Les enjeux du durable dans l’œnotourisme

Depuis la crise sanitaire, la vision globale d’une économie enracinée dans un quotidien humain et responsable devient évidente. Les challenges du développement durable sont à réfléchir !

A ce sujet, nous fonctionnons plus par intuition que par analyse. Il y a urgence à œuvrer pour limiter l’impact de l’action humaine. Ce n’est pas uniquement parce que le client le demande, mais parce que nous tous en tant qu’individu nous devons ajouter notre pierre à l’édifice du vaste chantier mondialisé pour la lutte contre les G.E.S.

L’œnotourisme comme tous les secteurs d’activités est concerné.

Visite du château des Hospitaliers à Saint Christol par Chemins Vignerons

Travailler ensemble sur les objectifs durables de l’œnodestination

L’aspect transversal des métiers de l’accueil viticole est l’une des caractéristiques de cette filière. Pour être efficace, il faut être capable de mettre en œuvre les moyens d’une construction de l’offre qui va au-delà de la propriété viticole !

Il en va de même pour la mise en place des objectifs de durabilité. Un service durable en œnotourisme est un peu plus que la visite d’un domaine viticole bio ou l’utilisation de prestations d’acteurs responsables comme un Ecolodge.

A l’image du Pénédès en Catalogne où 80% des vignerons sont en bio, la différence ne se fera plus sur la qualité de la production agricole mais sur la cohérence de la chaîne de production globale. Du sourcing c’est-à-dire le référencement des fournisseurs jusqu’au SAV c’est-à-dire la relation client après consommation.

Cela revient à prendre en compte le parcours client sur l’ensemble de la chaîne de valeur. (recherche online, déplacements, utilisation digitale, prestations locales, services annexes comme les livraisons, conciergerie, activités …)

C’est une préoccupation que devra prendre en compte chacun des metteurs en marché de l’œnotourisme. Ce le sera encore plus à l’échelon du collectif :  le territoire, la ComCom, le V&D ou même une région.

A l’exemple du CRTL Occitanie qui avec son Green New Deal se positionne comme destination durable & responsable : elle pense tant aux bénéfices du visiteurs qu’à ceux des habitants de la région.

Cette démarche prometteuse illustre une tendance de fond où concurrence de marques et bien-être des usagers entreront sur la balance.

Reconstruire le lien ville / campagne sur de nouvelles bases

Nous entrons dans une nouvelle ère, celle du transmodernisme* où le monde accéléré, digitalisé et global rencontre la contrainte écologique d’une planète limitée.

La vision d’un monde déséquilibré fait d’urbains qui consomment la campagne est devenu une réalité. L’agritourisme et l’œnotourisme sont alors des prétextes pour aller à la rencontre de paysages anonymes car le citadin a perdu les clés d’interprétation. L’homme augmenté, hyper consommateur est perdu dans le vide ennuyeux d’une ruralité fantasmée. Elle séduit autant qu’elle inquiète.

Entrer en interaction avec le terroir et la végétation avec Explorama

Il y a cependant un instinct du vivant, un besoin de poésie, un intérêt pour le sauvage**. Ainsi le prouve l’intérêt massif pour les vins natures et un certain retour au bucolique dont la crise du Covid 19 a été le témoin.

Je vois là une opportunité pour les métiers ruraux de pouvoir capter des individus / prospects grâce à ce besoin de ressourcement. Un avantage que possèdent « naturellement » tous les agriculteurs, artisans campagnards et prestataires pastoraux.

Mais il existe toujours ce mur de verre qui rend difficile le franchissement symbolique du civilisé vers le sauvage.

L’un des enjeux est dans la mise à disposition affective d’un imaginaire reconstructeur, désaliénant et positif. Cela en mettant en œuvre des solutions respectueuses de l’environnement et émotionnellement appropriables par le visiteur.

Un levier d’action pour les Œnodestinations

L’imaginaire hédonique est le moteur de l’œnotourisme … Il se couple d’un fantasme de pureté et d’authenticité. La quête de sens doit être accompagnée de modalités responsables de déplacement, de fonctionnalités économes pour la planète, de mises en tourisme plus intelligentes et moins prédatrices.

Voyager n’est plus synonyme de détruire.

Mais prétendre que l’on veut être durable n’est plus suffisant … Le storytelling est révolu ! Le consommateur veut se prouver en pratiquant les services œnotouristiques, qu’il est activement un agent écologique.

Pour cela, le visiteur a besoin d’être aidé dans son auto-réalisation. La qualité d’un produit n’est plus dans ce qui le caractérise en soi mais réside dans son usage global, son mode de consommation. Et en matière de tourisme viticole, il s’agit de mobilité, de réservation, d’expériences, de communication …  Donc toutes ces composantes de l’offre œnotouristique doivent être durables pour in fine donner au client la sensation d’avoir co-produit une action durable.

Le terroir au rythme de la nature : Bulle Verte

Il s’agit de la mise en place d’action collectives. Le territoire doit être en mesure d’évoluer dans ce sens. Et c’est une dimension stimulante qui peut rallier les prestataires et les habitants. C’est poser une nouvelle définition du rapport au monde, des interactions entre espaces, métiers et fonctions.

C’est imaginer de nouvelles temporalités (tourisme des quatre saisons, slow tourisme, le wwoofing …)

Moins mais mieux : la qualité paie, surtout en œnotourisme

Le monde d’après … Il est possible que nous revenions au tout avion ! Mais il est fort probable aussi que le sentiment d’urgence planétaire et le besoin de déculpabiliser en étant responsable résiste à notre avidité sybarite de dépaysement.

Prendre des vacances c’est aussi élargir son horizon si l’on donne les moyens aux consommateurs d’y aller. Cet horizon (étymologiquement signifie limiter borner délimiter) peut être intérieur, intime et vécu.

Travailler sur les dimensions de l’expérience, en offrant une gamme d’émotion comme produit, en vendant des moments de vie, en jouant sur les contenus et leur signification … Tout cela comme réponse à un système obsolète du tourisme de masse pendulaire.

Le slow, le sur-mesure, le transformationnel sont des axes de valorisation des patrimoines (Culturels, paysagers, viticoles, humains …). Cela signifie envisager de nouveaux business models en lien avec les outils digitaux qui apparaissent sans cesse : les usages que le consommateur élira progressivement, déterminé par sa créativité et du dialogue tant au niveau b2b que b2c qui en résultera.

Le tourisme bienveillant devient l’autre face du tourisme durable, et cette ressource humaine, sans limite, est le gisement le plus précieux à notre disposition.

Conserver la valeur sur le territoire avec Wine’n Go

Vers une qualification œnotourisme durable ?

Mais le consommateur a peur. Il doit sans cesse être rassuré. Notre société du fake et de l’infobésité impose aux prestataires de prouver ses allégations.

Le virage édicté par la crise sanitaire accélère les prises de conscience. La notion de progrès évolue. L’utopie smart centrée sur l’innovation numérique qui pense le confort et la praticité (moins d’attente, moins de regroupements, plus de fluidité ..) des visiteurs mais aussi des résidents n’est plus centrale.

Pour Rosa Maria Rodriguez Magda « l’innovation scientifique et technique ne garantit pas un développement durable »*.

C’est aussi l’innovation organisationnelle et sociétale qu’il faut prendre en compte. Réinstaller les haies dans les vignes et labourer au cheval sont des exemples de l’innovation régressive … Les acteurs du tourisme peuvent s’inspirer de l’élan viticole : Parcourir le vignoble à pieds ou à vélo par exemple.

Le RSE est une innovation qui a pour objectif de rendre la vie meilleure pour les autochtones, préserver la ressource et l’identité locale … C’est aussi penser une économie moins destructrice et plus sobre, plus économe …

L’objectif planète (réduction des G.E.S., préservation des écosystèmes, rationalisation de l’utilisation de l’eau …) et l’émergence des valeurs de respect et de bienveillance se combinent : une nouvelle interprétation du progrès.

Mais ces efforts de mise à niveau vers un œnotourisme durable devraient pouvoir s’évaluer en définissant les critères d’amélioration propres à cette filière. Un défi ambitieux et complexe tant l’œnotourisme est une activité transversale : est-ce une utopie ?

*La condition transmoderne – Rosa Maria Rodriguez Magda – L’Harmattan

**Réensauvagez-vous – Andréa Weber & Hildergaard Kurt – Le Pommier

***L’Utopie sauvage – Sébastien Dalgalarrondo & Tristan Fournier – Les Arènes

Œnotourisme : 10 raisons pour miser sur le vélo

Air du temps ou simplement nécessité physiologique, le retour du vélo marque notre ère post industrielle. La mobilité urbaine se repense en urgence. Bien-sûr, le rural est aussi impacté.

D’un point de vue agritouristique il s’agit d’une aubaine. Entre le souci responsable de consommer propre et le désir d’y mettre de l’éthique, la bicyclette électrique s’impose comme la solution !

La Bulle Verte rend la campagne disponible pour le visiteur

1 – Une nouvelle relation au monde

Visiter un paysage sur un autre rythme que celui de la voiture c’est un peu le redécouvrir. C’est construire une expérience originale parce qu’elle autorise une liberté d’emblée incorporée dans l’usage. On s’arrête à l’envi, on prend une photo ici, on fait une pause ailleurs.

Tous les sens sont activés, on se recrée, on retrouve celui que l’on a perdu dans notre quotidien augmenté.

2 – Renouveler la raison de venir au domaine

Visiter un domaine viticole c’est toujours un peu la même chose : On va à la rencontre d’une architecture, de vins, de paysages … avec toujours ce formatage un peu standardisé ! Le vélo permet de changer cette relation.

L’objectif de balade prime, avec autour, la décompression et la revitalisation. La raison d’aller au caveau se transforme, elle devient une récompense et un complément culturel à ce plein de nature que l’on a fait.

3 – Un outil de fidélisation

En faisant évoluer l’espace rural en lieu de connaissance, en zone de confort, le visiteur installe un climat affectif favorable avec le terroir. Avec le vélo, le vigneron travaille sur sa gamme de services, il a toutes les chances de fidéliser ce prospect encore un peu timide.

En créant des habitudes, le paysan / professionnel du tourisme augmentera la possibilité de développer son chiffre d’affaire direct ou indirect.

Avec la Bulle Verte on opte pour le confort du visiteur et du professionnel avec une offre clé en main

4 – Faire ensemble : la tribu

Généralement, nous ne pédalons pas seul lorsqu’il s’agit de loisirs. Construire un moment de vie est toujours meilleur quand il est partagé. C’est le bénéfice émotionnel que le vigneron vend aux utilisateurs de vélos.

