Le vin c’est l’intime, c’est un rythme cadencé par les saisons. Le temps long sur des années même, lorsque que l’on parle de plantation ou d’élevage (la cuvée 12 ans de cave a minima de Gosset).
C’est pour cette raison, profitant d’une intervention à Epernay, que j’ai décidé d’approcher le vignoble plus tranquillement, en cherchant la prise directe avec le paysage.

Essayant d’être le plus écoresponsable possible, je suis venu en train. 1h20 depuis Paris. Un parcours agréable qui m’a laissé le temps d’apprécier la Vallée de la Marne (la côte des Meuniers).
Première œnodestination : Château-Thierry cité de La Fontaine et point de départ possible pour un itinéraire à pieds ou à vélo (le ter vous laisse l’opportunité de partir avec) vers Dormans, et de là reprendre le train.

Attendu à Epernay, j’ai continué mon chemin … de fer.
Le lendemain, je partais accompagné de Benoît Vigne paysagiste de l’agglomération de commune d’Epernay pour découvrir son travail de valorisation. Cap vers la Côte des Blancs, emmené par Laure Koupaliantz, directrice du tourisme de cette institution.
De Mesnil sur Oger à Avize, mes guides ont interprété, fait sentir, connecté avec les villages installés à mi-pente, les croupes calcaires, les axes historiques …
De ces points de vue j’ai observé la Montagne de Reims, imaginé la Marne serpentant derrière Chouilly et suis resté en contemplation devant ces clochers émergeants des rangées étroites de Chardonnay.

Depuis 15 ans Benoît Vigne, aménage au grès de sa sensibilité, des contraintes techniques et des usages des visiteurs des sites qui à tour de rôle permettent de se détendre, de sentir, de lire et comprendre, de se sustenter à l’ombre d’un pin ou de jouer avec ses enfants.
Un travail jamais terminé … Un projet en cours prévoit un espace en plein air, à la fois lieu d’interprétation du fameux Clos du Mesnil de Krug et lieu de travail pour les professionnels de l’œnotourisme.

L’industrialisation de l’œnotourisme et son formatage « à la Viator » percute frontalement le flot quotidien des travaux bucoliques. L’authenticité perçue se mesure à l’aune de l’ère du temps. La mouvance Slow, remet le monde du vin en phase avec celui du tourisme : il s’humanise.
C’est une question de posture : touriste versus voyageur !
Quel sens à déguster cinq vins en un quart d’heure, sans avoir le temps de fixer ses papilles dans un cadre sensoriel et intuitif préalable ? La performance de visiter plus de trois caves en une journée est-elle favorable aux vignerons et à la destination ?
C’est pourtant ce que proposent de nombreux winetours dont la distribution est callée sur des logarithmes et objectifs pensés en fonction du Yield Management.
Le paysage est comme un livre qui doit pouvoir se lire. Le travail sur les paysages, au-delà du confort et de la facilité d’usage est un moyen de faire sens avec la vie des gens du pays. Et de leur passé. C’est ce qui a permis de construire la Champagne contemporaine
Contempler prends du temps, c’est de l’anti tourisme industriel.

Et c’est exactement ce que propose My Vintage Tour Company. Maëva Garza cofondatrice de l’entreprise d’excursions, a revisité le métier en se détournant du format Vito trop connoté business, en remettant au jour les Estafette d’antan.
Les valeurs de l’ancien évoquent ici plus de temps pris à la conversation et au partage. Tous les circuits comportent une dégustation dans les vignes dans des points remarquables. Souvent une initiation au sabrage est incluse. Elle innove toujours : elle a créé un nouveau service avec le « sunset tour ». De quoi séduire les lovers … pas que de wine.

Cet œnotourisme qui fait de la résistance, non pas par dédain du nouveau ou par archaïsme, ne peut s’épanouir que dans la dimension du bien-être.
Celui du visiteur, qui selon sa propre humeur, s’appropriera les valeurs du pays, les histoires qu’on lui raconte. Mais aussi les valeurs de ses acteurs, qui ne sont pas toujours des professionnels du réceptif.
Car, en fin de compte, le vin c’est la rencontre. Le vin, et le tourisme du vin, ne font sens qu’au dépend d’une relation.

C’est cette relation que l’agglo d’Epernay, au travers du regard de Benoît Vigne, propose aux œnotouristes.
La qualité de celle-ci est relative à chacun, et surtout au contexte dans lequel se passe l’événement. Pour existentielle et expérentielle qu’elle soit, cette rencontre s’appui sur de nombreux ancrages : avec le paysage, avec le « ce qu’on dit de …», avec les gens, avec ce que l’on espérait …
Cette authenticité objective, je la désirais depuis longtemps … y mettre les pieds enfin, la seule manière de sentir le terroir … avec la dégustation, bien-sûr !
J’ai profité de la générosité de l’office du tourisme d’Epernay qui m’a prêté un vélo électrique. Et me voilà parti à la conquête de la côte, côté Aÿ (heureusement qu’il y avait l’assistance électrique).

En rentrant dans le paysage je sortais de l’image d’Epinal. Je passais d’une parcelle assez argileuse à une autre blanche de calcaire. J’ai vu des plateaux fortement entaillés, des pentes douces aux lisières des forêts, j’y ai même trouvé un coteau pentu que j’aurai pu prendre pour un de ceux de Côte-Rôtie.
Ce fût une parenthèse de calme et d’intimité dans ce périple Sparnacien, un moment de bonheur enfantin, la vérification d’une promesse effervescente … J’ai vu les vignes enherbées, témoignage du renouveau de la Viticulture Durable en Champagne.
Le retour trop rapide (le temps est différent à vélo) m’a laissé du temps pour refaire l’Avenue de Champagne, pavée comme toutes celles qui le méritent et bordée d’un véritable parc aux multiples essences (dont des résineux).

Mais comment finir cette journée superbe sans les sentir frétiller, ces bulles ? Mon itinéraire, après avoir rendu le véhicule à l’office du tourisme, m’a mené tout droit dans un bar à Champagne …
Lieu pétillant s’il en est. C comme… est la taverne d’Ali Baba de la fine bulle, son patron Frédéric Dricot est un fournisseur de passion, un passeur de bonheur, il vous connecte avec le pays.

La Champagne est multiple. Son vin, ses paysages, ses sites surprennent par leur multiplicité … L’œnotourisme à Epernay se déploie sur trois niveaux : du sous sol composé de kilomètres de caves aux paysages ouverts, le visiteur fait le lien en le créant, par son expérience…
Une réponse sur « Œnotourisme à Epernay : Slow Champagne ! »
Ca donne envie!