L’Internet est arrivé dans le marketing touristique comme un jeune chiot dans un jeu de quille, nombre de critères d’il y a 10 ans sont bons à jeter aux oubliettes, les logiques de distribution et de promotion ont évolué radicalement. Les comportements d’achat, les notions de temps et d’espace ne sont plus les mêmes, les motivations ont également changé. Le tourisme est en train d’opérer une mutation considérable !
Offre versus Demande
Il y a une grande divergence culturelle entre le monde tourisme et celui du vin. Le premier a toujours eu une politique de la demande en essayant de suivre au plus près les attentes clients sous la pression croissante de la concurrence.
Le monde du vin, par sa démarche de terroir, est parvenu (à juste titre) à rendre unique sa production et à développer son activité par la politique de l’offre.
C’est là que réside tous les enjeux de l’oenotourisme : vendre des prestations soumises à une forte pression concurrentielle dans des conditions exclusives dont l’offre est limitée (visite des grands domaines mondialement célèbres, manque d’hébergement dans les territoires viticoles, réceptif oenotouristique peu organisé…).
Ce décalage entre politique de l’offre et politique de la demande peut générer des difficultés d’organisation qui peuvent se traduire par des perceptions négatives pour le client.
Il faut penser client !
Bien sûr, l’objectif du marketing est de faire progresser les ventes que ce soit en favorisant les achats directs, en améliorant la notoriété et la visibilité, en développant les réseaux professionnels ou en adaptant la production…Cependant, l’objet de ces réflexions tend toujours vers le client, le consommateur final.
Aussi dans les activités de réceptif viticole, où la dimension sensorielle prend encore plus d’importance que dans d’autres secteurs, leur satisfaction doit être mieux pris en compte. L’entrepreneur d’œnotourisme ne peut l’ignorer : « penser Client » est l’axe qui va orienter les choix stratégiques.
Pour cela il faut considérer ce que représente le territoire / destination pour les visiteurs tant dans sa valeur Culturelle (architecture, langues, coutumes, paysages…) que pour son aspect viticole (l’image de l’appellation, la représentation des cépages, des terroirs …).
Le géant du vin Gallo a commandé une étude pour comprendre le comportement des consommateurs, celle-ci observe que « les wineries cherchent de plus en plus à répondre aux demandes exprimées par les consommateurs, plutôt que de leur imposer une offre toute faite ».
Les porteurs de projet oenotouristique doivent aussi connaitre la manière de consommer le vin et évaluer les comportements relatifs aux pays d’origines, les niveaux d’éducation, les usages mais aussi des pratiques culturelles (par exemple un Français aura tendance à consommer des vins rouges et l’associe aux repas, un Américain consomme souvent le vin entre les repas, c’est une pratique souvent féminine et qui apporte un élément de distinction…).
Le fait de connaître les segmentations par pays et leurs modes de consommation, leurs usages pendant les voyages et les rêves des touristes, devient alors un avantage concurrentiel évident. Donc penser l’aspect technique et matériel représente la première approche qui peut être généralisée à un segment global.
La seconde, plus fine, consiste à essayer de comprendre la dimension émotionnelle des visiteurs (la demande comportementale socio-culturelle, le niveau de prestation requis, la dimension du temps disponible…).
Les aspects psychologiques sont plus importants qu’il n’y paraît, le plaisir, les satisfactions et les déceptions se mesurent au prorata des motivations initiales. Ainsi, un accueil performant verra des retours satisfaction dithyrambiques mais il s’agit d’une arme qui peut aussi se retourner contre le prestataire et provoquer une amère déception : plus on désire quelque chose plus on risque.
C’est cette intensité qu’il faut savoir canaliser pour en faire un atout maître. Ainsi en France nous sommes comme anesthésiés par cette morosité ambiante, Paris par exemple (cf le syndrome des Japonais* qui devient maintenant chinois**) est bien connu pour son faible sens de l’empathie, le vignoble n’est pas en reste, et nous gâchons nos avantages concurrentiels par défaut de professionnalisme dans l’accueil.
Il faut pouvoir assurer les standards que sont sécurité, propreté, bienveillance, mais c’est le climat émotionnel qui fait qu’une destination sera préférée à une autre.
Accueillir est un acte de générosité, c’est aussi une action à forte valeur culturelle. Agir simplement sur cette dimension de l’accueil serait à moyen terme le dispositif pour améliorer la compétitivité des destinations (fidélisation, mémorisation, bouche à oreille, retours positifs, recommandations, achat plaisir…)
Mais « penser Client » n’est pas suffisant, il faut aussi « penser Individu » (approche holistique cf Revue Espaces n°321, JP Gold) qui est composé de quatre états complémentaires : le physique, le psychologique, le spirituel et le social. C’est quand le client sera perçu dans sa singularité comme M ou Mme un(e)tel(le) qu’il s’ouvrira à l’entreprise et donnera la possibilité d’installer la relation de confiance.

Le client prend plus de place dans le système marketing
La plupart des clients ne sont pas novices dans l’art de voyager ! Ils ont déjà à leur actif un grand nombre de souvenirs et ont acquis une certaine « culture » du voyage, ils deviennent de plus en plus difficiles à séduire.
Les découvertes et les apprentissages qui résultent des voyages ne constituent plus la quête principale, maintenant, le savoir (avec son smartphone le client a désormais une encyclopédie au bout des doigts) n’a d’intérêt aux yeux du voyageur que par le filtre de l’expérience : le comment devient aussi important que le quoi.
