professionnalisme.

Les rythmes de vie (heure des repas), les arts culinaires (association mets & vins, menu 3 plats …), la manière de consommer le vin (sentir, goûter, tenir son verre … ) changent d’un continent à un autre (rapidité de service, rythme de vie…).

Comprendre la Culture de l’autre c’est commencer à s’adapter au client, cela participe à la qualité de la prestation, donc de l’expérience client.

Le prestataire œnotouristique dans la même logique ne peut ignorer les pratiques quotidiennes d’un voyageur (selon sa cible client bien entendu), ses usages du digital, les civilités, les langues …

C’est sur la dimension de l’accueil que l’œnotourisme national a d’énormes marges de progression à faire (la France a 20% de touristes de plus que les USA mais trois fois moins de recettes). La fierté d’une production identitaire et fortement qualitative tend à faire oublier les rudiments des métiers de l’hospitalité.

C’est peut-être sur ce dernier critère que les œno-destinations françaises peuvent perdre la compétition.

La roue des perceptions culturelles du vin
La roue des perceptions culturelles du vin

La nature permet de se retrouver          

La nature fait peur ! Elle effraye si l’on n’est pas prêt à franchir le pas de « l’exil » à la campagne – comme retour aux sources. La pratique du vin peut aussi se comprendre comme une compensation symbolique d’une campagne consommée (en ville : la plupart des winelovers sont citadins et disposent d’un certain niveau de vie), comme une dévotion à la vie, comme une appropriation de cette Nature perdue : la nature reste pressante par son appel mais qui effraie par sa vacuité.

Nous avons perdu les moyens et les codes qui nous y relient, nous ne savons plus la lire : d’où l’œnotourisme, qui peut être vu comme un prétexte au retour, une médiation via le vigneron qui interprète les paysages, les traditions et rappelle les rituels oubliés d’une vie rurale.

Le vin c’est le Vivant, ainsi l’œnotourisme peut se comprendre comme une métaphore de la quête de la VIE, un prétexte de retour au primaire, aux rituels d’une vie sauvage fantasmée. C’est un voyage inconscient vers une recherche de soi dans ses sensations (avec le vin, avec les autres, avec l’Humain), une quête de traces de cette vie perdue, une archéologie intime de l’Homme qui était moins urbanisé, moins connecté, en adorant les reliques d’un monde ancien. Souvenons-nous que la vigne est l’une des plantes possible qui incarne l’Arbre de Vie de la Genèse.

Mais cet aspect de l’agritourisme est un voyage dans toute sa réalité, qui en assumant la contradiction du fantasme de la nature, impose une exigence sans cesse rappelée des formes (réservation, langues, les bonnes pratiques de l’œnotourisme, propreté, connectivité…).

Le Vin : un art de vivre

On fait du « lifestyle » pour composer sa vie. Avec le Post-modernisme, il ne se suffit plus de consommer et de produire, on cherche du sens. Une intéressante étude de TripAdvisor : TripBarometer montre que « la découverte de nouvelles cultures est un facteur plus important que la météo dans le choix d’une destination, avec des voyageurs désireux d’élargir leurs horizons et d’expérimenter quelque chose de nouveau, plutôt que d’aller simplement vers une destination ensoleillée

Ainsi, chaque individu devient artiste de son existence (plus Dionysiaque qu’Apollinien d’ailleurs !) et se crée une vie distincte de celle des autres, d’où l’essor des tendances comme la déco (personnalisation du chez soi), le voyage (accumulation d’expériences), du tatouage (hyper-personnalisation de soi).

L’usage du vin – surtout Outre Europe – procède du même phénomène ; les réseaux sociaux, tout en permettant l’expression de ce fait, témoigne de ce besoin de différenciation.

Dans le domaine du marketing en général mais particulièrement celui dédié à l’œnotourisme, cette remarque se caractérise par l’augmentation de la demande de prestations personnalisées, ce qui prouve bien ce souci de besoin de différenciation.

La dimension Culturelle du vin est le pivot plus ou moins visible d’une démarche qui englobe de nombreuses motivations mais qui reste la fondation d’un intérêt qui ne se dément pas.

Hannah ArendtLa crise de la Culture

** Natacha Polony : intervention dans Le Sens des choses, France Culture 29/07/2017 : « Le sucré, le salé et la fonction politique de l’alimentation »

L’œnotourisme est une activité Culturelle

Pour les winelovers du monde entier le vin est presque une autre religion, déguster devient une activité qui crée du lien et donne du sens.

La pratique mondaine et urbaine européenne s’est mondialisée avec les effets combinés de l’Internet, des transports très démocratisés et de la culture de la vigne sur tous les continents.

« Etre amateur de vin » pourrait se comprendre comme appartenir à une joyeuse secte (dont la signification serait « suivre » ) d’ hédonistes sophistiqués : nous voici dans l’internationale œnophile

Scène de vendanges sur un miroir Etrusque
Scène de vendanges sur un miroir Etrusque

Le vin est par définition culturel, l’œnotourisme l’est naturellement. Les agents du monde réceptif ne peuvent oublier cette dimension du vin, c’est la seule qui vaille, celle qui apporte la valeur ajoutée, qui justifie l’intérêt et l’effort (en temps, en argent) de voyager. Pour un amateur de Cabernet-Sauvignon, de Syrah ou de Chardonnay l’offre mondiale est pléthorique : ce n’est pas le type de vin qui va déclencher la décision, c’est l’univers qu’évoque le vin, plus l’esprit du vin que le vin lui-même.

 

Culture : définition*  « Ensemble des formes acquises de comportements, dans les sociétés humaines »

Agriculture : définition** « Culture, travail de la terre ». Le principe de Culture dérive du concept d’agriculture.

 

Utilisons une citation de Hannah Arendt *** pour illustrer ce propos : « Pour les romains, le point essentiel fut donc toujours la connexion de la culture avec la nature. Et le mot culture signifiait originellement agriculture, avant d’en étendre l’utilisation aux choses de l’esprit et de l’intelligence.  »

 

Il est intéressant de se pencher sur l’aspect polysémique du mot terroir qui comprend des concepts allant des conditions nécessaires à une production agricole au style de vie régional.

 

1 Le vin c’est l’histoire de l’humanité

Produit de luxe dès l’antiquité, le vin a toujours été un objet de consommation urbaine – les paysans ne buvaient que de la « piquette ». Progressivement, au moyen-âge le peuple a lentement intégré les pratiques nobiliaires, d’abord la bourgeoisie puis une population croissante au fur et à mesure de l’amélioration du niveau de vie. Puis avec l’émergence des classes moyennes, la consommation de vin augmente de façon importante  : il est devenu un usage commun pratiqué par tous sous deux formes :

  • 1 un vin quotidien simple et alimentaire
  • 2 un produit luxueux et rare.