Ce cadeau symbolique que le producteur propose sera mémorisé à l’avantage de ce dernier. Donc, grâce à cet événement expérentiel, le cycliste deviendra un amateur du domaine : Il est en voie de devenir un membre de la communauté, un ami de la marque.

5 – Une relation holistique

On le sait maintenant le cerveau a besoin du corps pour bien comprendre. Etre en action c’est une manière de penser, nous disent les neuroscientifiques. Ainsi, faire du vélo dans les vignes devient une façon magnifique de percevoir les reliefs, la morphologie des sols, le développement végétatif des vignes … intuitivement.

Un cerveau détendu est plus prompt à déguster et à comprendre ce que le vigneron racontera. Le vélo c’est une approche plus complète qui englobe l’esprit et le relationnel.

6 – Créer du lien c’est faire de la valeur

En mettant à disposition des services et un espace rural chargé d’imaginaire, le vigneron transforme la relation client. Il rend accessible tous les trésors ruraux secrètement convoités. Comme cela, il affiche ses différences et justifiera sa valeur aux yeux de ses clients.

Les expériences qui résultent de la location des bicyclettes, les contacts, les accointances et anecdotes occasionnées seront autant d’histoires que le visiteur aura plaisir à se rejouer. Ainsi, grâce au liens émotionnels construits, la valeur de la marque sera perçue plus positivement par l’œnotouriste .

Autonomie, liberté, co-construction autour de l’appli la Bulle Verte

7 – Une activité 4 saisons

Le vélo intéresse tout le monde ! Le visiteur lointain et l’habitant de la région sont autant de clients potentiels. Cette activité est souple d’usage et se fait en autonomie pour le visiteur. C’est-à-dire qu’elle n’est pas sujette à la saisonnalité et à la nécessaire organisation de l’équipe d’accueil.

Pédaler dans les vignes devient un produit d’appel fantastique. Un moyen de rendre vivant une destination viticole un peu apathique en hors saison.

8 – Le vélo : Un outil collectif de travail

Un vignoble c’est un peu comme une destination : ce sont des espaces collectifs de travail qu’il convient de valoriser dans leur ensemble. Le vélo est le lien tangible entre une chambre d’hôte et un domaine viticole ou entre un village et un belvédère. Grâce au vélo, on apprend à se vendre tout en vendant ses partenaires.

Dans une vision agritourisme, c’est un effet gagnant / gagnant qui opère en amont lors de la préparation et de l’organisation, pendant la visite. Mais aussi, l’après … en valorisant le passage du touriste. Le pays en sortira grandi.

9 – Attitudes, moments et paysages

Le vélo c’est bien plus que de souffler en grimpant une côte : c’est s’offrir une parenthèse dans quotidien trop prévisible, trop contrôlé, trop marketé … Pédaler c’est entrer dans le paysage, entrer en scène et faire corps avec lui.

On devient acteur de ses vacances en devenant scénariste de ses propres émotions. Le visiteur construit des attitudes Instagramables. Il achète un moment de vie, intense pour sa force mémorielle et léger pour son insouciance immédiate.

Avec la Bulle Verte on goûte le paysage

10 – Staycation : une réponse post-covid à la demande

L’aventure commence ici, en bas de chez soi, au coin de la rue, dans la campagne environnante. Partir en cavalant par les coteaux, recharger le vélo chez votre vigneron préféré … Faire le tour de l’appellation et repérer un endroit de pique-nique pour y revenir en famille.

Travailler avec les habitants, les locaux, c’est s’orienter vers le circuit court et la logique d’ambassadorat. C’est s’ancrer profondément dans une relation client durable et profitable. Le vélo peut en être le levier.

L’offre vélo : une approche régénérative pour une destination ?

On a longtemps vu l’œnotourisme comme un levier d’action pour animer une destination en transformant un vignoble en œno-destination.

Avec la crise sanitaire, on repense le modèle en réorientant la relation commerciale vers des bassins de clientèles plus proches : le staycation.

Comment dès lors repenser l’ensemble de l’unité géographique comme espace d’interactions entre les fonctions productives, résidentielles et ludiques ?

Les vignobles d’Aÿ sont rapidement accessible depuis Epernay

L’accélération survenue récemment impose d’inclure une vision durable, respectueuse des populations et des écosystèmes. En perspective avec les innovations technologiques récentes, le paradigme de relation client évolue vers la prise en compte de la dimension éthique.

Une nouvelle normalité qui tend à s’imposer

L’expérience client est un concept marketing qui commence à trouver des applications dans les vignobles. Elle permet de travailler sur la satisfaction des visiteurs et de construire un lien fort entre la marque et ces derniers.

On parle depuis assez longtemps de la nécessité de ré-enchanter le touriste. C’est à dire, lui faire une proposition qui consiste à répondre aux frustrations du monde transmoderne : donner du sens pour des citoyens consommateurs aliénés et déconnectés du vivant.

L’anxiété grandissante, résultat d’une éco-conscience de plus en plus oppressante fait évoluer la notion de culpabilité dans la relation client. Glenn Albrecht parle de solastalgie* à cet égard.

Le voyageur se sent coupable de maltraiter la planète en consommant trop, en utilisant l’avion ou sa voiture, en se servant de plastique à utilisation unique.

Donner du plaisir, du dépaysement, de la surprise … risque de n’être plus efficace, si en amont, le visiteur est plombé par le sentiment négatif de la culpabilité lors de son approche avec la marque œnotouristique.

Les conditions d’accès au bien-être serein seraient donc de dépouiller le visiteur de tous complexes prédateurs pour l’environnement.

Proposer une nouvelle conception de la relation à la destination (réinventer la mentalité du tourisme.)

  • Comment, collectivement, mettre en œuvre une dynamique durable et rassurante à l’échelon d’un vignoble ?
  • Que peuvent faire les structures institutionnelles pour insuffler un discours pragmatique et sincère dans un environnement tenté par le greenwhasing ?
  • Quelles limites au développement économique et quelles nouvelles règles mettre en place pour instituer une relation à l’espace œnotouristique harmonieux ?

Pour répondre à ces questionnements il faut remettre de l’horizontalité et intégrer le visiteur dans les processus de co-production.

Cela suppose lui laisser la main sur les questions de mobilité et les interactions avec les acteurs du territoire.

Avec les éco-stations La Bulle Verte, l’intuition et le sensible sont au cœur de la découverte

C’est aussi trouver des solutions aux nuisances que sont le bruit et la pollution générés par les voitures, le déséquilibre de fréquentation saisonnière, la transformation de la fonction productive vers l’aspect récréatif …

Et il est vrai que le recentrage marketing récent des territoires vers les bassins de populations environnants oblige à repenser les relations de la ville et son terroir.

Les Français semblent éprouver un certain besoin de nature, une relation au temps plus étendue, une recherche sensible du vivant …

Ces facteurs laissent imaginer de nouveaux besoins et de nouvelles modalités pour le citoyen.

Pour preuve le succès des vélos électriques dans la mobilité quotidienne en ville.

Les œnodestinations doivent être capables de répondre rapidement à cet élan pour rester compétitif et gagner en visibilité.

Par chance, de nombreuses appellations se situent à moins d’une heure de vélo des centres urbains. Ces derniers sont assez facilement joignables par le train. Exemple la vision stratégique de l’Occitanie.

Les conditions pour une approche sûre, sereine et enrichissante des vignobles à vélo est réalisable pour peu que le territoire mette en place les moyens pour se déplacer, recharger, garer, livrer les achats, s’orienter, se protéger en cas d’intempéries …

Un agritourisme inclusif et régénératif

Trouver un bénéfice commun à chacune des partie-prenantes est la voie vers l’instauration d’une économie du partage, moins prédatrice et plus respectueuse. Cela reviens à comprendre les besoins et les désirs du visiteur. Mais cette dimension de l’adaptation au marché doit se réfléchir à l’aune des limites physiques et sociétales de la destination.

La Bulle Verte offre l’opportunité de construire du sens et du lien

Il s’agit de repenser les relations entre la population locale et le marché et entre les acteurs de l’œnotourisme et les habitants. C’est l’introduction d’une vision humaniste dans une acceptation large qui inclus la dimension émotionnelle, créative et éthique.

Par exemple cette économie du partage se construit spontanément autour de la station La Bulle Verte, où des inter-dépendances productives s’installent de fait.

En installant une solution de mobilité douce au cœur du village, celui-ci cesse d’être une destination mais devient un point de départ. Le vacancier pourra rayonner autour. A bicyclette, de caves en caves, d’un producteur à un restaurant, d’un artisan à une chambre d’hôte, la temporalité change.

Le visiteur, qui pédale au rythme d’une humanité retrouvée, goûte le pays aux sons de ses rencontres avec tous les acteurs du village. C’est redéfinir sur des bases intuitives et sensorielles une connaissance du terroir que nous avons oublié : c’est enchanter à moindre coût un consommateur gavé de simulacre.

La compréhension des enjeux locaux et l’appropriation des valeurs territoriales par le touriste sont propres à engendrer une perception d’authenticité grâce à la résonance issue d’une connexion humaine construite hors des champs purement consuméristes.

Ce défi d’une économie incluant écologie et sociétés pose la question d’une rupture de modèle et de discours sur les valeurs. C’est faire des métiers de l’accueil un outil pédagogique. La pensée « glocal » est effective : en pédalant chez soi, on œuvre à préserver le patrimoine commun.

En rebondissant sur la notion d’empowerment, le besoin de participation du citoyen peut prendre forme avec l’offre vélo. Elle agit sur la triade Proactivité – Collaboration – Engagement : Pédaler c’est participer activement à la réduction de GES. C’est faire ensemble en allant à la découverte sur un mode slow. C’est profiter de l’effort durable des uns, le prolonger, le faire croître en partageant valeurs et pratiques : Activités productrices de sens et symbiotique.

Un œnotourisme à vélo est holistique par définition.

  • Il s’adresse au corps et le reconstitue.
  • Il est social car souvent collaboratif et engendre des rencontres.
  • Il est psychologique car il intervient fortement sur les affects et les sentiments.
  • Il est spirituel parce qu’il traduit un engagement de la part du visiteur.

De plus, la promenade à pieds ou à vélo participe à la construction émotionnelle du paysage. Ce cheminement intime et inspirant que l’on nomme topophilie**, installe le territoire dans une relation spécifique. Ainsi, les espaces parcourus prennent de la valeur et s’ancrent dans la mémoire.

Un village, un groupement de producteur, une ComCom en offrant l’usage de ses paysages aux cyclistes pourra envoyer un message différenciant fort et positif.

