L’œnotourisme 3.0 est une nouvelle conception du réceptif viticole basée sur les services, la prise en compte du plaisir et de l’expérience du client, et la rapidité d’exécution des échanges.
La mise en phase entre la demande et l’offre s’articule autour de la maîtrise des NTIC* et va devenir l’enjeu principal pour le succès des métiers de l’œnotourisme dans les années à venir : il s’agit d’aller voir plus loin, de rendre plus efficace encore toute la démarche, et d’ouvrir en grand les portes de l’œnotourisme à des visiteurs ingénus, curieux, décalés, connaisseurs ou pratiquants.
L’oenotourisme 3.0 repose sur 3 axes essentiels :
- La valorisation des Savoirs (savoir-être, connaissance culturelle, viticole et patrimoniale).
- La compréhension de la demande et de son marché (design d’expérience utilisateur).
- La mise en oeuvre des techniques de communication digitales, susceptibles d’induire des changements profonds et durables dans les comportements de consommation.
Le 3.0 complète la logique du tourisme viticole traditionnel en pilotant l’entreprise (orientations stratégiques dans une gouvernance plus horizontale, en adoptant des principes de communication plus fluides et plus visibles, et en mettant la politique d’accueil comme axe fort du développement) et en intégrant les dimensions émotionnelles que propose la technologie digitale : comment offre-t’on la meilleure pratique expérientielle globale (dès les toutes premières recherches jusqu’aux retours clients) au client ?
L’innovation se situe sur l’anticipation des mouvements pour être prêt à affronter la concurrence d’autres grandes destinations œnotouristiques, notamment internationales, comme Margaret River en Australie ou de Colchaca Valley au Chili.

Vous êtes possesseur d’un savoir incroyable !
L’accumulation d’expérience au fil du temps rend l’acteur œnotouristique unique et lui assigne une place de pivot dans les métiers du tourisme du vin. Détenir un savoir est la valeur la plus importante pour peu qu’il soit authentique et pertinent. La mobilisation de ce contenu tant intellectuel qu’émotionnel est une force, qu’il est essentiel de bien valoriser.
Le savoir-être prend là toute son importance, n’oublions pas que le tourisme – et même celui du vin – est du registre de l’immatériel, il s’agit essentiellement de services !
Chaque paysage, chaque domaine viticole, chaque intervenant est unique, non reproductible, par sa capacité à interpeller, à déclencher une cascade émotionnelle chez le client. Cette perception positive qu’aura le visiteur sera source de commande, de fidélisation, de recommandation, de mémorisation…
Dans la poursuite de cet objectif, quelques règles doivent être respectées
- Prendre conscience de son réel potentiel (patrimoine, type de savoirs et de services, paysages.
- Suivre les codes de politesse et les conventions formelles minimum (y compris dans la présentation, la propreté …)
- Avoir un comportement positif, ouvert et disponible
- Savoir parler de soi (storytelling).
L’œnocurieux décide de venir dans une appellation ou réserver les services d’un prestataire pour leurs caractéristiques propres. Il recherche la singularité, l’originalité, la personnalité, au rebours de toute l’uniformisation ambiante.
S’adapter (l’offre marketing) à cette demande, ce n’est pas lisser et rechercher à tout prix à rejoindre un standard, c’est mettre en exergue les éléments différentiants.
Remettre le client au centre du processus
Ce discours semble déjà bien compris, mais plus que jamais, celui qui reste le personnage central de l’histoire : c’est le client ! l’enjeu essentiel de toute démarche touristique est de se « centrer utilisateur** ». Par exemple, cet enjeu est déjà totalement intégré dans les usages digitaux et les principes d’ergonomie des sites Internet, qui ont facilitent l’utilisation et l’expérience utilisateur.
Christian Mantéi, Directeur Général d’Atout France, le souligne dans un article récent : « on ne peut faire du bon travail sur l’offre sans connaissance du marché ».
Non, les touristes ne sont pas là pour profiter de la générosité de l’accueil vigneron ! La plupart des œnotouristes viennent consommer un service (pas nécessairement lié à l’achat direct cependant), leur venue signifie que le domaine a été identifié et qu’il a réussi à séduire et déjouer les obstacles causés par l’indifférence provenant de l’offre pléthorique.