 

D’une pratique élitiste au moyen-âge nous avons évolué vers une consommation de masse, cependant nous avons gardé la valeur prestigieuse lié aux notions de don et de partage, de rareté, d’exclusivité : le mythe persiste…

 

La part « Civilisation » reste fondamentale dans l’usage du vin, un peu comme dans un souvenir lointain de ces Grecs qui considéraient comme barbare celui qui ne savait pas boire le vin. Barbare était celui qui ne coupait pas son vin d’eau, comme les Gaulois qui buvaient à en tomber. Le Pharmacon (qui signifie remède et poison) et le Symposion (boire ensemble pour libérer la parole et mieux échanger) suppose un savoir être : savoir boire, c’est s’éduquer.

 

 

2 Le Sacré a disparu mais persistent encore des vestiges de ritualisation

Selon la tradition, l’homme est fait de terre et du souffle divin d’où l’inclination de nos semblables pour nos racines rurales oubliées.

Il y a peu, le quotidien était rythmé par des temps et des espaces profanes et/ou sacrés****. En France, le virage spirituel s’est opéré en 1789 avec la décollation du roi Louis XVI, personne Sacrée donc quasi divine, le quotidien divin n’existe plus et seul persiste le profane.

Le pressoir Mystique de la cathédrale St Pierre St Paul de Troyes
Le pressoir Mystique de la cathédrale St Pierre St Paul de Troyes

L’usage du vin a toujours été ritualisé, et la transsubstantiation chrétienne est une reprise des actes religieux antiques. Les religions à Mystère (le Dionysisme, l’Orphéisme, le culte de Mitrha…) font usage du vin et du sang pour révéler un secret, une initiation qui permettait une compréhension subtile du monde.

 

 

Nous retrouvons une fois de plus l’héritage de ces rituels dénués de leurs sens spirituel mais dont le champ sémantique reste similaire : nous parlons toujours d’initiation à la dégustation, de qualité subtile des vins, avec des usages ritualisés du service du vin qui se partage presque comme une communion et d’accès à la connaissance…

 

 

3 La valeur sociale du vin

Le vin porte indiciblement ces deux influences du spirituel et du mimétisme porté sur les classes aisées et cela reste profondément ancré dans nos codes sociaux. Tellement enfouis dans notre Culture latine que nous en sommes venus à l’exporter dans les pays du nouveau monde et vers l’Asie qui, à leur tour, se mettent à la cult(ure) du vin.

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Il suffit de passer quelques heures sur Instagram pour observer la vénération que portent les winelovers du monde entier pour quelques bouteilles précieuses dont les témoignages « postés » se partagent dévotement. Ainsi, poser un verre à la main devant une vigne pour un nord américain est chargé d’un sens qui n’est pas automatiquement évident pour un français : veut-il célébrer son voyage en « marquant le coup » ? Désire t-il montrer qu’il appartient à la caste des « connaisseurs » et des « civilisés » ? ou alors se différencier en utilisant un des totems dynastiques des gens « bien nés » ?

 

 

4 Le vin : c’est comme un iceberg

Il y a beaucoup plus que du raisin fermenté dans une bouteille … à l’image de ces personnages cultivés qui ne montrent qu’un visage commun mais qui rayonnent d’une profondeur qui les rendent magnétiques, le vin déploie un charme qui confine à l’envoûtement !

 

 

La Culture du Vin a une dimension évidemment Universaliste : qui s’intéresse au vin doit tôt ou tard se pencher sur de nombreuses disciplines comme la géologie, l’histoire, les sciences humaines, le langage, la gastronomie, la climatologie, l’histoire des religions, la biologie, l’écologie …

  • Est-ce l’attirance du produit lui même qui nous fascine ou tout son environnement culturo-sensoriel ?
  • Est-ce l’effet de l’alcool ou celui d’une pratique partagée, la sensation d’être privilégié (les rares initiés) en étant ouvert au monde par l’initiation ?

 

 

Le vin peut s’apprécier sur plusieurs registres : l’un purement hédoniste qui oscille entre les joyeuses libations d’un Dionysisme contemporain à un autre dont l’érudition amplifie le plaisir primaire. A l’instar du sommelier qui connaît toutes les qualités de millésimes, les propriétés de chaque cépage, les méthodes vigneronnes de chaque terroir … la connaissance le vin suppose la maîtrise de la dégustation et de la parole : tout un bagage intellectuel.

 

Déguster, parler du vin suppose l’acte en lui-même, boire, mais aussi implique la mobilisation d’une culture personnelle patiemment constituée !

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La partie visible, représente la combinaison des émotions immédiates (sensorielle, sociale, émotionnelle …)

La partie submergée évoque ce que l’amateur de vin a dû faire pour devenir ce qu’il est : les expériences accumulées, les lectures en général mais relatives au vin surtout, les formations, les rencontres, les voyages …

Ces accumulations intellectuelles et expérientielles forment un discours et un comportement spécifique : c’est en cela que les winelover pourront s’identifier parmi d’autres…

 

 

5 Ouverture vers une symbolique et une poétique du vin

Auparavant selon l’anthropologue de la nature Philippe Descola l’homme était la nature : selon les mythes fondateurs, nous sommes issus d’une même origine, les échanges entre les humains et les plantes/animaux étaient permanents.

 

Nous avons perdu le sens originel de la nature par la fonction économique d’échange de l’argent qui nivelle tout (les produits d’un même prix auraient une même valeur ?). Dans un monde basé sur le modèle libéral occidental (qui marque notre ancrage dans la nouvelle ère dite « anthropocène » ) et dominé par la valeur monétaire, les objets et les produits tendent à perdre leur charge symbolique représentée par le temps de réalisation, de tour de main, de rareté, d’origine, d’unicité, de difficulté.

 

Ainsi par extension les choses de la nature ont elle aussi un prix … mais que coûte un un très vieux chêne ? un muret du 19ème siècle, un vignoble en terrasse cultivé depuis toujours …

Dès lors, le sens complexe de terroir qui signifie le goût d’un pays mais aussi … l’identité locale et le savoir-faire, devient une quasi « marque » qui ajoute une valeur monnayable non négligeable.

 

Deux autres sociologues Luc Boltanski et Arnaud Esquerre parlent de l’économie de l’enrichissement :  « le passé valorise des marchandises à destination des plus riches » ! Ainsi la mise en scène de paysages viticoles par son storytelling et son aménagement touristique participe du développement de la valeur (image, prix, identification, idéalisation …) du terroir. La culture clairement apporte de l’intérêt, apprécie l’oeno-destination et son art de vivre régional.

 

Et c’est aussi parce que le vin est vivant (intéressant de noter la progression massive de la demande de vins bios & biodynamiques, de vins « naturels »), que l’oenotourisme peut être vu comme la métaphore de la quête de vie : un retour aux sources instinctif, dans un monde qui se pollue sans cesse davantage, aux modes de vie urbains et addictifs, aseptisés, sans saveur.