Mais penser la sobriété ne signifie pas régression sociétale, c’est aussi élargir le champ du progrès humain. C’est faciliter la résilience des infrastructures en anticipant les impacts (gestion de l’eau, artificialisation des sols, respect des populations, préservation des éco-systèmes …) et en imaginant une relation au marché basée sur l’offre plutôt que sur la demande.

C’est communiquer en interne, en travaillant sur des valeurs communes, en se recentrant sur un sentiment d’appartenance qui s’apparente au Terroir d’antan (ces espaces ruraux qui ont du goût) loin de l’agri-business et construisant une gestion plus horizontale du territoire.

Le défi durable repose sur l’effort collectif : « Il ne peut y avoir d’entreprise durable dans un système non durable » !

La Solastalgie * : « le sentiment ressenti face à un changement environnemental stressant et négatif ». p11 – Les émotions de la Terre – Glenn Albrecht – Editions Les liens qui libèrent

**Topophilie : La topophilie est un fort sentiment d’un endroit, qui se confond souvent avec le sens de l’identité culturelle chez certains peuples et l’amour de certains aspects d’un tel lieu.

Stratégie œnotouristique de l’Occitanie 2021

Entre septembre 2020 et janvier 2021, j’ai construit en collaboration avec les services du CRTL et de Céline Guérin, Chargée de Mission agri-œnotourisme, la stratégie œnotouristique de l’Occitanie en définissant le positionnement et travaillant avec les 4 bassins à la précision de leurs identités.

Le plan d’actions et les recommandations ont été communiquées auprès des acteurs de l’œnotourisme de la région lors d’une visio-conférence le 12 avril 2021

Comment transformer son offre œnotouristique en propositions durables ?

A l’image de la transition d’une production viticole qui passerai du conventionnel vers le bio, l’approche durable implique une adaptation de la vision du vigneron touristique et sa mise en action en pratiques vertueuses.

Vert c’est plus joli à condition de tenir ses promesses

Le virage écologique est une tendance de fond. On le voyait venir depuis quelques années, la crise sanitaire a accéléré le mouvement radicalement !

La tentation marketing d’introduire un message éco-responsable dans l’offre standard est forte : pour un coût moindre, on obtiendrait une certaine visibilité et un regard bienveillant de la part des consommateurs sans cesse plus sensible à cette problématique.

On comprend bien les avantages, qui pour un investissement faible permettrait de se différencier et de capter une nouvelle clientèle.

Mais il s’agit là d’un jeu dangereux : « Mentir ne sert qu’une fois » disait Napoléon !

Les visiteurs séduits par cette offre, en découvrant la supercherie du Green Washing et de cette expérience déceptive, s’en souviendront en la black listant et même peut-être en pratiquant un « bouche à oreille » qui serait défavorable.

Car, pour beaucoup, consommer vert c’est consommer éthique. La confiance est fondamentale dans la relation client, elle doit se fonder sur un partage de valeurs qui unissent, rassurent et permettent de se projeter dans une effort collectif d’amélioration du bien commun.

Le Château des Tourtes à choisi la solution La Bulle Verte

La communication par l’exemple

En adaptant une phrase trouvée dans le manifeste * d’Andréas Webert et d’Hildegard Kurt, « la vigne n’est pas une ressource à exploiter mais une source de vie, terreau d’identité » on peut définir une vision entrepreneuriale consistant à faire de l’accueil durable un outils d’attractivité.

Il est important de bien faire correspondre les gestes aux paroles. Ainsi, toutes les actions de la propriété viticole doivent être tangibles pour le visiteur.

La consommation hédoniste de l’œnotourisme & de l’agritourisme est principalement intuitive et fonctionne sur des logiques d’appropriation. Le visiteur achètera le plaisir et le bien-être du voyage, il choisira le prestataire pour sa promesse et la perspective de progrès de soi incluses dans ce programme.

Ainsi le contenu qui permettra au visiteur de participer à l’amélioration de la planète doit aller au-delà des discours, elle doit être réelle et perceptible.

Bien-sûr, les démarches de labellisation (Clé Verte …) fondées sur le respect de critères strictement observés sont des arguments d’importance. Mais, dans la logique de participation et de coproduction transmoderne**, le citoyen client écosensible appréciera cette implication dans la protection du vivant en évaluant la capacité à mettre en œuvre des actions sincères.

Explorama donne du sens et permet une relation intuitive au paysage

Taper dans le M.I.L. : des outils pour rendre visible votre démarche durable

C’est parce que l’on sera capable de transformer une idée en réalité que l’authenticité de la démarche durable sera interprétée comme justification de la volonté durable du domaine : les relations avec le terroir et la marque seront d’autant plus fortes et pérennes.

Les options choisies par l’acteur œnotouristique sont variées. Dans le domaine des « activités » je distingue trois entreprises complémentaires qui permettent réellement de procurer un bénéfice client et un avantage concurrentiel.

  • Mobilité : La Bulle Verte
  • Interprétation : Explorama
  • Local : Wine’n Go
  1. La Bulle Verte offre la possibilité au visiteur d’une pratique reenchantée du paysage avec les bicyclettes électriques. Cette expérience renouvelée se situe à la fois sur le confort d’usage, sur la sécurité (recharger son véhicule), sur la nouveauté (autonomie, autre temporalité, relation au terroir renouvelée), sur un engagement (vivre en harmonie avec son environnement).

Les avantages pour le metteur en marché (vignerons, hébergeurs, communes …) sont nombreux. En installant une station de rechargement, ces derniers s’inscrivent dans la tendance dynamique d’une demande en pleine croissance. La visibilité et la différenciation est une conséquence qui sera génératrice de flux et de valeur (chiffre d’affaire, fidélisation, partage social …). Cela permet enfin d’affirmer un positionnement slow et durable de l’entreprise.

  • Explorama donne du sens. C’est un outil qui aide l’entreprise viticole (mais aussi des camping, parcs d’attraction, institutions territoriales …) à valoriser un patrimoine naturel ou culturel. Entre information et gaming, cette solution enrichit la compréhension des lieux visités et respectant la liberté de mouvement de l’utilisateur, son rythme propre et la dynamique du groupe.

Pour le professionnel, c’est une opportunité de diversifier son offre et de proposer un prétexte de retour pour aller plus loin dans la rencontre visiteur / terroir. Ce moyen didactique partage les messages et les valeurs de la marque en animant, divertissant et en informant la clientèle. Le visiteur sera surpris et il reviendra.

Wine’n Go pense la relation client pour garder la valeur sur le territoire
  • Wine’n Go pense à l’usager et à son confort. En utilisant cette application, le professionnel garde contact (avant,pendant, après) avec le visiteur en lui recommandant les « bons plans », en lui faisant bénéficier du réseau local, en lui permettant d’avoir le sentiment d’être du pays. C’est autant un outil de conciergerie qu’un moyen de communication : votre site et celui de vos partenaires aident le visiteurs en l’assistant à construire son séjour « à sa mesure ».

Générateur de chiffre d’affaire direct (pour le prestataire et ses partenaires) en gardant la valeur sur le territoire (cela participe à l’affirmation RSE de l’action réceptive) c’est une manière de rassurer le visiteur en l’accompagnant digitalement. Il s’en souviendra et recommandera auprès de ses proches, ou même il réservera à nouveau.

La crise sanitaire accélère le changement, l’envie de voyager ne tarit pas mais elle est transformée par une conscience durable plus exacerbée.

Le producteur agricole, le professionnel du tourisme et le vigneron en phase avec la vision durable du tourisme ont ici avec ces trois solutions l’opportunité de sortir du storytelling standard et de mettre en action une vision avec des offres durables : le client déculpabilisé n’en sera que plus reconnaissant !

Avec ces trois outils, l’acteur œnotouristique ou agritouristique peut transformer son offre sans totalement remettre en cause son management et son plan d’action à court terme. Voici des moyens qui apportent de la valeur pour tout le monde – visiteurs et professionnels – une redéfinissant une promesse sur des bases sincères et positives.

*« Réensauvagez-vous » – Edition le Pommier – d’Andréas Webert et d’Hildegard Kurt

**Définition de Transmodernité se référer au livre de Rosa Maria Rodriguez Magda – « La condition transmoderne » – Edition l’Harmattan

L’authenticité et la quête de sens dans l’œnotourisme partie 2

Marchand de bonheur … et d’authentique ?

Les chercheuses Marocaines F Ezzahra Ouboutaib et S Mekkaoui 8 ont identifié les facteurs qui participent à l’accession du sentiment d’authenticité :

  • -L’origine du produit
  • -Le savoir-faire ancestral
  • -L’amour du métier
  • -La Co-création du réenchantement

Elles sont parvenues à définir ce qui fait la force du terroir avec les trois premiers points qui caractérisent parfaitement le concept d’AOC et d’appellation. La dernière occurrence concerne plutôt les métiers de l’accueil.

Le vin est le lien entre le lieu, le terroir et celui qui le visite, l’œnotouriste. Il propose une atmosphère et supporte une ambiance … L’authenticité actionnée par la dégustation rend réel un sentiment de ce que devrait être le pays. Dans le verre se trouve héritage culturel, paysage, passion qui une fois le breuvage ingéré va transformer le touriste : il fait un peu partie du pays maintenant.

Du dehors il entre symboliquement, il appartient à la destination, c’est un autre « chez soi » : il est dedans. Une vraie potion magique !

Mais les frontières de l’authentique sont très personnelles. La « mise en scène de l’authenticité » selon Mac Cannel implique que « la conscience touristique est motivée par son désir d’expériences authentiques ». Pour Cova et Cova cela entraîne une quête de « singularité » et de « vérité ».

Pour Kim et Jamal, la société moderne avec son usage excessif du marketing et son obsession pour l’économie est devenue « inauthentique et aliénante», cela a induit un « manque » qui doit être « compensé » par une quête d’authenticité.

Une part du désir du vin et du voyage se situe dans le besoin de compensation. Une bouteille contient le savoir-faire du vigneron, le paysage patiemment construit, les légendes du terroir … et le voyage recèle l’idée d’un ailleurs et d’un ressourcement…

R Christin cite Guy Debord (Commentaires sur La société du spectacle Paris Gallimard 1992), « l’image construite et choisie par d’autres est le principal rapport de l’individu au monde qu’auparavant il regardait lui-même »12.

Plus que dans toute consommation, l’expérience du visiteur est une co-construction permanente. Cependant elle dépend de l’attitude sincère ou sur-jouée des hôtes. La relation au terroir passe toujours par une rencontre, un médiateur, un « stimulateur » (energizer en américain) selon R Cross 9.

Dans le cadre de prestations œnotouristiques professionnelles, c’est-à-dire selon les standards internationaux & digitalisés de l’accueil, « l’employé personnalise le service »…il « vend sa personnalité dans le but de vendre » !