Passer du temps à comprendre les comportements des clients est un investissement précieux. L’idée du vin peut varier considérablement selon les individus, les origines sociales et les cultures : identifier la demande est l’assurance d’apporter une bonne réponse à une question qui n’est pas souvent explicitée.
Nos savoir-faire et savoir-être ne sont utiles que dans la mesure où ils sont mobilisables par rapport à une demande identifiée. Nous devrions pouvoir moduler nos propos en fonction des attentes et des motivations du vacancier (qui peuvent-être très variées, comme les contraintes organisationnelles, les dimensions culturelles des visiteurs, la relation psychologique et humaine …).
Comment séduire et convaincre ? Le charme naturel des paysages, des vins et services fondamentaux proposés n’est que la promesse tenue, ce à quoi le visiteur peut prétendre.
Il leur faut un « plus ». L’utilisation d’outils de communication comme le storytelling mais aussi, comme le prône Eric Jaffrain***, un marketing doux et imperceptible est l’une des voies à suivre : « L’humain reste la clef de la performance de l’entreprise par sa motivation, son engagement, la qualité de son travail ».
L’individualisme croissant et l’égologie transforment insensiblement la nature des relations BtoC. Par son pouvoir de « droit d’avis » le visiteur / client se transforme en journaliste, en délateur (le hate content a autant d’importance que le like content dans la prise en charge de l’e-réputation) ou en flagorneur … Le client a appris à se défendre, à juste titre : les relations vendeurs / acheteurs sont totalement à repenser… dans le sens de l’acheteur bien sur.
Nouvelles technologies : nouveaux comportements
Internet est une révolution culturelle aussi cruciale que celle de l’invention de la roue ou de l’imprimerie. Très peu d’activités sont restées insensibles aux charmes du digital, terme que je préfère à celui de numérique car en anglais il comprend la notion de contact : l’ère digitale est peut-être celle de l’immatériel, mais elle ne nie pas le contact et le lien, au contraire, elle les renouvelle en profondeur, tout comme nos façons de vendre et de communiquer.
Avec l’avènement du digital, qui correspond historiquement à la sortie de la consommation de masse, on fait commerce de façon plus intelligente et sensible, de « toi à moi ».

Les changements sont profonds en effet : dans les usages, les lieux, les comportements d’achat, et il est impératif de savoir les décoder pour survivre ou même prendre sa place dans la sphère œnotouristique.
De ces nouveaux outils, qu’il est nécessaire de mettre en jeu, résulte un nouveau langage mais aussi des schémas de communication : c’est toute la logique du one to one permettant des campagnes de re-marketing aux scénarios théoriquement sans limite.
L’œnotourisme 3.0, c’est aussi renforcer les moyens de communication pour travailler en synergie avec le commerce du vin à l’export, renforcer la présence des vignobles, des appellations, des marques au-delà de l’espace touristique en amorçant de futures touches pour les œnodestinations (vendre du vin à l’export c’est déjà entamer un processus de promotion d’un territoire).
Vers un Smart Œnotourisme
A l’image des villes intelligentes, la convergence d’un marché de l’œnotourisme en croissance et l’arrivée de technologies (internet des objets, développement de capacités ubiquitaires …) chaque fois plus pertinentes, l’on voit poindre une nouvelle organisation des œnodestinations en œnosystème. Selon Carlos Moreno****, les enjeux se situent sur la gouvernance et le bien-vivre. Si je transpose son propos au secteur qui nous intéresse, les problématiques et les enjeux deviennent :
- Traiter les problématiques du vignoble de manière transversale
- Penser les infrastructures en considérant la diversité qui compose le vignoble et la fragilité socio-territoriale
- Considérer les enjeux du vignoble d’un point social, économique, culturel, écologique, résilience
L’inter-connexion, les comportements de plus en plus collaboratifs, l’économie du partage vont transformer les vignobles qui deviendront des lieux de vie (plus ou moins idéalisés). Ce Smart Œnotourisme apportera aux œnocurieux un sentiment plus fort d’appartenance au territoire et leur donnera l’opportunité de faire partie d’une communauté.
Un nouveau concept est en train de voir le jour : le m-terroir : l’usage des technologies mobiles va totalement métamorphoser l’usage des territoires viticoles pour les visiteurs (et pour les habitants), une nouvelle géographie plus facile à déchiffrer, moins hostile proposera une expérience client nouvelle, immédiate dans sa découverte mais également rémanente.
Ainsi ce nouveau marketing œnotouristique 3.0 permettra d’aborder plus aisément les grands enjeux de Vignobles & Découvertes qui consistent à « développer l’efficacité touristique des destinations viticoles, évoluer vers une mise en valeur des richesses et une mise en réseau des acteurs, donner plus de lisibilité au client et plus de visibilité à la destination et favoriser les synergies d’actions entre les différents acteurs ».
* NTIC : « Les NTIC, nouvelles technologies de l’information et de la communication, sont un ensemble de technologies utilisées pour traiter, modifier et échanger de l’information, plus spécifiquement des données numérisées. La naissance des NTIC est due notamment à la Convergence de l’informatique, des Télécommunications et de l’audiovisuel ».
** Cf Espaces n°321 p 71 Karine Miron « Centré utilisateur c’est à dire sur les besoins des utilisateurs finaux actuels et potentiels ».
*** Eric Jaffrain est le promoteur du marketing non marchand
**** Carlos Moreno : Enseignant-chercheur à l’IUT de Cachan / Université Paris Sud et travaille au sein du Laboratoire d’Informatique et de Robotique