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Une valeur nouvelle apparaît, celle du lifestyle et, avec la globalisation des émotions, se forme des communautés aux styles de vie reconnaissables : celle des hédonistes amateurs de vin est l’une de ces expressions les plus visibles.

 

 

C’est à la valeur immatérielle du vin et celle de son imaginaire que l’on doit l’engouement pour cette nouvelle branche du tourisme qui se nomme œnotourisme. Ce puissant moteur déclencheur de réservation doit être pris très au sérieux : l’aspect culturel du vin, même s’il n’est pas ou peu énoncé par le visiteur, reste l’axe principal de sa motivation.

 

Nous sommes alors dans le domaine du softpower, du domaine de l’influence : un centre de référence autour de la pratique du vin qui se situe entre idéalisme, rêve, besoin d’élévation et plaisir.

Cette pratique du vin, instinctive et sui generis dans les pays Européen, est un objet d’ambition et d’admiration pour les non-européens, depuis que le vin s’est  mondialisé.

 

 

6 La France et l’Europe : un avantage concurrentiel important

L’Europe est le continent du vin, l’histoire et le patrimoine en témoignent, les vignobles se sont installés sur des voies d’eau pour expédier plus facilement des matières pondéreuses vers des marchés assez éloignés. Cela a contribué à façonner un goût, une approche, un art de vivre qui reste considéré comme un modèle archétypal.

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Cependant, « Le jugement de Paris » en 1976, adapté au cinéma sous le nom de Bottle Shock, relate la domination des vins Californiens sur les vins Français lors de dégustations à l’aveugle, résultats confirmés à d’autres reprises quelques années plus tard.

 

Le coup est dur ! Pourtant l’imaginaire collectif autour des vins hexagonaux résiste particulièrement bien, et les vins de France par, leur images, dominent largement ceux des Etats Unis.

 

Le mythe paie…

 

 

*Le Grand Robert 6 volumes – volume 2 page 901

**Le Grand Robert 6 volumes – volume 1 page 277

*** Hannah ArendtLa crise de la Culture

****Myrcéa EliadeLe Profane et le sacré

*****Roger Dion : Histoire de la vigne et du vin en France

 

 

Clé du succès en oenotourisme : la qualification de la demande

En matière de positionnement et de ciblage clientèle, le marketing touristique tend à s’intéresser à la richesse du pays émetteur, son PIB est l’un des paramètres majeurs.

 

Cela s’applique aussi au tourisme du vin dont la pratique concerne des cibles à haut pouvoir d’achat. Cependant le taux de croissance, en matière d’oenotourisme, est loin d’être suffisant pour qualifier la demande d’un pays émetteur. Le niveau de développement culturel me semble un des moyens les plus fins pour apprécier le niveau d’attente d’un client.

 

L’univers professionnel ainsi que le niveau d’étude peuvent être de bons indicateurs. La prise en compte sociologique des comportements d’achats est indispensable pour la promotion de l’oenotourisme !

 

 

Le vin n’est pas un produit comme les autres. 

L’usage quotidien du vin en France nous a un peu éloigné de la pratique du vin comme marqueur culturel. Hors Europe, consommer du vin, déguster telle appellation et avoir une cave en dit long sur l’art de vivre et donc sur l’idée que l’on se fait de l’altérité.

La fête du vin à Séguret

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au delà du pouvoir d’achat, l’amateur de bon vin montre sa relation au monde, la manière qu’il a de construire son existence en choisissant la voie de l’hédonisme et de la culture universelle du vin. Matt Kramer, chroniqueur au Winespectator parle de « wine of affection » pour signifier le rapport irrationnel ou émotionnel que l’on peut avoir avec le vin.

Aimer le vin suppose de s’intéresser à tout ce qui se rapporte à son élaboration (agriculture, climatologie, géologie, vinification) à sa consommation (dégustation, analyse sensorielle, accord mets et vins) et les aspects humains (l’histoire du vin, la convivialité, le dialogue et le partage).

 

 

Ainsi le vin, pour beaucoup devient un totem, un symbole existentiel qui va orienter une vie. On entre dans le vin comme on entre en religion. Ce choix identitaire semble anodin pour un français, qui comme Obélix « est tombé dedans quand il était petit », il n’en va pas de même pour la plupart des pratiquants extra-européens.

 

Les Paysages viticoles sont porteurs d’un imaginaire très valorisant pour le territoire

 

Maurice Galy dans son mémoire de psychologie indique que « tous les milieux influent sur la psychologie des individus. Ils ont d’autant plus d’actions qu’ils sont plus puissants »**. Ainsi une psychogéographie définie par Guy Debord « se proposerait l’étude des lois exactes, et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus ».

 

L’étude de l’histoire du vin nous montre que les bons vins (très onéreux) n’étaient destinés qu’aux nobles et aux grands bourgeois. Le vin s’est fortement démocratisé au XXème siècle mais l’idée de consommation élitiste reste du même ordre dans les pays du Nouveau Monde et en Asie.

 

Pour preuve les grandes stars d’Hollywood ou du sport qui investissent dans les vignes comme Coppola à Sonoma Valley, Yao Ming, joueur Chinois au club NBA de Houston, crée sa winery à Napa Valley. Ce phénomène s’intensifie en Chine où la célèbrissime actrice Zhao Wei a acheté deux domaines à Saint Emilion et Fronsac. Dans ce même article, Madame Lui Xiangyun Kok parle en terme très personnels du vin rouge français « … de son charme historique, de sa culture et de son potentiel de développement … » Brad Pitt et Angelina Jolie en Provence ont endossé le rôle de vigneron, succès promotionnel pour les vins de Provence avec la une du Winespectator titrant Jolie-Pitt & Perrin : superstars in Provence.

 

 

L’image du vin est un fabuleux levier promotionnel, les étrangers investissent en Europe dans nos vignobles pour redorer leur blason ou augmenter leur popularité. C’est une constante historique, le peuple a toujours imité les grands, ainsi l’histoire des vins noirs de Bordeaux (l’ancêtre de notre vin rouge contemporain) fut choisit par la fine noblesse Londonienne pour se démarquer des modes de consommation d’alors, ce qui lança une nouvelle façon de faire le vin, qui passa du Claret (un rosé foncé) au rouge issu de longue macération*.

 

Il y a DES tourismes du vin.

Vendre de l’oenotourisme est une activité de « Prêt à Porter » voire de « Sur Mesure » mais sûrement pas une activité de « Gros » ou de « GMS ». La qualification du client est essentielle dans ce marché qui n’est fait que de niches.

 

Les représentations du vin sont tellement variées selon les origines ; les offres soit en terme de destination (couple territoire/services) soit en terme de profil de vin ne peuvent être complètement standardisées (à l’image des métiers de l’hôtellerie, par exemple). Le caractère anomal du vin (achat toujours considéré comme exceptionnel) nécessite un accompagnement : la floraison de site d’avis et la multitude de forum montre bien la demande de conseil.