Ce « Faux Moi » 10 selon Arlie R Hoschild, à l’instar des hôtesses de l’air qui sourient professionnellement et que tout réceptif a vécu une fois dans sa vie, met à distance les individus. Distance de l’hôte(sse) avec soi-même dans sa fonction et sa personnalité, distance aussi entre l’hôte(sse) et le visiteur, entre le pays visité et le visiteur.

Faut-il du spectaculaire à tout prix ?

Le vin en lui-même est une expérience. Combiné aux arcanes du tourisme, lui aussi source d’expérience, l’œnotourisme est très prometteur en enrichissement personnel.

C’est ici qu’intervient la scénarisation du service touristique autour du vin. Il s’agit de régler le moindre détail, d’assurer le jeu de tous les acteurs et d’harmoniser la prestation. C’est un travail qui doit paraître invisible et fluide aux yeux du visiteur. La vision de cette mise en scène est de préserver tout ce contenu implicite et attendu qu’il y a dans la bouteille de toute altération. C’est de faire plaisir tant au voyageur qui cherche à apprendre, découvrir, partager … qu’à l’hôte qui tient à transformer son effort en valeur (économique, relationnelle, promotionnelle …).

C’est un vrai travail ! C’est le fruit d’une analyse et d’une réflexion en amont pour adapter l’existant selon les contraintes du marché que l’on peut résumer en l’attente du client, la Culture d’origine, du réseau de distribution et du moment de l’expérience.

Le Design d’expérience est un art délicat ! Toute la problématique est de pourvoir formater (soucis d’exploitation quotidiens, adaptation aux conditions locales, standardisation selon les normes de la distribution digitales …) l’offre sans dénaturer ce qui fait le charme de l’œno-destination : ce quelle a de vrai, de sensible, de vivant …

C’est aussi éviter de la surenchère émotionnelle : utiliser l’image du Terroir pour en faire un supermarché du WOW en accumulant les effets visuels, les spots instagramables, scénarisant des activités fortement ancrées dans une ruralité porteuse de tradition …

En ne voulant « pas muséifier les climats de Bourgogne » et en créant « une relation harmonieuse entre ces activités et la protection du site » l’institution Patrimoine mondial de l’Unesco participe à la préservation de l’authenticité heureuse du pays. 

« L’industrie touristique affiche les signes désincarnés et stéréotypés d’une altérité prise en charge par le marketing » 12.

Ainsi, sous prétexte de rendre actif un visiteur, ce type de mise en scène tendrait à le rendre plutôt en attente d’émotions servies sur un plateau, dans une forme de passivité où l’effort viendrait de la structure d’accueil qui appliquerait la bonne vieille recette des 5 S (spectaculaire, sensible, sensoriel, surprise & signifiant).

La quête de sens et l’authenticité risquent d’en prendre un coup. Ou bien faut-il considérer que le visiteur, vient jouer lui aussi, qu’il achète l’idée du vrai sachant qu’on en est loin ? Et si faire quelque chose de non authentique dans un contexte d’authenticité lui suffisait ?

Une « murder partie » dans des caves creusées centenaires, un pique-nique 10 mètres au-dessus du sol dans un chêne vénérable, un « serious-game » dans les vignes pour comprendre les écosystèmes d’un vigneron biodynamique seraient une supercherie de l’œnotourisme ?

Le visiteur désire corriger sa « pseudo-vie » faite de pratiques urbaines hyper disponibles et de la communion artificielle à la société du spectacle. Cela le conduit à « se plonger dans des ambiances inédites et ravissantes » ou sa « participation affective et immédiate » lui permettra un «  vécu dans une vibration inédite » pour lui pense Bruce Bégout.

Standardisation versus authenticité ?

Mais qu’est-ce qui détermine l’authenticité ?

  • -Les caractéristiques propres du produit qui attestent de sa véracité (une visite de vigne avec le vigneron ou une Bouillabaisse maison au restaurant à Marseille)
  • -Le contexte dans lequel se déroule la prestation (une fête vigneronne dans un village ou une rencontre inopinée avec un autochtone)
  • -La certification officielle du produit acheté (vin AOP ou service labellisé Vignobles & Découvertes)
  • -Les recommandations qui ont orienté les choix du consommateur (les conseils d’un ami pour la visite d’un domaine ou un avis TripAdvisor pour la réservation d’une Chambre d’Hôtes)
  • -Les références personnelles : lectures, souvenirs, dégustations, conversation … qui orientent le client vers un processus d’appropriation de l’offre

Le monde se complexifie et il y a une vérité par individu. Comme il y a une expérience par client, y aurait-il une authenticité par visiteur ? 

Sachant que cette notion de conformité (vers la vérité) peut signifier – la recherche d’un monde différent, la perception identitaire d’une population locale, le cliché de traditions, une nouvelle vision de la mondialisation, la visite de lieux ayant préservé leur style de vie ou le fruit d’une expérience – on envisage clairement la complexité du propos.

  • -Les vendanges touristiques, qui sont l’évocation d’un temps fort de l’année vigneronne où le visiteur est mis en action n’a rien à voir avec le travail harassant qui dure une ou deux semaines ni avec le repas collectif qui conclue la récolte.
  • -Les fêtes vigneronnes (Saint Marc à Châteauteuneuf du Pape, Saint Vincent en Bourgogne ou à Saint Croix du Mont par exemple) tentent d’évoquer une tradition qui semble oubliée même par les anciens du terroir.
  • -Un wine tour animé par un talentueux médiateur n’est finalement qu’une tentative d’imitation de la vie d’un sommelier en tournée en jouant la visite de vigne, la dégustation sur cuve, l’analyse sensorielle…

Ces quelques exemples, représentatifs de pratiques professionnelles de qualité pourraient être variablement qualifiés selon l’usager.

Un territoire authentique est jugé comme « inchangé », « dans son jus » voire « rustique ».  Les messages envoyés aux visiteurs sont à double tranchants car cela pourrait aussi se conclure en une expérience négative qui pourrait signifier « refus de changement, d’adaptation et d’évolution »

Avec le désir paradoxal des clients qui cherchent le confort moderne combiné à l’authenticité, plus d’un marketeur, a que quoi devenir schizophrène !

Rodolphe Christin, dans son livre Manuel de l’antitourisme a un nom de chapitre évocateur : « Plaisirs simulé, jouissances programmées : standardisation du monde » 4. Il y analyse la standardisation de la mise en tourisme sous trois aspects

  • -Standardisation des espaces d’accueil
  • -Standardisation de l’accueil dans ses mentalités
  • -Standardisation des pratiques touristiques elles-mêmes

Il parle de management du monde !

  • -Comment rendre les vignobles accessibles en préservant la fraîcheur identitaire des Terroirs ?
  • -Comment construire des relations hôtes / visiteurs sans promesses frelatées par le souci concurrentiel de l’attractivité ?
  • -Comment faire fonctionner une économie sans casser la poule aux œufs d’or de l’intégrité et de la sincérité ?

Pour les acteurs de l’œnotourisme la problématique est complexe : tout se résume entre la gestion d’un écart entre l’idéal (préservation de ce qui est en s’enrichissant) et le réel (risque de surtourisme, de Parkerisation et d’hyper spécialisation laissant les autochtones sur la touche).

La compréhension rapide et flexible d’un nouvel environnement économique sera absolument indispensable à la survie des pros du tourisme nous dit Guillaume Zaffaroni.

Ce co-fondateur de WAG.travel, dont l’objet est d’analyser les flux digitaux, indirectement pose la question d’un nouveau rapport au marché. Les bases d’une politesse post-moderne doivent suivre l’idée d’un respect d’une relation spontanée.

L’authenticité prédictive de l’Intelligence Artificielle n’est pas synonyme d’anonymisation marketing de l’offre. Ici, se situe le grand écart de l’œnotourisme, le dilemme ontologique : les contraintes touristiques de la standardisation versus la vérité du Terroir !

On retrouve des éléments identiques de réflexion au niveau du professionnel de l’accueil avec son travail émotionnel. Le travailleur réceptif doit pour assurer ses fonctions endosser un rôle. Il est sensé représenter la marque du lieu visité, le terroir d’accueil, le pays. Pour Arlie R Hochschild la relation s’établit autour de règles de sentiments constituées selon les organisations et / ou institutions qui  varient selon les cultures de chaque pays 10.

L’hôte peut-il rester lui-même dans ce qu’il est, dans sa culture individuelle et sa personnalité, s’il doit suivre les exigences comportementales demandées par son patron ou les conditions de vente (relation b2b, programme vendu …) ou les demandes plus ou moins explicites des voyageurs (de l’animation pédagogique au semblant de relation amicale, en passant par le spectaculaire) ?

C’est dans la rencontre que se trouve la valeur ajoutée (vente, fidélisation, partage digital, recommandation …)

Sachant que le vin mais aussi le voyage, tirent une bonne partie de leur intérêt de l’aspect social qu’ils apportent (rencontres, valorisation de soi, expression de soit au travers de l’acte de consommation …), la relation humaine visiteur / hôte est de première importance.

La qualité perçue doit être de qualité. Emotionnellement authentique, où les messages commerciaux, institutionnels, non verbaux doivent concorder avec « ce qu’il se passe » pendant ce moment de vérité.

R Christin parle de simulacre « qui prend en charge le remplacement fictionnel du disparu (l’authenticité, la sincérité, l’intact), en substituant à son corps de chair un corpus de signes » 4.

Plus beau que profond ?

Très souvent les clients, même connaisseurs, sortiront de la cave avec le souvenir (et la satisfaction) de l’harmonie de ce qui s’est passé, plutôt que du goût du vin. Et cela d’autant plus que les catégories de visiteurs les plus sensibles au travail émotionnel sont celles (classes moyennes et supérieures) qui consomment le vin.

L’alchimie entre le bon, le beau et le contact constitue les bases émotionnelles. Le médiateur par son comportement tient un rôle de première importance.

 « C’est toute la différence du travail de surface et du travail en profondeur qui touchent différemment. L’un séduit et attire, l’autre interpelle et transforme »10.

Ainsi la recherche du wow et du spectaculaire à tout prix, mènent à un paradoxe qui peut provoquer un décalage entre une symbolique rurale et un utilitarisme affecté.  De pure rencontre terrienne ancrée dans le Terroir au simulacre de la Disneylandisation, c’est le marché qui fait la différence en plaçant où bon lui semble ce qu’il pense être du vrai.