Cette évolution, liée aux NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) et combinée à la recherche d’activités axées sur des valeurs d’hédonisme et d’échange, placent le client final, plus qu’il ne l’a jamais été, au coeur du process marketing : « I am impressed with all the knowledge I walked away with from the tour (and have been spouting off to my wine-loving friends) and have fallen in love with wine, particularly from the South of France, even more! This is a great tour for wine lovers who wish to deepen their knowledge ». (traduction ici)
Les offres de prestations touristiques deviennent pléthoriques et le client a appris à jouir de la recherche du meilleur rapport qualité / prix soit par souci économique, soit par désir d’acheter plus.
La notion de temps a également considérablement évolué : l’immédiateté, la réactivité, la recherche des informations et la mise en parallèle des offres a accru la concurrence, d’une part en transformant les positionnements traditionnels et en mettant l’accent sur la politique de prix (le succès des stratégies Low Cost par exemple) ou, d’autre part, celui de la stratégie de la personnalisation (le « one to one » en adaptant le service de la réservation jusqu’au service réceptif) qui s’oriente vers le marketing expérientiel.
Les usages comportementaux (tendances de la société du partage, pratiques communautaires de la logique de tribu…) et la pratique omniprésente des réseaux sociaux installent le voyageur en acteur / Grand Reporter de sa propre vie. Cela implique une évolution proportionnelle des acteurs touristiques, tant en amont (à la production) qu’en aval (au réceptif) vers de nouveaux comportements plus compréhensifs, de l’empathie et du partage.
L’enjeu réside dans la capacité à adapter les prestations, en y ajoutant, une couleur spécifique selon les attentes perçues lors de l’analyse des segments de clientèle et de la qualification de la demande.
Un diagnostic des faiblesses
La phase de ciblage est fondatrice pour une stratégie expérientielle. Les produits / services que l’entreprise réceptive sera à même de présenter, devront être facilement modulables d’une clientèle à une autre.
Cette gamme d’activité réservoir (comme un stock immatériel) peut se représenter sous forme d’une multitude de variations, comme le nuancier des décorateurs, qui utilisée astucieusement doit toucher le segment de clientèle identifiée.
L’expérience, l’écoute de la demande et une certaine intuition, en complément de l’étude des comportements de la demande, doivent donner les moyens de pouvoir proposer les services expérientiels ajustés.

Exemple : un excursionniste pour répondre à la demande de modularité de sa clientèle tout en respectant ses standards, va proposer des excursions sur catalogue à la demi journée, avec avec possibilité de les combiner. L’option est déjà dans l’offre initiale.
Nul besoin d’échafauder des prestations alambiquées pour obtenir une totale adhésion et un fort niveau de satisfaction : les qualités relationnelles et le bon rythme de déroulement peuvent assurer l’essentiel du succès. Trouver les plantes de la garrigue dans les paysages méditerranéens devient une expérience unique pour un winelover américain qui ne met pas d’odeur sur l’adjectif « senteur de garrigue » !
Donner l’occasion au client de faire quelque chose d’extraordinaire est une expérience remarquable et pourtant simplissime à réaliser.
Pour un ciblage intelligent, l’étape initiale consiste en la détection des points de frictions. Toutes les situations qui, pour le client, créent un trouble, une gêne, un léger passage en force, quelque que chose qui peut faire « violence », doivent être identifié.
Parvenir à lisser les prestations en prenant conscience des petits heurts qui peuvent perturber le bon déroulement d’un loisir (par exemple l’attente sur une terrasse pour commander, difficultés pour garer un véhicule, les queues dans les entrées de musées…) est le moyen de s’assurer d’une bonne expérience client.
Dans une vision plus large, dès le premier point de contact client (au téléphone ou par mail) au tout dernier (réalisation des services commandés), chaque entreprise oenotouristique doit étudier le processus relation client pour être ensuite amélioré. Les solutions apportées par les agents d’accueil constituent la touche finale initiée par l’action pensée par la direction, cela constituera une expérience favorable au succès économique de l’action réceptive.
Ce point de vue expérientiel peut être parfois difficile à percevoir étant donné les divergences de rythme et de quotidien entre le voyageur et le personnel réceptif. De même que le visiteur n’a pas (à ce moment là de sa visite touristique) conscience du stress du personnel d’accueil, engendré par les bouchons matinaux, une panne informatique inopinée ou le retard d’une livraison importante, les hôtes ne connaissent pas les difficultés que le touriste a dans son parcours de voyageur (changer une réservation, pouvoir laver son linge sale entre deux excursions, passer à travers le barrage des langues, faire du change…).
La performance réceptive consiste justement en cette prise en compte de la vie du voyageur, en particulier dans la relation du visiteur avec l’entreprise touristique. Plus le visiteur vient d’un pays éloigné et d’une Culture différente, plus ces obstacles sont d’importance. L’une des sources de la valeur expérientielle ajoutée (VEA) consiste justement dans cette écoute active du quotidien touristique.
En connaissant bien le profil de chaque type de client (couple, famille française, groupes nord européen, backpaker international…), en ayant conscience de la vie réelle du touriste et des pratiques de ces segments (difficulté d’orientation, barrière culturelle de l’usage de l’internet, difficulté de transporter des bouteilles…), en ayant réalisé le diagnostique des faiblesses internes de l’entreprise réceptive relativement à chaque segment, on multiplie énormément l’efficacité de l’activité de l’accueil en optimisant l’effet émotionnel, capitalisant les options positives comme autant d’atouts stratégiques : vers une conception de l’accueil plus agile !