Le château La Nerthe s'oriente vers un accueil raffiné orienté vers une clientèle plutôt haut de gamme
Le château La Nerthe s’oriente vers un accueil raffiné orienté vers une clientèle plutôt haut de gamme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le consommateur achète son voyage viticole comme il pratique le vin : un français de classe moyenne visitera une cave en été et achètera quelques cartons dont le prix des cols oscillera entre 7 et 15€ et il s’attendra à avoir une certaine convivialité. Un américain de niveau social équivalent ne s’intéressera qu’aux bouteilles de plus de 20€, n’achètera presque pas sur place et sera en demande d’un niveau de service plus soigné.

 

Imaginez les combinaisons infinies d’attentes (un groupe d’étudiantes Japonaises, un couple de Brésiliens retraités, un Néozélandais backpacker en voyage pour deux mois … et une jeune oenologue chinoise qui ne décline pas son expertise dans le vin par timidité…).

 

La clientèle aisée est aussi plus cultivée et dispose d’un éventail lexical plus raffiné et est susceptible de comprendre facilement les nuances territoriales et ethnologiques qui font le terroir.

 

Il faudrait bien pourtant instaurer un système qui simplifierait l’adéquation offre/demande ! La demande croissante dans ce segment du tourisme, la tendance simplificatrice et assez hégémonique des process informatiques et d’internet dans la distribution touristique poussent à la standardisation.

 

 

Il est illusoire de penser trouver des solutions qui uniformiseraient l’offre, d’ailleurs les visiteurs n’y trouveraient pas d’intérêt, ils s’attendent à découvrir la France avec ses particularités. Cependant, il n’est pas interdit d’imaginer une standardisation des comportements et une rationalisation des métiers de l’accueil. L’enjeu est d’ordre humain, il faut placer la relation client au centre de la démarche globale : quelle que soit son origine le touriste est un individu qui désire être interpellé pour ce qu’il est et non pas pour ce qu’il apportera au tiroir-caisse.

 

Il faut instaurer la notion de service comme le premier des 10 commandements de l’oenotourisme et mettre en place des dispositifs de distribution (information lieu d’achat, expédition, newsletter et réseaux sociaux … ) capables de fidéliser : faire de l’oenotourisme n’est pas du domaine du one-shot !

 

Comme nous l’avons plus haut, les leaders d’opinions (lords Anglais au XVIIIème siècle, stars du cinéma, investisseurs Chinois actuellement) sont des sentinelles du marketing de demain, ils montrent la voix des modes futurs de consommation.

 

 

Activité à part entière, le tourisme du vin ne pourra réellement prendre son essor qu’au prix d’un investissement dans le marketing relationnel en misant sur des stratégies d’accueil durables et en investissant sur la formation, seul moyen pour s’adapter à un marché polymorphe et instable mais très structurant pour l’industrie viticole. Il faut y voir une réelle opportunité d’utiliser l’accueil au domaine comme vitrine d’un savoir-faire spécifique et support très puissant d’image, de notoriété et de moyen de séduction d’une clientèle de plus en plus sollicitée.

 

 

* Histoire sociale et Culturelle du Vin – Gilbert Garrier – Bordas Cultures – p 107

** La forêt dense. Son influence psychologique sur l’individu – Maurice Galy – mémoire de psychologie coloniale, École coloniale, 1931.

Oenotourisme : focus sur le Languedoc

Diagnostic
Le Languedoc Roussillon souffre d’une image qui n’est pas assez forte pour attirer un tourisme de luxe à forte valeur ajoutée. Atout France* dans son document qualifie le Languedoc de région perçue encore comme un peu « brute » aussi bien sur le plan touristique que viticole ».

 

 

Les vins du Languedoc Roussillon – qui qualitativement appartiennent au cercle des grands – n’ont toujours pas conquis la renommée qu’ils méritent : ce sont plus des vins de curieux que de consommateurs traditionnels.

L’œnotourisme peut cependant participer à l’évolution qualitative du tourisme.

Les produits d’œnotourisme correspondent à la clientèle csp + susceptible de consommer plus et sur des niveaux de gamme supérieurs.

 

 

Le patrimoine et l’histoire viticole très riche ne sont pas tellement valorisés. Le Languedoc Roussillon possède pourtant l’une des histoires les plus riches de France avec la découverte de la Pasteurisation dans la région de Mauguio, l’apparition du phylloxera dans le Gard, identifié par le professeur montpellierain Jules Planchon, la visite du futur président américain Jefferson, l’Eldorado du vin fin 19ème entre Pézenas et Carcassonne, la découverte de la macération carbonique par Flanzy à Narbonne, les événements de 1907 qui induisent le principe d’appellation moderne et du service de répression des fraudes, la coopération viticole…
L’un des volets les plus remarquables est l’existence d’une architecture viticole spécifique, principalement construite avant 1914 ou entre les deux guerres : des chais et entrepôts, des grands châteaux.

L'abbaye de Valmagne en automne, l'un des grand centres de l'oenotourisme en Languedoc
L’abbaye de Valmagne en automne, l’un des grands centres de l’oenotourisme en Languedoc – crédit photo : Abbaye de Valmagne

 

 

Cette richesse reste trop souvent en friche. Témoignage à la fois culturel et intellectuel, et donc difficile à exploiter sans prendre son temps (pas assez spectaculaire), elle nécessite une valorisation par une médiation spécifique – livre, guide touristique, visite des lieux, organisation du discours…

 

 

En comparant avec les 2 autres grandes régions voisines : Provence et Aquitaine
La Provence bénéficie d’une très forte notoriété touristique et deux très grands crus attractifs, principalement à l’international : Bandol et surtout Châteauneuf du Pape.
L’Aquitaine – qui a une énorme notoriété viticole, a compris très tôt l’intérêt de la valorisation architecturale et patrimoniale en valorisant St Emilion (UNESCO) ou les grands châteaux du Médoc…

 

 

Objectif : vers une clientèle internationale
Pour attirer une clientèle œnotouristique à fort pouvoir d’achat de comportement « luxe » :

  • il faut des grands vins « célèbres »  qui ne correspondent pas uniquement à la catégorie vin de garage (micro cuvée fabuleuse mais malheureusement très rare et onéreuse).
  • il faut un environnement entretenu et valorisé, « riche », l’impression de pauvreté repousse.  Les villages Languedociens ont le même potentiel patrimonial et climatologique que les villages provençaux, mais ils souffrent de ce type de préjugé.
  • il faut une région active, le monde attire le monde, avec des services de niveau international : hôtellerie / restauration, prestations touristiques et des animations, sentiment de sécurité, d’harmonie esthétique globale, une logique de service à standard international (ne pas attendre pour se faire servir, langues parlées, manger à toute heure, propreté…)

 

 

En Languedoc Roussillon, seule la ville de Montpellier commence à avoir ce statut attractif dans les standards internationaux.
La difficulté réside dans le fait que les vignobles qualitatifs sont loin des centres urbains, où la ruralité – ancrée dans sa propre sociologie – a du mal à proposer des services correspondants au standard international. Nous observons également une rupture territoriale entre les vignobles d’arrière-pays plus porteurs d’image qualitative et les autres plus proches du littoral à la notoriété moins reconnue.