« Lors de mon voyage en Californie pendant l’hiver 1995-96, je fus frappé par l’attention chaleureuse des hôtes dans les wineries de Napa Valley. Les premiers contacts excessivement empathiques et les « take care » de l’adieu étaient particulièrement soignés. En bon français, j’avais trouvé tout cela faux et surjoué … Mais avec le recul, je comprends mieux cette vision quand je prends en compte les approches Culturelles des deux continents : le vin est objet de Culture en France, sujet à hédonisme aux Etats Unis ».

L’œnotourisme est en tension entre le rêve du visiteur, la promesse marketing du secteur d’activité et les valeurs du terroir. Cette triangulation qui semble facile sur le papier, ne trouve pas systématiquement des réponses convenables selon les points de vue.

L’antagonisme est parfois important : métier chronophage, l’accueil implique à l’occasion des adaptations qui éloignent l’offre de l’essence même du vin et du pays visité.

Où se trouvent la passion, la convivialité, la détente, la perception d’une identité, le partage de valeurs … lorsque que le temps est compté, qu’un décor prétend reproduire un univers bachique, quand les installations sont conçues comme des « duty free » d’aéroport, quand des événements expriment plus le fruit d’une vision marketing qu’une démarche populaire, quand la population locale n’est pas au diapason d’une évolution territoriale dont l’économie est la seule vision ?

L’on comprend que la profession viticole « fasse de la résistance » et qu’elle ne désire pas se mentir à elle-même.

Dans ces conditions, « le système commercial s’approprie l’échange de dons privés en matière d’émotion » ou la « chaleur spontanée devient un argument de vente »10.

L’abyme entre une vie vigneronne rythmée par le cycle de la vigne a du mal à coïncider avec les exigences d’industrialisation d’un marketing touristique.

Une relation « qui ne fait pas semblant » ?

La cohérence entre la demande et la prestation est alors la source d’une sincérité réalisable. Elle dépend du contexte, du « timing » et du tempo des émotions, elle dépend aussi du médiateur avec son savoir et son humeur, qui par son pouvoir d’influence, changera la perception du sentiment d’authenticité.

Mais tout réside à la fin dans les compétences relationnelles mises en place. Le vin c’est la rencontre, l’une de ses valeurs fondamentales. Il appartient alors à l’entreprise œnotouristique de « coordonner ses émotions, de gérer les exaltations artificielles, de dissimuler fatigue et irritation … pour rentrer dans des normes relationnelles ».10

La relation interpersonnelle est le point central de l’accueil œnotouristique, c’est « un vecteur de vérité, c’est là aussi que se jouent les dissonances émotives.

Dans le cadre d’une relation commerciale, il n’est plus déshonorable de simuler » 10, de faire comme si l’on traitait les visiteurs comme des amis ou de la famille … La vérité médiatisée par l’émotion va dépendre d’une certaine forme d’illusion résultant de la mise en scène.

Donc, feindre la sincérité de l’accueil généreux et spontané pour … peut-être performer et obtenir l’authenticité au bout du compte ?

L’empathie des hôtes qui répond à une idéalisation de la sociabilité, est orchestrée par l’entreprise, valorisée et mise en vente. Il s’agit d’un pacte implicite qui se traduit selon Hochschild par le visage : « la machine expressive »10.  Accepter cet engagement du jeu du je, de l’instrumentalisation, de l’amitié mise en scène, est la condition pour la réussite d’un business efficace.

Est professionnel en matière de réceptif œnotouristique, celui qui accepte la règle du jeu de la standardisation … Ce qui pourrait être perçu par certain comme un abandon d’une perte de sincérité, d’intégrité, d’authenticité !

conclusion : Le vrai est dans la rencontre

L’authenticité serait alors d’être vraiment en relation avec le pays visité, avec le terroir et les gens ? Un winetour vendu sur Viator provoquerait-il du désenchantement, instrumentalisant les acteurs car finalement on aboutirait selon Harmut Rosa à une « relation sans relations »2 ?

Et elle serait une part importante de cette expérience résonante qui transforme le visiteur et le pays découvert (aux yeux du visiteur) puisqu’elle serait le fruit de faits non prévisibles, indisponibles selon les termes du sociologue. Même si, dans le cadre d’une mise en scène, où l’ingénierie sociale qui est un « ensemble de techniques modifiant les comportements des individus », institue des rôles et des règles et dépendent des institutions et des Cultures. Arlie R Hochschild 10

Eva Illouz considère « l’authenticité émotionnelle comme un dispositif social, une chaîne de rituels et d’objets, déployés dans un espace accueillant : l’authenticité comme une performance »3. Concept qui prend une valeur particulière quand on sait que le cerveau à une « disposition à faire preuve d’émotion sociale » 11.

Je laisse conclure le philosophe américain Charles Taylor qui interprète « la validité de l’authenticité quand elle est incluse dans un cadre collectif alors qu’elle ne l’est plus quand les objectifs sont centrés sur le moi ».

Voilà toute la différence entre un buveur d’étiquette ou de « 100 points Parker » en transe parce qu’il entre en résonance avec la communauté des amateurs de vin et un auteur de selfie qui visite cette même propriété parkerisée pour partager sur les réseaux.

Anamnèse* : L’anamnèse découvre des « archétypes » qui n’appartiennent plus à l’individualité du patient, mais à l’inconscient collectif

1 Pine & Gilmore: Authenticity, what consumers really want ? – Boston – Harvard Business School Press

2 Harmut Rosa : Rendre le monde indisponible – Paris, La Découverte

3 Eva Illouz : Les marchandises émotionnelles – Paris, Premier Parallèle

4 Rodolphe Christin : Le Manuel de l’Anti-Tourisme – Editions Ecosociété

5 Luc Boltanski et Arnaux  Esquerre : Enrichissement. Une critique de la marchandise‪ – Paris, Gallimard

6 Roger Nifle  http://journal.coherences.com/article77.html

7 René Girard : Paris Mensonge romantique et vérité romanesque

8 F Ezzahra Ouboutaib et S Mekkaoui https://revues.imist.ma/index.php/PNMReview/article/view/16050/8940

9 R Cross, W Baker & A Parker What creates energy in organizations Slow Management Review 2003

10 Arlie Russell Hochschild : Le prix des sentiments – Paris, La Découverte

11 Antonio R Damazio : Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions – Odile Jacob Poches Sciences

12 Rodolphe Christin : La vraie vie est ailleurs – Collection Ecosociété

13 Bruce Bégout : Le concept d’ambiance – L’ordre philosophique – Seuil

L’authenticité et la quête de sens dans l’œnotourisme partie 1

« J’ai besoin d’air, j’ai besoin d’espace pour que ma pensée se cristallise. Je ne m’intéresse plus qu’à ce qui est vrai, sincère, pur, large, en un seul mot, l’authentique, et je suis venu ici pour cultiver l’authentique ». Jean de Florette de Marcel Pagnol

Véritable filon marketing, le thème de l’authenticité est un sujet assez complexe à traiter. Il reflète un désir spontané de la part des consommateurs. Ce besoin est amplifié par un monde dominé par l’économie et la finance, subjugué par la communication dont on sait qu’elle est de moins en moins vraie.

Parallèlement, les clients changent : ils sont de plus en plus blasés, impatients, instables et en même temps cherchent à s’impliquer, s’identifier et s’exprimer dans l’acte d’achat. On peut y voir les effets de la digitalisation du monde.

Pine & Gilmore 1 affirment que « le marketing a fait de l’authenticité une qualité du produit avant d’en faire une qualité de l’entreprise elle-même », ils précisent d’ailleurs que « ce n’est pas une simple image attachée à l’objet mais une plus value économique » ! 

Vin & tourisme pour leurs dimensions sociales, sensorielles et expérentielles, hédoniques et psychologiques sont intimement en relation avec les définitions de l’authenticité. Les valeurs relatives à cet univers œnotouristique véhiculent la perpétuation de savoir-faire, d’identités, de pratiques et surtout motivent un discours qui invite les visiteurs à passer à l’acte : voyager.

Cultiver de l’authentique

  • -Est-ce que les vins de Liber Pater dans le Bordelais ou ceux du domaine Henry en Languedoc, vinifiés avec les cépages pré-phylloxériques, sont plus authentiques que ceux de leurs voisins vignerons ?
  • -Est-ce que des vendanges à l’ancienne, qui prétendent être authentique, le sont-elle réellement ?
  • -Pourquoi les visiteurs sont-ils à la recherche de services ou d’activités authentiques ?

L’ingénierie touristique vise à développer l’attractivité d’une destination pour en faire ressortir de la valeur : on utilise une expression à cet effet « la mise en tourisme » de …

Le Golfe du Lion a été mis en tourisme avec le plan Racine, la Culture a été mise en tourisme avec l’ouverture et la mise en scène d’espaces patrimoniaux et urbains, les vieux métiers, les paysages jusqu’à la vigne qui s’est institutionnellement structurée avec Vignobles & Découvertes dès le 3 mars 2009.

La Lavande, totem provençal, n’a été cultivée qu’au tout début du 20ème siècle, il ne s’agit pas d’une tradition multiséculaire, même si depuis des lustres sa récolte sauvage était traditionnelle. Un ancrage aussi ténu justifie pourtant une communication et surtout répond à une soif de la part des visiteurs de s’accrocher à une idéalisation. Cette plante aux nombreuses vertus s’en est vu adjoindre une nouvelle, en réifiant l’art de vivre provençal.

Cette transformation de gisements d’activités (paysages, activités Culturelles, savoir-faire, patrimoines immatériels et gustatifs, activités physiques, artistiques ou intellectuelles …) procède toujours de la « mise en valeur » du potentiel pour améliorer l’attractivité, pour différencier la destination, pour rendre séduisante une offre parfois un peu terne.

La marchandisation du tourisme

Il s’agit donc de valoriser. Une action d’ingénierie touristique consiste alors à transformer un potentiel d’attraction en valeur, monétaire de préférence !

Valoriser sous cet angle reviendrait à « rendre disponible » 2 ce qui est en gisement. C’est-à-dire, au vu d’un mode de consommation, détecter et extraire un contenu marchandisable.

« L’expérience technologique … met le monde en spectacle … l’individu devient un simple spectateur qui n’a qu’à manipuler des boutons » nous dit Rodolphe Christin dans son La vraie vie est ailleurs. Le consommateur en vient a désirer des images construites par d’autres que lui, ce qui simplifie son approche du monde, à la stéréotyper.

La marchandisation affecte les destinations, les vignobles, les appellations … Voyager dans le Pénédès n’a pas le même impact émotionnel que de visiter le vignoble de Mosel : le contenu, les valeurs, la signification de ces dernières … tout cela, même si les gestes sont sensiblement équivalents, procure des résultats très différents.

Ce contenu d’expériences, qui est au centre de la sphère de la consommation, selon Eva Illouz 3 a pour effet « de libérer le moi de l’individu, d’en affirmer son authenticité, de l’épanouir émotionnellement ».

Au 21ème siècle, à l’ère du post-modernisme, l’individu s’exprime par la consommation. De ce point de vue, E Illouz distingue l’authenticité objective, qui résulte des propriétés intrinsèques propres aux objets et une authenticité subjective, résultant des perceptions et de l’expérience du consommateur.

Ainsi les paysages ligériens, doux et parsemés de Châteaux offrent un potentiel de contenu caractéristique, reconnaissable et particulier qui se positionne différemment de l’offre de la vallée du Douro, façonné de terrasses, à l’imaginaire et à la Culture singuliers.

Objectivement les opportunités d’expériences seront différentes même si les programmes se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

L’authenticité subjective est liée au degré de désirabilité du client : elle dépend du Moi Personnel et du Moi Désiré (Mattan Shachak 3). Elle est le fruit d’une projection, d’une Culture, d’un niveau de connaissance, d’accumulation de faits durant le voyage … A ce titre, l’authenticité est dépendante de la Culture du visiteur comme point de référence.

Message Instagram 9 ans après le service œnotouristique

J‘ai le souvenir de stagiaires œnotouristiques qui avaient été très déçus par la visite d’un grand château Bordelais. Bien que la prestation fut parfaite (qualité des informations, disponibilité du guide, organisation réceptive), les élèves avaient trouvé le service trop « froid » trop « lisse » … à des lieux de leurs représentations du vin. L’aspect authentique de la vie Bordelaise était masqué par une mise en scène trop présente sûrement conçue pour d’autres cibles clients.

J’ai eu l’occasion de guider des groupes de visiteurs internationaux sur des types de prestations identiques. Leurs éléments de qualification du sentiment d’authenticité très différents, étaient basés sur le fait de pouvoir toucher ce qui fait la France en vivant enfin ce qu’ils avaient projeté initialement : les sons, les odeurs, l’ambiance …

Par ces exemples on comprend que les critères du sentiment d’authenticité dépendent des attentes initiales. Avec le premier cas, le voyage motivé par l’étude, avait pour cadre la projection d’un futur professionnel idéalisé. Dans le second, le désir était fondé sur le dépaysement, la consommation d’expérience, le partage avec le groupe, le tout contribuant à la construction d’un soi nouveau.

L’expérience authentique de soi

Dans une perspective post-moderniste, globale et digitalisée, où l’autopromotion tient pour règle de vie, « l’authenticité s’impose comme une exigence sociale ». On comprend de fait l’émergence des coachs personnels, du « Quantified Self » ou du soin de l’image de soi. Poster un selfie ou être actif sur Instagram est une stratégie de Personal Branding.

Et le vin dans tout ça ? On sait que le vin va bien à Instagram. Les valeurs du vin et son appropriation (élitisme, hédonisme, art de vivre…) peuvent être très photogéniques. En cela voyager est également très tendance au 21ème siècle. Ca se like très bien !

Par ces actions on se distingue, on se rend indispensable par le pouvoir d’influence, par ce discours personnel fondé sur l’émotion vécue et sincère : « c’est l’authenticité émotionnelle plus que l’authenticité factuelle qui est source d’autorité 3.

Toute l’industrie touristique et le monde du vin dans une moindre mesure basent leur force de conviction sur le rêve et la promesse : Hartum Rosa 2 explique que « la logique de la marchandisation capitaliste et du consumérisme se fonde sur le fait de répondre à la soif de résonance sous forme de promesse de disponibilité et d’orienter le désir qui guide l’action vers l’objet »

Il fait une différence entre appropriation et assimilation. Pour lui, l’appropriation résulte de la pratique d’un programme fonctionnel (interprétation paysagère, dégustation commentée, cooking class) sans entrer en résonance avec le pays ou le vin.

La résonance est l’accès à l’assimilation, c’est-à-dire ressentir pour de vrai ce qui n’est pas automatiquement prévisible et vendable, c’est enfin accéder au rêve parce qu’il devient réalité, c’est de mettre une sensation sur un concept que l’on a découvert sur un site ou une brochure …

C’est ce désir transformé en promesse qui tient dans l’énergie vitale de l’authenticité subjective !

A chaque désir correspond une offre. Ce matériau touristique, la plupart du temps tangible et sensible, a la particularité de s’immatérialiser par la magie de la distribution et de devenir un objet de consommation « froid », qui transforme le désir de vivre quelque chose en objet commercial.

Le rêve d’un style de vie, l’intuition d’une saveur, la projection d’une expérience … une fois couchée sur le papier glacé des antiques catalogues ou des sites internet, deviennent des offres anonymisées dans un process automatique de vente.

Du tourisme élitiste fin XIXème, en passant par les congés payés et la massification de la consommation touristique, le contenu a muté, passant de l’inédit, l’unique et inattendu d’antan à la promesse, la garantie, et la compensation commerciale contemporaine. « La prise de risque du voyageur  a disparu » 4 et a laissé la place au touriste acheteur d’un contenu essentiellement fonctionnel.

Mais en passant à l’échelon digital, la massification est également devenue une opportunité de personnalisation, transformant du coup le légitime désir d’inédit en industrialisation des désirs du futur visiteur.

L’idéal et l’immatériel

Il est des secteurs plus ou moins standardisables. Tous ceux relatifs au sentiment d’appartenance, au goût, à la manière d’être, à la Culture du lieu sont moins propres à entrer dans les cases du marketing touristique.

Ces univers de « résistance » à l’industrialisation des services deviennent de ce fait encore plus attractifs simplement par le fait qu’ils sont rares et difficiles d’accès. Leurs côtes augmentent, comme en parlent Luc Boltanski et Arnaux  Esquerre 5 avec leur développement sur la théorie de la Valeur de l’ancien.

«L’attractivité des modes de vie » du Luberon trouve son expression dans une pseudo restitution du bâtit en « pierre sèche ». Territoire colonisé dans les années 60, le parisien récemment provençal a projeté son attachement au pays en grattant les enduis pour retrouver l’idée d’un authentique idéalisé.

Contresens colossal quand on sait qu’au siècle précédant, le paysan enduisait le mas à la chaux pour se protéger des intempéries mais aussi ostentatoirement pour prouver qu’il en avait les moyens.

« L’identité communautaire est le témoignage d’une vocation culturelle et de tous ses caractères au travers des modes d’existence projetés dans le futur et nourrie d’une anamnèse* reconstruite pour une authenticité choisie, révélée » pense Roger Nifle 5.

Et comme avec l’exemple de la French Riviera à la fin XIXème, dévolue aux Princes Russes et Lords Anglais, la convoitise de la masse a amené à copier « l’élite ». D’un Maupassant qui écrit « Sur l’eau » à « Tendre est la nuit » de Scott Fitgerald, l’utopie de la destination a été suffisamment puissante pour installer la « Jet Set » chère à Moravia dans une mémoire collective génératrice par la suite de flux touristiques.

On passe d’une pratique intime au mythe puis l’on glisse vers l’exploitation de ce gisement vers le développement de toutes les variantes consommatoires de la destination grâce à la force magique de la narration.

Tous les lieux / services encore vierges risquent de suivre le même chemin. Ainsi Haut-Brion et Romanée-Conti ont été totemisé, ouvrant la voie à tous les Pendfold Grange ou Mondavi de la planète.

Le combat des anciens et des modernes

Le vin également, fait communauté autour d’un imaginaire largement mondialisé, basé sur une tradition, une origine, une certification … une authenticité.

Ainsi s’est construite la filière œnotouristique, tout du moins en Europe.  Le phantasme du voyage viticole s’est établi autour d’une quête de nature et de ruralité, d’ancrage et d’héritage culturel, d’éveil des sens et d’apprentissage.

Tout cela a évolué entre deux références dominantes : le château prestigieux et le vigneron artisan. En caricaturant on pourrait parler des modèles Bordelais et Bourguignon. Le premier développant un discours basé sur la réputation, l’histoire et l’architecture ; le second parlant plutôt d’individu, de terroir et d’intimité.

Aucun n’est pire ou meilleur que l’autre : ce sont des visions du monde complémentaires.

Les valeurs du vin ont ceci de puissant qu’elles sont universelles, héritées d’un temps ancien et surtout intuitives. C’est un assemblage de Culture, de partage, d’émotion et d’expression. Cette complexité de l’imaginaire du vin complète heureusement celle du tourisme qui propose dépaysement, détente, apprentissage et émerveillement.

Le fond de commerce de l’œnotourisme est très riche d’une promesse qui fait sens dans un monde post moderne perturbé par une mondialisation angoissante, une emprise des médias sur nos cerveaux et des préoccupations écologiques sans cesse croissantes.

Les amateurs de vins naturels ou de crus prestigieux, les acheteurs de canettes ou de vins en amphore, les buveurs occasionnels ou les winegeeks se retrouvent tous dans la massive congrégation des perpétuateurs d’une relation au monde qui pourrait se revendiquer de la tradition et de l’authenticité.

Un antidote aux angoissantes pensées post moderne

Le 21ème  siècle est né avec la « sensation d’un monde chaotique, périlleux et incontrôlable »2, il change l’œnotouriste.

La course à la performance et « les promesses d’une modernité plus efficace, plus rapide, plus créative génèrent une peur non pas d’avoir plus mais d’avoir moins »2 (Nous sommes tous en concurrence avec autrui).

Ainsi l’accès au monde augmente en quantité (mobilité, information, communication…) mais diminue en diversité et perd en qualité du fait de sa technicité et de son institutionnalisation despotique.

Etre plus riche (argent, contacts sociaux, accès aux informations …) est-il synonyme de plus de bonheur ?

L’être post-moderne est désabusé : un individu aux passions froides et aux joies tristes. La sensation de futilité liée à l’absence de relations avec ce qui nous entoure entraîne vers un état de dépression qui selon Hartmut Rosa serait la peur fondamentale contemporaine.

Il a de plus en plus conscience de l’absurdité du monde et se retrouve tiraillé

  • -entre son besoin d’évasion et de changement
  • -sa conscience responsable de destructeur

La perte de contrôle des buts & des moyens mènent à l’aliénation comme le disait Karl Marx. Max Weber  pensait que la perte de contact et d’échange avec le monde entraîne le désenchantement. En réponse, nos contemporains sont en quête de sens, de pure & d’authentique comme solutions à cette perception du néant.

On voit bien les arguments de l’œnotourisme dans une telle situation.