 

Nous manquons d’ambition également, notamment en termes tarifaires. Les prix des vins sont adaptés au marché national, pour de nombreux visiteurs non Européens, un vin correct commence à 20€, le vigneron doit pouvoir proposer une gamme comportant des vins allant jusqu’à 100€. Dans la psychologie de la clientèle, le prix est toujours un reflet de la qualité.

 

 

Cela pose des problèmes en terme de gestion du temps : être obligé de consacrer une journée à rouler pour découvrir une cave un peu trop « rustique » fait perdre l’avantage du désir de découverte. Le ratio désir satisfait / moyen en temps / argent / confort n’est pas favorable.

Cela pose des problèmes en terme de gestion de savoir-faire : il faut des intervenants (hôtesses, guides, agents de comptoir, agences de voyages, réseau de caves, restaurants, hébergements) d’une compétence élevée en terme de langue, de comportement et de professionnalisme.

 

 

La spécialisation des zones
Actuellement les vignobles proches de Montpellier correspondent potentiellement à un développement de standard international : Pic Saint Loup et Grès de Montpellier (moins d’une heure de trajet en voiture). Le client part de grands centres urbains pour des séjours allant de 2 à 5 jours, le budget temps est capital pour calibrer l’offre.

La zone Piscénoise, avec son potentiel patrimonial, ses riches terroirs, la densité des domaines viticoles, ses axes de communication aisés et surtout les initiatives locales privées (Abbaye de Valmagne, les domaines Paul Mas …), constitue un deuxième centre à fort potentiel d’œnotourisme haut de gamme.

 

Château Paul Mas près de Pézenas offre des prestations de services touristiques intégrées -
Château Paul Mas près de Pézenas offre des prestations de services touristiques intégrées –

 

L’ouest Languedocien reste encore à valoriser, l’exemple du Château des Carasses constitue le premier pas d’un maillage en cours de constitution.

Selon ces constatations (l’homme a horreur du vide), les autres terroirs Languedociens ne possèdent pas actuellement de leviers suffisamment forts pour attirer ce public.

 

 

Des hôtels 5* et des restaurants Michelin 2* et 3* peuvent être un moyen de fixer cette clientèle (extra-européenne) à la condition, qu’en parallèle une offre de services (accueil de qualité dans les caves, chauffeurs-guide, villages attractifs, agences réceptives spécialisées, animations / événements … ) soit facilement disponible. Le réseau des chambres d’hôte de charme, plus richement développé sur ces territoires, peuvent représenter un point de départ pour amorcer un virage qualitatif en profondeur.

 

 

Un profil avide d’expérience mais exigeant
Les amateurs de vins outre-atlantique, à fort potentiel économique, sont de très bons prescripteurs dans leur pays d’origine (une constante de l’histoire : on imite les « riches »). Ils constituent un réservoir de clientèle potentielle, amoureux de la Culture Européenne et saturé de Provence et de Toscane. Ils savent que le Languedoc est comme un paradis pour wine lovers mais cette destination – d’un point de vue œnotouristique – leur apparaît complexe de prime abord.

 

Les Carrasses propose une offre haut de gamme sur la thématique vin : un modèle à suivre
Les Carrasses propose une offre haut de gamme sur la thématique vin : un modèle à suivre

 

Cependant il faut pouvoir répondre à la demande sans cesse croissante de plus d’ancrage, de bien être et de sécurité. La demande de services TIC (technologie de l’information et de la communication) est à prendre en compte, sujet particulièrement délicat dans les zones rurales concernées. Cette clientèle – habituée chez elle à un niveau de service autrement élevé – apprécie la notion de « sur mesure », les agences réceptives peuvent apporter cette dimension avec en complément la sécurisation mentale du risque nul. C’est une catégorie de visiteur qui sait apprécier le supplément d’âme délivré lors des services et elle très sensible à la valeur émotionnelle des prestations.

 

 

Nos territoires doivent pouvoir évoluer d’une clientèle Française, avec seulement 34% d’étrangers, essentiellement Européens (42,7% PACA)*, vers une clientèle mondiale, qui voit la France comme un modèle viticole et de qualité de vie.

 

 

Une nouvelle donne
Enfin, le Languedoc Roussillon est un trait d’union entre l’ouest avec Barcelone, centre très attractif touristiquement, non loin du vignoble de Priorat (qui devient l’un des grands noms des vins mondiaux) et le Bordelais, lieu historique de l’œnotourisme en France ; et l’est, la Provence et Châteauneuf du Pape qui jouissent d’une très forte estime internationale.

 

 

L’économie subit une crise profonde. Une étude de la DGCIS** apporte une analyse documentée des glissements comportementaux face à la consommation. La quête d’une clientèle étrangère donne l’avantage de répartir les risques en travaillant avec des visiteurs qui ne connaissent pas la crise.
Tous ces facteurs constituent une formidable opportunité pour orienter le marketing territorial du Languedoc vers une démarche œnotouristique haut de gamme.

* source Atout France : « L’oenotourisme, une valeur sûr à exploiter »

** Direction Générale de la Compétitivité de l’Industrie et des Services « Nouvelles perceptions de la valeur des offres touristiques – 2010 »

Œ = P / CA

Si l’œnotourisme est une réalité, soulignée par une demande sans cesse croissante, cette branche touristique ou ce nouveau métier du vin a une matérialité économique.

On pourrait la traduire sous forme d’équation : Œ = P / CA

 

 

Explicitons cette formule :

P pour plaisir, la projection du client, sa soif d’apprendre et de développer de nouvelles capacités sensorielles ; mais aussi rencontrer de nouvelles cultures et les personnes qui les portent, partager avec des amis ou créer des camaraderies de transit. C’est l’élément déclencheur, c’est la demande, c’est la partie dynamique qu’il faut pouvoir apprécier et qualifier.

CA symbolise le Chiffre d’Affaire et toutes les stratégies pour réaliser la rencontre avec la demande. Pour finaliser un rêve, un long réseau d’intervenants se succèdent comme ces alignements de dominos qui basculent l’un après l’autre : une action entraîne une réaction en chaîne pour aboutir par une visite de cave.

 

 Le travail des agences de voyages : le passage du rêve à la réalité

La difficulté du tourisme réside en la captation de cette demande fluide et labile : elle est polymorphe et multiple.

Le tourisme, qui consiste à proposer des services liés au conforts, aux déplacements, à la sécurité, aux animations, trouve l’essentiel des impulsions de décisions dans les sphères psychologiques, culturelles, expérentielles.