Le vin et la visite des vignobles comme médecin du mal du siècle. Antidépresseur sociétal et universel ? Pourquoi pas ? En tout cas, il constitue l’une des solutions à ce monde en risque de déshumanisation, en pleine rupture historique avec le rural et frustré de relations humaines franches et bienveillantes.

Avec l’œnotourisme, on est en train de réinventer le Pharmacon et le Symposion de l’Athène antique. Remède et poison, le vin est sujet et objet de plaisir. On en parle, il fait parler … Il soigne corps et esprit. Intuitivement on a retrouvé son pouvoir charmant/charmeur : il fait sens, et cela doublement.

  • -Il signifie, c’est-à-dire qu’il permet de retracer le fils conducteur du terroir, de la filiation patrimoniale de générations de paysans et de traditions rurales. Il prend le débutant par la main pour étudier la géographie, la climatologie, la géologie. Il aide à comprendre l’héritage gourmet, le savoir-être culinaire dans une commensalité perdue par l’usage du Mac Do en face de l’écran. Il participe à la construction d’un nouveau langage et d’une expression plus fine. Il renforce l’expérience et la connaissance du buveur en le rapprochant de son alter ego et en lui permettant de se situer dans une société sans cesse plus mouvante…
  • -Il est sensoriel, parce qu’avant d’être cérébral, le vin est intuitif. Il parle au regard, à l’odorat, au goût et à l’émotion. Il émeut par la beauté des paysages et de ses architectures. Il fascine pour sa rareté, son prestige ou par la simple camaraderie qu’il procure. Il est mémoire et sentiment, il est fierté et humilité. Il trouble par son ivresse aussi …

Grâce à cela le vin devient l’une des définitions de l’authentique, qu’il tend à personnifier. Le vin c’est la vérité comme le disait le poète Alcée.

Il n’est pas surprenant que globalement le monde s’entiche d’œnotourisme.

Mais qu’est-ce que l’authenticité ?

On définit l’authenticité ainsi : « ce qui est vrai, pur … exprime avec sincérité et engagement ce qu’il est profondément »

Le mot « authentique » du tourisme résonne aux mots « pur » ou « naturel » du vin. Une enquête sur Think with Google prouve l’intérêt pour le sujet et révèle qu’en « 2016, les requêtes voyage avec le mot authentique ont progressé de 66,6%. De 22% avec le mot  insolite »

On connait bien les succès des vins naturels qui supposent une réappropriation par les vignerons du lien à la terre, au produit et à la vie.

Rien de surprenant que cette recherche séduise une population plutôt jeune et urbaine, coupée de la ruralité : au-delà du vin lui-même, les consommateurs l’absorbent par analogie cette Arcadie qui fait encore rêver.

Il s’agit de trouver une définition pour ce concept sybillin d’authenticité touristique et d’essayer d’y voir plus clair. Les chercheurs Xie et Wall le qualifient « d’actif intangible et de jugement de valeur ». Mais l’authenticité est un concept à géométrie variable selon l’individu ou l’institution qui intervient dans la chaîne de valeur.

Entre objectivité (SIQO Signes d’Identification de Qualité et d’Origine) et subjectivité, l’œnotouriste navigue entre son rêve de voyage, les moyens mis pour le réaliser et le contexte dans lequel il va se dérouler : Tout va dépendre de la perception du voyageur et de ses interactions avec les acteurs de l’œnotourisme.

Les médiateurs, travailleurs émotionnels sont de véritables passeurs, des transmetteurs de savoirs et de passion. René Girard 7, a théorisé le désir triangulaire : le discours et le regard de l’intermédiaire sur le produit, va interférer sur la manière dont il sera apprécié par le client.

Depuis la digitalisation du monde, on parle d’Influenceurs et de followers : un nouveau modèle de promotion/communication particulièrement bien assimilé par les secteurs du voyage et du vin. Ainsi apparaissent de nouveaux outils comme Influbook qui est un réseau professionnel ouvert pour les influenceurs à bâtir leur réputation sociale.

1 Pine & Gilmore: Authenticity, what consumers really want ? – Boston – Harvard Business School Press

2 Harmut Rosa : Rendre le monde indisponible – Paris, La Découverte

3 Eva Illouz : Les marchandises émotionnelles – Paris, Premier Parallèle

4 Rodolphe Christin : Le Manuel de l’Anti-Tourisme – Editions Ecosociété

5 Luc Boltanski et Arnaux  Esquerre : Enrichissement. Une critique de la marchandise‪ – Paris, Gallimard

6 Roger Nifle  http://journal.coherences.com/article77.html

7 René Girard Paris Mensonge romantique et vérité romanesque

8 F Ezzahra Ouboutaib et S Mekkaoui https://revues.imist.ma/index.php/PNMReview/article/view/16050/8940

9 R Cross, W Baker & A Parker What creates energy in organizations Slow Management Review 2003

10 Arlie Russell Hochschild : Le prix des sentiments – Paris, La Découverte

11 Antonio R Damazio Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions – Odile Jacob Poches Sciences

L’accueil au domaine n’a pas pour objectif de vendre du vin

Bel article, de Nelly Barbé de La Lettre T Mag, sur l’opportunité de la crise Covid19 pour l’œnotourisme.

Œnotourisme durable : définition !

La planète est anxieuse … et depuis la crise du Covid 19 le sentiment de « Care » ou Prendre Soin a grandi … « On a pris 10 ans en 2 mois et demi » disent les médias !

Avec l’anthropocène, nous sommes entrés dans l’ère de la bienveillance sans être sorti de la dépendance à l’énergie carbonée.

Lorsque l’on cherche à croître, accepter le changement est de la plus haute importance

Le secteur touristique s’est déjà très engagé dans la voie du durable. Des départements comme le Gers ont entamé une démarche Slow depuis longtemps. Il invite les voyageurs à repenser leur usage des espaces. Ce tourisme différent propose un rythme propre à chaque voyageur, moins prédateur, moins industrialisé et plus inclusif.

De son côté, le secteur du vin, champion du bio dans le monde agricole s’est investit dans des pratiques culturales plus respectueuses. Entre HVE, Bio et Biodynamie, la gamme des adaptations possibles à une viticulture verte répond à de nombreux besoins en matière d’adaptation agricole.

Des appellations comme Faugères inscrivent dans leurs cahiers des charges la limitation du désherbage chimique et la fertilisation azotée. Cela a créé une vraie dynamique collective avec un taux de vignerons en bio. Ils sont quatre fois supérieur à la moyenne nationale.

Mais qu’est-ce que l’œnotourisme durable ?

En matière d’œnotourisme la réflexion se dessine doucement. Ce concept est loin encore d’être compris et partagé.

Imaginons un visiteur qui visite un domaine en biodynamie, qui dort dans un écolodge et mange dans un restaurant étoilé vert.

Pensez-vous qu’il est œnotouristiquement durable ?

Il le serait si son transport était vertueux (ce qui exclu d’emblée tous les utilisateurs d’avion pour des séjours courts). Si les dépenses occasionnées lors de ses excursions avaient des retombées principalement locales. Si sa consommation de services ne perturbait pas excessivement la vie des populations et des écosystèmes …

On le comprend il ne suffit pas d’avoir une ou deux composantes du programme touristique qui soient écoresponsables … Il faut que l’ensemble de la chaine de valeur de ce secteur soit le plus vertueux possible !

Cela prend en compte le spectre du parcours client, depuis les premières requêtes sur les moteurs de recherche jusqu’aux messages sur les réseaux sociaux pour partager les souvenirs de moments d’exception. Il faudrait évaluer l’impact énergétique, sociétal au même titre que celui économique de chaque action du visiteur.

Cela peut aussi se mesurer à l’aune des cinq principaux critères environnementaux  que sont :

  • La consommation d’eau
  • La consommation d’énergie
  • La quantité de déchets générés
  • L’émission de gaz à effet de serre
  • Le pourcentage de produits biologiques et écologiques utilisés

Un paradoxe au cœur de la Culture client

La clientèle œnotouristique est aisée et très consommatrice de gaz carbonique. Elle ne correspond pas automatiquement avec l’offre d’œnotourisme durable, sobre, responsable, solidaire.

L’amateur de vin est citadin, aisé et cultivé, hyper mobile et hyper connecté : un sybarite glouton.

Comme me le faisait remarquer James de Roany, le verre est une catastrophe écologique (les fours en fonctionnement 24h/24, son transport pondéreux génère beaucoup de Co2, son recyclage également). Sa société Green Gen Technologie projette de palier ce problème avec une bouteille faite en fibres végétales (lin, bambou, chanvre …) et participe également, même si cela est indirect, à rendre l’œnotourisme plus responsable.

Car il s’agit d’évaluer l’ensemble des acteurs qui peuvent entrer dans la composition d’un voyage œnotouristique : vers un transport moins polluant, bruyant ou encombrant ?

L’hébergement moins envahissant et dévastateur d’espaces non humanisés devrait être plus économe en énergie. La restauration moins gaspilleuse et plus engagée dans les circuits courts d’approvisionnement. La communication en générale, qui est fortement utilisatrice d’énergie (si le monde digital était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur derrière les USA et la Chine)…

Mais comment orienter les visiteurs vers une consommation plus sobre ?

Le tourisme durable c’est le tourisme de l’engagement !

le visiteur doit savoir pourquoi il vient !

L’œnotourisme durable s’inscrit dans une mouvance globale. La sensibilité écoresponsable n’en est plus à ses balbutiements.

  • -Une plateforme de réservation comme vaovert.fr permet de réserver des hébergements respectueux de l’environnement. Sa créatrice Mélanie Mambré grâce à un algorithme est capable maintenant de mesurer et qualifier le niveau d’engagement d’un hébergement éco-responsable.
  • Caro Feely vigneronne Sud Africaine installée en Dordogne et ancienne consultante pour Accenture considère qu’il faut agir avec envie. Le désir et l’engament des acteurs œnotouristiques doivent prévaloir pour « parler aux gens, partager les valeurs et toucher les esprits ».
  • La coopératives de Tain l’Hermitage a passé le cap et a atteint la norme ISO 26000 : c’est-à-dire qu’elle a décidé d’intégrer une logique de «progrès permanent et participatif, respectueux de l’environnement, respectueux des agents, et des hommes et des femmes à l’extérieur, tout en assurant la pérennité économique » wikipedia
  • -Iso 2600 également, le domaine de la Jasse près de Montpellier, favorise le déplacement doux avec l’usage de VTT & de Méhari électriques. Ce domaine place au centre de sa vision managériale le capital humain et environnemental.