Ce mix Client comportemental traduit toute une mécanique pragmatique pour valider des choix et fixer les détails qui mettront en relief le rêve initial. Cette mise en branle a un coût, souvent soumis au client par une accumulation de pourcentage, que chaque maillon de la chaîne rajoute pour constituer l’offre finale.

 

 

Prenons un exemple de la complexité pour la mise en place d’un produit oenotouristique  : un groupe d’amis de Vancouver désire visiter un vignoble de Provence. Ils sollicitent leur agence émettrice habituelle au Canada. Celle-ci fait une demande à son correspondant Londonien (autre agence de voyages plus spécialisée sur la destination Europe) qui  contactera une agence réceptive en Provence. Cette dernière constituera l’ébauche du produit qui peut comprendre un hébergement, de la restauration, des transports, du guidage, des choix de visites…

 

info point wine tourist
info point wine tourist

 

Il faut aussi considérer les va-et-vient entre les agences pour finaliser l’offre. On le comprend bien, aux coûts réels des prestations, chaque agence prendra sa marge correspondant à un travail effectif de recherche, de réservation, d’administration. De telle façon qu’un prix en France peut être largement multiplié en fin de chaîne.

 

 

Depuis l’explosion de l’usage de l’Internet, il est possible de raccourcir ce processus et l’on peut imaginer que le client de Vancouver contacte directement l’agence réceptive provençale. Il en résulte deux possibilités, qui ne sont pas en opposition : le client économise grâce à la suppression des coûts intermédiaires, l’agence réceptive peut vendre dans de bonnes conditions tout en restant compétitive.

 

 

Des réductrices d’incertitudes !

Mais pour le client, il y a un prix psychologique qui réside dans la recherche et se traduit par une prise de risques et une perte de temps, par l’obligation possible de choisir des services standardisés.

 

 

Pour l’industrie du Tourisme, la variable qualité dans ce processus est basée sur la notion de fiabilité, la parole tenue, la régularité dans le standard assuré. Les prestataires seront jugés surtout en fonction de ces caractéristiques primaires.

Viennent ensuite les notions de compétences techniques, de disponibilité, de prix qui sont essentielles mais secondaires.

 

 

L’utilisation de tous ces paramètres sur le curseur qualitatif va caractériser un type de produit touristique : sur le papier, un package de deux nuits à Aix en Provence puis deux autres en Avignon, avec des visites dans les terroirs de Bandol, des Coteaux d’Aix puis de Gigondas et Châteauneuf du Pape, ressemble à un autre avec le même contenu, pourtant la prestation une fois terminée pourrait être diamétralement opposée et appréciée selon les choix des prestataires et l’attention portée par les réceptifs au bon déroulement du séjour : il y a un mot pour cela, le professionnalisme !

 

C’est ainsi que les intervenants du tourisme (l’œnosystème) recherchent avant tout les compétences d’accueil au moins autant que la qualité des vins pour des visites de cave.

Les agences de voyages œnotouristiques sont des réductrices d’incertitudes !

L’Œnotourisme : marché francophone versus marché international ?

Le défi de l’œnotourisme comme celui des secteurs du vin et du tourisme : c’est l’export !
Les deux marchés (vin et tourisme) sont en pleine expansion à l’échelle mondiale. La France est leader dans les deux domaines, je ne suis pas certain que nous le soyons dans l’œnotourisme ?
Le monde du vin pense l’œnotourisme à l’échelon français ; le monde du tourisme pense l’œnotourisme de façon beaucoup plus globale et internationale.

Recevoir des visiteurs étrangers, c’est exporter, c’est faire rentrer des devises.

Sans s’en rendre compte, le vigneron fait de l’exportation en vendant une bouteille à un Brésilien de passage. A son niveau – détaillant – à la cave, cette vente modeste ne changera guère le bilan de la journée, cependant, en cumul, l’ensemble des cols vendus lors d’une saison touristique est tout à fait considérable.

Nous pouvons considérer qu’en moyenne une bouteille peut être achetée par chaque visiteur étranger, autant d’unité « exportée ». Il s’agit d’une exportation « statique », mais réelle.

bouchon-capsule

En prenant du recul, à l’échelon de l’appellation, les chiffres peuvent être appréciables, très significatifs au niveau régional, stratégiques en cumul national.
Il n’existe malheureusement pas d’étude officielle, et pour cause…

En se projetant dans une perspective de communication, cet acte de vente est très important : cela permet aux visiteurs de mémoriser des logiques de productions/appellations, efficaces au stade de la production, mais très complexes pour eux à comprendre. Cela explicite les styles de vin de nos différentes hiérarchies locale, régionale et nationale.

L’achat fait pendant le voyage touche à l’aspect vécu/émotionnel, en activant la mémoire affective et fonctionnera en faveur d’un rachat probable dans son pays d’origine. Cette bouteille, ramenée à Sao Paulo sera ouverte religieusement et offerte aux amis dignes de l’apprécier. Le bouche à oreille fonctionne aussi à 10000 km de là !

Dégustation chez Ogier à Châteauneuf du Pape
Dégustation chez Ogier à Châteauneuf du Pape

Si le vigneron a déjà créé un réseau de distribution dans ces pays lointains, cette prise en compte du comportement consommateur dynamisera ses ventes au Brésil.
Dans le cas contraire, le client/touriste par ses recherches dans son pays (demandes auprès des détaillants chez lui, sites de vente…) préparera les futures démarches d’exportation et aidera au succès commercial.

Non seulement cette posture favorise la marque du vigneron, mais cela diffuse l’image d’un savoir-faire. Cela participe à la fois de la promotion d’une région viticole et d’une destination touristique du Médoc ou de la Champagne par exemple : nous sommes gagnant/gagnant. Les industries du tourisme et du vin sont des partenaires de fait : nos clients sont les mêmes.

Qui a dit qu’un vol de papillon dans l’hémisphère sud pouvait déclencher un ouragan dans l’hémisphère nord ?

L’expérience est l’élément moteur de l’œnotourisme

L’expérience est la principale motivation de l’œno-curieux : goûter – voir – rencontrer – apprendre – échanger – acheter sont les motivations majeures.

Bien entendu le vin est le sujet principal. Goûter et comparer des vins est une grande opportunité de prendre place et grandir dans ce monde si difficile d’accès : ainsi faire une mini verticale (dégustation du même vin sur plusieurs millésimes) – chose simplissime pour tout professionnel du vin, devient l’objet d’un rêve pour beaucoup.

 

Il faut offrir aux visiteurs une occasion d’expérimenter…

Pouvoir découvrir différents vins d’une même appellation sur un même millésime est une autre façon pour comprendre un terroir ou le travail des vignerons. Les possibilités en matière de dégustation sont larges, il est possible d’ouvrir sur les cépages, les millésimes, l’élevage…

L’idée n’est pas de fournir trop d’informations mais d’éclairer le client et répondant à son désir (pas toujours explicité).

 

Voir (et/ou photographier) est l’un des autres intérêts  du voyage viticole : « l’interprétation du paysage » reste la meilleure manière d’introduire les notions de terroir et de savoir-faire locaux. Mettre le visiteur en situation, les pieds dans la terre, en bas puis en haut d’un coteau lui permettra de comprendre, bien plus facilement qu’avec des mots, et appréhender les nuances d’un terroir et du métier de vigneron.

 

La dimension humaine du vin est sûrement celle qui reste la plus négligée, sans doute parce qu’elle va de soi. Rencontrer est un ressort important qui doit être amélioré dans le domaine de la promenade viticole. Pas étonnant que les organisateurs de voyages incentive ont été les premiers à creuser cette piste. Des petits groupes d’amis, des voyages en famille sont aussi l’occasion d’escapades bucoliques.

 

N’oublions pas l’effet positif du vin pour faciliter les rapprochements, à tous les niveaux, professionnels, interpersonnels…

Faire une expérience : ici, au châteaut Mont-Redon à Châteauneuf du Pape
Faire une expérience : ici, au château Mont-Redon à Châteauneuf du Pape

Apprendre semble une évidence avec le vin ! Souvenons nous de l’adage « les voyages forment la jeunesse » : il y a de la métamorphose dans un voyage, cela permet de se découvrir, dans un milieu différent, avec de nouvelles situations et des émotions jamais vécues.

 

Voyager est un choc de Culture

Le vin est lié à la parole, il la libère d’ailleurs, cela favorise la notion d‘échange, incontournable dans le monde internationalisé du tourisme, une évidence dans celui du vin. Partager des sensations, mettre en perspective des terroirs, devient vertigineux quand il y a choc des cultures. Dans un mini groupe constitué d’individuels d’origines différentes, de nombreuses interactions peuvent se créer et colorer la perception de la prestation.

 

Enfin, Acheter, est un plaisir et un aboutissement. C’est la promesse de la prolongation de l’expérience, c’est l’appropriation symbolique du lieu, c’est aussi un acte de reconnaissance ou de remerciement.

On peut parler de réelle frustration, lorsqu’un visiteur de Seattle ou de Singapour ne peuvent acheter plus de 1 ou 2 bouteilles pour cause de réglementation aérienne. En aménageant un coin boutique dans le caveau, le vigneron pourra, en plus de stimuler son CA, répondre à l’attente du client et renforcer fortement l’image de la marque.

 

 

Le marketing émotionnel est une autre façon de nommer le marketing experientiel. Cette discipline recouvre la réalité vécue du client et sa mise scène, en lui faisant vivre des expériences uniques, en « théatralisant » le lieu de vente, en lui promettant « vins et merveilles ».

On se désintéresse du consommateur !

« Parfois, j’ai l’impression que le monde du vin dans son ensemble, déteste le consommateur. Ou du moins s’en désintéresse » dit le journaliste Robert Joseph*. Gary Vaynerchuk** enfonce le clou en disant :  » Producers are sticking their heads in the sand  » (Les producteurs ont la politique de l’autruche)

Ces affirmations un brin provocatrices touchent une certaine vérité, qui pointent la réalité terrienne du vigneron, concentré sur ses objectifs productifs. Nous ne pouvons pas le lui reprocher !

 

Notre point faible : le faire-savoir !

Cependant, la faiblesse du vin en France réside, non pas dans le savoir-faire, mais dans le faire-savoir, vendre et promouvoir : nous touchons là la racine de la réalité économique du vin en France.

Nous sommes leader en volume, en CA, en image et pourtant les nouveaux producteurs comme l’Argentine et la Nouvelle Zélande se montrent plus habiles en terme d’évolution commerciale, l’Espagne est sur le point de nous dépasser.

 

Voilà une vérité existentielle d’un pays qui frôle l’autisme : un pays artiste, innovateur et esthète qui reste replié sur lui-même, obtus aux langues étrangères, peu enclins à s’intéresser à d’autres mondes…

Le constat date un peu, mais cela teinte toujours un fond d’opinion réel.

Faire du vin et accueillir des visiteurs : deux métiers qui peuvent se combiner
Faire du vin et accueillir des visiteurs : deux métiers qui peuvent se combiner

Non content de gloser sur le monde du vin, Monsieur R. Joseph précise  » De plus, les vignerons croient que les gens viennent visiter un domaine pour acheter du vin, mais pour une grande part des gens ce n’est pas vrai ! […] Ce qu’ils recherchent, c’est de passer un bon moment ! « .
L’assertion est forte mais là encore on s’approche de la réalité. A l’exception d’une certaine catégorie de collectionneurs de vin, d’amateurs confirmés, peu nombreux sont les visiteurs qui cherchent à remplir leur cave.

 

Certes, verser des canons à des touristes pingres et incultes peut repousser. Pourtant ces oenotouristes ne représentent qu’une minorité des passages. Globalement, favoriser la fréquentation du caveau représente une énorme opportunité de dynamisation pour le domaine, l’appellation, l’économie du village et l’ensemble de la chaîne du tourisme local, intimement imbriqué.

 

Faire de l’accueil, c’est s’ouvrir au monde !

En développant l’accueil, « de vigneron, homme de la terre, on devient commerçant » dit Alexandre Monmousseau, du Château Gaudrelle dans l’Indre et Loire, avec les mêmes contraintes que tous commerces (communication, disponibilité, professionnalisme, rapport prix/service), en entrant dans cette logique, il se doit d’accepter les règles implicites du marché : de la concurrence, de la versatilité de la clientèle, des obligations du moment (internet et réseaux sociaux…).

 

Les avantages sont conséquents. Il n’y a généralement pas de coûts de location : les locaux sont intégrés dans les murs du domaine, les marges sont plus confortables en évitant les intermédiaires et donc les coûts de distribution, cela permet l’augmentation de la visibilité, l’élargissement du fichier client, l’amélioration de l’image et fidélisation de la clientèle tant au niveau national que international. Pour les vignerons exportateurs, l’opportunité de promotion est bien réelle.

 

Il faut être conscient que les visiteurs ont fait le déplacement, quelques centaines de kilomètres pour les Français et Européens, des milliers de kilomètres pour de nombreux autres qui ont fait le choix de franchir les barrières de la langue et de l’ignorance pour ouvrir les portes : on leur doit bien un minimum de courtoisie et d’hospitalité, qui sera récompensé d’une façon ou d’une autre.

 

Cela vaut bien une petite remise en question en matière de savoir-être ainsi qu’une adaptation au marché.