L’œnotourisme durable : une vision partagée

« 86% des Français pensent que « notre manière de consommer est nuisible à l’environnent »

Outre l’aspect sociétal, les enjeux sont d’ordres relationnels et communicationnels. En activant les circuits de la conscience écologique l’entreprise intervient en interne sur son cercle proche de collaborateurs et d’entreprises partenaires. C’est ce que fait blb-vignobles qui a « lancé un challenge auprès de l’ensemble de ses parties prenantes » pour collecter et recycler les bouchons :  #BouchonsNous est une démarche éco-citoyenne organisée avec la Fédération Française du Liège.

L’idée est de permettre à ces derniers de s’approprier les valeurs durables de l’entreprise œnotouristique, de les responsabiliser et de leur donner l’opportunité de propager à leur tour cet engagement comme le propose le plan stratégique de l’OIV

  • -L’éducation à la consommation (confère la consommation responsable de Vin & Société)
  • -La transmission de la connaissance de la réalité vitivinicole (valorisation du métier)
  • -Le respect du produit, pour les hommes et les femmes qui travaillent dans les champs
  • -Des conséquences du changement climatique
  • -De valoriser le lien avec la terre (Terroir : le concept d’une vie collective)
  • -D’induire compréhension et respect pour la production
  • -De la prise de conscience de la crise climatique et des changements comportementaux à tenir

Ce cercle vertueux peut s’élargir aux intermédiaires b2b (la chaîne de distribution et de fournisseurs) et surtout vers les visiteurs en quête de découverte, de sens et d’émotion.

Enfin, Le tourisme à un rôle essentiel dans l’économie locale. L’entreprise viticole vertueuse, peut fortement interagir avec la population locale en évangélisant et montrant l’exemple. Cela va de toute évidence vers un tourisme plus alternatif, plus slow, plus humain.

Au carrefour historique d’une économie post-moderne, l’œnotourisme durable pour l’industrie viticole est une manière de valoriser son niveau minimum de professionnalisme en proposant une offre immatérielle basée sur l’éthique sociétale et environnementale.

En créant des emplois sur sites, en générant des étapes plus longues, en aidant les échanges humains et la compréhension des modes de vie on suit la tendance d’une demande croissante basée sur le Mindfulness : la pleine conscience, l’attention, la vigilance ou être en accord avec ce que l’on est !

Plus qu’un frémissement, cela semble s’affirmer avec les prémices d’un déclin du tourisme industriel (Faillite de Thomas Cook, vacillement de TUI, arrêt de la production aéronautique …) dont les modèles économiques prédateurs risquent de ne pouvoir continuer s’ils n’incluent pas des propositions sociétales. Et c’est encore plus vrai si l’on conserve la valeur ajoutée sur le territoire !

Pourquoi la période post-covid est une opportunité pour l’œnotourisme ?

La crise du Covid19 a été très dure, de nombreuses structures touristiques  & œnoutouristiques ont été frappées par les conséquences économiques de cette crise sanitaire.
Cependant, aussi étrange que cela puisse paraître, cette crise pourrait avoir un aspect positif !
La contrainte est créatrice ! Si l’on veut surmonter cette catastrophe sociale et économique il va falloir réagir rapidement compte tenu des conditions conjoncturelles.

 

En 2020  la donne va changer : « Une érosion d’environ 25% de l’ensemble des séjours personnels des Français, dont -12% pour les séjours en France et -53% pour les séjours à l’étranger » selon Horwath HTL. Il est prévu un ralentissement de 72% des activités vendues sous forme de voyages à forfait !

 

Quelles sont ces obligations ?

Comme pour les règles d’écriture du théâtre classique où il fallait régler les questions d’unité de lieu, de temps & d’action, notre saison œnoutouristique se retrouve sous le joug de ces trois critères.

100km

  1. Le lieu : Le gouvernement a édicté une nouvelle règle applicable dès le 11 mai date de déconfinement. On ne pourra se déplacer que dans les limites des 100 km (à vol d’oiseau)

 

On mesure bien la limitation en termes de chalandise. Les œno-destinations selon leur historique, leur positionnement, leur spécialisation ne sont pas toutes affectées de la même façon par cette mesure.

Les vignobles qui attirent traditionnellement une clientèle internationale seront sûrement les plus touchés. La situation géographique aura un impact considérable : la proximité d’un bassin de population dense avec de grosses villes pourra constituer un réservoir avantageux de prospects.

 

  1. Le temps : La crise du Covid19 à gâché le printemps, période si propice aux longs week-end, aux voyages de groupes et au tourisme d’affaire.

 

Dans un contexte où les rythmes sont bouleversés, une chance persiste cependant pour sauver une saison raccourcie. Mais cela ne sera possible qu’au regard des réglages à mettre en place afin d’être prêt pour l’été : il y a urgence à préparer cette métamorphose en juin.

 

D’autre part, en gardant en têtes le lien avec le local et la nécessité de compenser ce printemps perdu, il est temps de penser un œnotourisme de 4 saisons : l’hiver est une saison malheursement trop négligée !

 

  1. L’action : La plupart des visiteurs cet été seront probablement des régionaux. Ils connaissent bien le pays même si pour eux, la propriété, l’établissement ou la marque ne correspondent à aucune représentation.

 

Il faudra impérativement leur donner une raison de se déplacer, leur donner envie de choisir. L’offre mise en place devra correspondre aux particularités relatives au post confinement, des usages propres aux visiteurs locaux, de la concurrence qui risque de s’exacerber

 

 

Une opportunité pour affiner la stratégie d’accueil

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Exemple de créativité en temps de crise : Champagnes Piot-Sévillano

Le temps est fini où l’accueil au domaine n’était q’une stratégie de vente. Bien sûr, quand on va au domaine viticole faire une visite, il y a de fortes probabilités d’acheter quelques bouteilles.

 

Est-il certain que l’achat constitue la motivation principale du visiteur ?

  • -Dans une période où les flux sont contraints et limités et que tous les acteurs touristiques se démèneront pour attirer le client, la qualité relationnelle prendra encore plus d’importance.

 

  • -Le client a pris le pouvoir, celui de choisir : en venant dans une chambre d’hôtes ou un château, il montre au prestataire qu’il est l’élu. Ce qui suppose que le travail de séduction en amont a fonctionné.

 

  • -Cette longue période de frustration, sans contacts humains, privation de nature, absence d’activités épanouissantes va générer une appétence plus forte encore pour des pratiques faisant sens.

 

Il faut voir cette deuxième phase de la crise du Covid19, comme une période d’accélération de la stratégie marketing : la tactique P.A.C.T.E pose les 5 étapes clés pour une reprise qui enclenche la métamorphose.

 

Non seulement l’urgence va imposer la mise en place de nouveaux systèmes de relation client pour le réceptif viticole mais cette année 2020 pourrait fonctionner comme un laboratoire en temps réel pour ce secteur. Il faudra prendre en compte les craintes de voyager, la réouvertures des vols internationaux, le retour à la normale des conditions d’accueil, la stabilisation des équilibres économiques prévisible dès 2021.

 

C’est une chance de mise à l’essai, d’expérimentation, de vérification de bonnes pratiques offerte par cette saison si particulière.

 

Déjà quelques progrès ont été effectués, où massivement des vignerons se sont mis à intégrer de nouvelles formes de vente en circuits courts comme l’e-commerce ou avec les marchés de producteurs directs. La contrainte a généré la définition de nouvelles solutions pour les professionnels – propositions déjà anciennes qui n’avaient pas été adoptées immédiatement !

 

Il faudra repenser l’accueil dans le vignoble de cette même façon : recevoir des visiteurs pour leur « vendre » un moment de bonheur et non pas du vin.

Une vision encore révolutionnaire pour beaucoup mais qui est le seul chemin à suivre car c’est celui désiré par le consommateur.

 

Business as unusual

Finalement la limitation géographique est l’occasion de travailler sur un échantillon et de travailler sur des méthodes qui seront testées, invalidées ou améliorées en 2021. A l’échelle réceptive, les solutions sont dans les expériences globales que le visiteur va vivre.

#partezenfrance-solidaire

Rebondir implique sortir de sa zone de confort et de remettre parfois en question certaines logiques jusque là installées.

L’effort de résilience va impliquer les acteurs de l’œnotourisme à chercher plus :

  • -Ce que désire le visiteur ?
  • -Quels sont les points d’intérêts différenciants de l’offre ?
  • -Quels sont les avantages & les aspects contraignants pour le visiteur ?
  • -Quels types de services et de comportements sont demandés ?

 

C’est en travaillant finement sur la caractérisation de la demande et sur la mise à disposition de prestations adaptées et originales que l’on trouvera les solutions.

 

Cette première partie doit prendre forme par la constitution d’une offre fonctionnelle, réaliste et génératrice de bénéfices pour l’entreprise.

 

La définition d’un programme agissant sur les aspects matériels & expérientiels doivent donner la possibilité de capter les visiteurs non clients, transformer les clients en habitués, les locaux en amis de la marque.

 

Le local pour authentifier la destination

Car si c’est une opportunité pour l’entreprise, c’est aussi une chance à saisir pour certains territoires.

 

Les Français pourraient redécouvrir des Terroirs, qui par la forces des choses, ont été affectés à certaines origines clients. Cela a résulté de positionnements, de choix orientés sur la vente d’une promesse (idéalisation du discours, winetours au format international, approche standardisée de la relation …) qui ne répondent pas toujours à la demande nationale.

 

Le risque d’une hyper spécialisation d’une œno-destination, c’est d’installer une distance entre l’usage dédié à des visiteurs lointains (des contenus apprêtés pour des professionnels du tourisme, prix internationaux, activité sans lien avec le local …) et celui des habitants du territoire.

 

Cependant, l’un des points d’attractivité se situe dans l’aspect vivant, authentique de la destination. Cet aspect « vrai » ne peut être garanti que par l’implication des autochtones.

 

On le sait bien « Act as a local » est l’une des plus fortes motivation du visiteur international, a fortiori pour les découvreurs de Terroir. Le danger d’une certaine Disneylandisation de l’œnotourisme peut provenir de l’absence d’accent du cru dans l’atmosphère et d’un manque de mixité dans la fréquentation touristique.

Prévenir cet écart, c’est un pas de plus vers le RSE !

 

Ce désir perdu, qui consiste en la « recherche de l’autre, d’un ailleurs authentique, inviolé … » selon R Christin*, pourrait se retrouver en laissant les visiteurs Français se réapproprier ces destinations.

 

L’accueil est un outil puissant de conquête client ; associé à la force des moyens digitaux, les professionnels de l’œnotourisme ont les moyens d’installer auprès des cibles locales une relation client/marque basée sur le respect et le désir. #partezenfrance – #voyagerlocal

* Rodolphe Christin : « Manuel de l’Anti-Tourisme »