 

* Robert Joseph est journaliste anglais pour Decanter, Meininger, écrivain de guides de vin et d’oenotourisme , expert en marketing, créateur de concours du vin…

**Gary Vaynerchuk est wine blogger américain sur http://tv.winelibrary.com/

Vin des villes, vin des campagnes

L’histoire de l’homme a passé un cap en cette fin de XXème siècle, nous sommes maintenant des homo urbanicus. Il y a une rupture importante avec le monde rural et le savoir instinctif de nos anciens, qui en toute certitude, regardaient le ciel pour connaître le temps qu’il fera le lendemain !

 

L’œnotourisme est avant tout un tourisme urbain

En lisant tecnovino.com on découvre que »Une grande partie du marché et de la consommation de vin se concentre dans les villes. Au total, 54,9 % de la population mondiale vit dans des villes, une proportion très supérieure dans les pays principaux consommateurs un vin : 83 % des Anglais, 82 % des Américains, 80 % des Français, 80 % des Espagnols et 77 % des Allemands vivent dans des villes et achètent et boivent son vin dans celles-ci ».

 

L’œnotourisme est plus que jamais un prétexte pour partir à la découverte de campagnes éloignées, comme pour se ressourcer instinctivement, sur les traces de nos ancêtres.

La mythologie du paysan rustique et généreux hante toujours les visiteurs, pour preuve les cartes postales  montrant un paysan vêtu archaïquement, béret et bacchantes, toujours très présentes dans les maisons de la presse … l’image d’Epinal fait partie du rêve touristique.

 

Les codes de la ruralité se perdent, les visiteurs y vont en talon, en costume de ville, à la mode du moment…Quels décalages parfois entre un jeune Nippon aux cheveux rose en promenade dans un marché provençal !

On se déplace avec nos coutumes…le citadin en reste un, quand il se dépayse dans le monde viticole : ne l’oublions pas.

La visite des vignobles concerne une clientèle essentiellement citadine !
La visite des vignobles concerne une clientèle essentiellement citadine !

L’être humain est un paradoxe permanent : il veut de la campagne qui possède les caractéristiques de la ville. Un exemple parmi d’autre, l’AOC Costières de Nîmes, qui a créé l’événement Nîmes Toqué de rues en rues et de chefs en chefs. Ce grand moment œno-gastronomique, se situe en ville pour capter une clientèle fixe qui ne se déplace pas.

L’ennui et le vide l’effraient, il est habitué à la propreté (sans boue ni poussière) et au rythme du trafic, le silence l’assourdi, le manque des services dans les villages le rebute : pour ces raisons les paysages agrestes attirent mais constituent une limite à une fréquentation étalée et assidue.

 

La déconnexion se voit à l’attitude des Pékinoises qui font des bonds de cabri quand elles voient des criquets dans les champs de lavande, ne supportent pas une mouche dans l’habitacle de voiture, font des quasi crises de panique quand une guêpe les approche.

 

La ruralité fait peur : il faut la montrer, l’expliquer. Peu nombreux sont ceux qui comprennent la nature : qui peut dire pourquoi un saule ne pousse pas aux côtés d’un chêne vert ? Personne ne voit l’évidence des villages construits au versant sud pour moins souffrir du froid !

 

La ruralité est déserte : il faut l’animer ! Le contraste est séduisant au premier abord, mais la sensation disparaît vite dès lors que l’absence de services se précise (pas de sanitaires publics, pas de boulangeries ouverte après 13h, pratique de l’anglais inexistant…). Le tourisme ne peut croître que s’il dispose de moyens d’attraction, les villages viticoles ne peuvent compter uniquement que sur la présence de caves.

 

Un souvenir me reste, qui me semble bien illustrer cette contradiction du visiteur : lors d’une visite de cave dûment réservée, le vigneron arrive à l’heure, vêtu d’un bleu, pris de retard par un problème inopiné. Ils s’absente pour se changer et revient rapidement. Sur le retour, les clients me firent part de leur plaisir mais conclurent qu’ils auraient nettement préféré qu’il restât en bleu, cela faisait plus vrai !

Souvent le vin est le signe d’une approche communautaire

Pour de nombreux consommateurs non Européens, la consommation de vin ne va pas de soi. Souvent ces amateurs sont en quête de savoir, ils avancent en terre œnophile avec un souci d’appropriation et une recherche de modèle.

Ils deviennent winelovers par un apprentissage et un investissement personnel, s’initient au vin en passant par des crus plutôt prestigieux, achetant l’image du vin avant tout, pour devenir par la suite d’authentiques amateurs.

 

Visiter un vignoble : c’est aussi un parcours pédagogique

Partant d’un à-priori négatif, ils cherchent activement des éclaircissements. Les voyages – même s’ils ne sont pas centrés uniquement sur le vin – englobent cette dimension pédagogique qui est une condition nécessaire et implicite.

En France, nous pensons le vin autrement, la démarche est plus simple, nous y entrons malgré nous ; notre connaissance du vin (souvent tronquée, parfois trompeuse) est issue d’un phénomène de mimétisme qui commence à la table familiale.

Les amateurs de vins appartiennent au grand club mondial du vin
Les amateurs de vins appartiennent au grand club mondial du vin

Pour les visiteurs du nouveau monde, le vin correspond à une approche plutôt communautaire. Cela devient un moyen d’identification sociale et culturelle, ce savoir-être peut s’afficher, comme la pratique de toute autre activité valorisante : « wine remains an anchor point in their lifestyle their connection with the category is being enhanced by the steady accumulation of knowledge« *

 

 

Les habitudes sociales du partage, de la gastronomie (les accords mets/vins), les moments du vin sont différents des traditions Européennes et en France particulièrement. Elles sont liées au rituel du repas ou du choix du vin, selon le temps de la semaine ou de l’année.

 

Chaque pays a ses rituels de table

Nos distinctions : « vin du quotidien / vin du dimanche / vin des grands événements » ne se retrouvent pas ainsi. Le nouveau monde parlera du prestige du vin, du coût ou de la note donnée par un critique du vin, où l’on ouvrira une bouteille précieuse pour le fun, sans mise en scène. A table, un convive pourra boire un canon, se servir, sans automatiquement en proposer à d’autres – l’un boit du vin comme un autre prendra un soda ! Chaque pays a son approche…

 

Contrairement à nous autres Européens,  le touriste œno-curieux a souvent un complexe de ne pas savoir, largement compensé par le sentiment d’appartenir à ce club des bons vivants qui savent se tenir (un peu à l’image des Grecs anciens qui pratiquaient le symposion : qui buvaient juste pour libérer la parole, tout en gardant le contrôle).

 

Il est important de garder en mémoire ces variations culturelles pour envisager la promotion du tourisme du vin, et sa mise en pratique. En vendant un produits œnotouristique ou en accueillant dans votre cave, l’important est de savoir que les touristes, comme nous, communient à la même coupe, celle des winelovers !

* : Le vin reste un point d’ancrage dans leur style de vie leur rapport et est amélioré par l’accumulation régulière de connaissances.